Que se passe-t-il au Nagorny-Karabakh?

Arménie-Azerbaïdjan

 Nabil El Bousaadi

Avec une population d’environ 150.000 habitants, une superficie de 11.430 kilomètres carrés et appelé Nagorny-Karabakh par les uns, Haut-Karabakh par les autres, voire même «République d’Artsakh» par certains mais refusant fermement d’être intégrée à l’Azerbaïdjan turcophone et musulman, cette région montagneuse du sud du Caucase qui appartient à l’Azerbaïdjan mais que se disputent aujourd’hui Bakou et Erevan, n’en est pas, néanmoins, moins arménienne par son histoire, sa culture et son peuplement.

Si donc, du point de vue du droit international, ce territoire appartient à l’Azerbaïdjan, force est de reconnaître que, de part sa situation topographique qui en fait un carrefour entre plusieurs plateaux, il a subi, tout au long de son histoire, les invasions assyriennes, scythes, mèdes, babyloniennes, parthes, perses, romaines, arabes, turques, mongoles et, enfin, russes. Et si, par ailleurs, cette région a abrité pendant très longtemps la tribu des Haïks – nom ancestral des arméniens – il convient de rappeler que la ville de Tigranakert y avait été fondée, au 1er siècle avant-JC, en l’honneur du roi arménien Tigrane 1er.

Mais si, ces derniers jours et notamment depuis le 4 Octobre, la communauté internationale a les yeux rivés sur ce plateau où d’incessants bombardements ont lieu entre l’armée azérie et les  forces séparatistes soutenues par l’Arménie sur une zone de guerre qui en s’élargissant chaque jour un peu plus a poussé les 55.000 habitants de la capitale, Stepanakert, à se réfugier dans les sous-sols de la ville, il faudrait situer l’origine de ce conflit, à la création de l’URSS et principalement à l’année 1921 lorsque Staline, voulant donner naissance au plus grand Etat fédéral transcontinental communiste, avait décidé, par la décision du 5 Juillet 1921, du Bureau caucasien du P.C.U.S., de rattacher la région du Haut-Karabakh – dont la population est majoritairement arménienne chrétienne  – à l’Azerbaïdjan dont les habitants sont, pour la plupart, de confession musulmane chiite et de couper, ainsi, tous liens entre l’Arménie et son territoire du Haut-Karabakh.

Ce «mariage forcé» va durer jusqu’à cette année 1988 lorsque la «Perestroïka» initiée par Gorbatchev et le climat « libéral» qu’elle avait engendré vont permettre aux dirigeants du Haut-Karabakh de voter leur «séparation» de l’Azerbaïdjan et leur «rattachement» à l’Arménie car, en ne répondant à aucune réalité socio-culturelle l’enclavement du Haut-Karabakh avait fait de ce territoire «une prison à ciel ouvert laissée volontairement à l’abandon pendant soixante-dix ans» dirons certains analystes. Aussi, l’effondrement de l’URSS, en 1991, lui donnera-t-il l’occasion de proclamer unilatéralement son indépendance et même d’envoyer ses soldats «occuper des districts de l’Azerbaïdjan» qui n’en avaient jamais fait partie, comme le rappellera Jean Radvanyi, géographe spécialiste du Caucase et professeur à l’Institut national des langues et civilisations orientales de Paris (INALCO).

La violence des affrontements qui éclateront, alors, entre les deux armées fera près de 30.000 morts et plusieurs centaines de milliers de réfugiés.

Aussi, pour mettre un terme à ce conflit et lui trouver une issue pacifique, alors que le 20 Septembre 1992, le Parlement du Haut-Karabakh avait mis le monde entier face à un dilemme en demandant son adhésion à l’ONU et en poussant, ainsi, les instances internationales soit à réparer les erreurs de l’Histoire soit à fermer officiellement les yeux, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) décidera de créer le « Groupe de Minsk », une organisation coprésidée par la France, les Etats-Unis et la Russie qui, sans parvenir à résoudre durablement ce contentieux territorial, parviendra, néanmoins, en 1994, à imposer,  entre les deux parties, un cessez-le feu qui durera jusqu’en 2016 lorsqu’une attaque perpétrée par l’armée azérie lancera la « guerre des Quatre jours » qui se soldera par près d’une centaine de morts.

Aussi, après plus de dix heures de négociation tenues, sous l’égide de Moscou, en réponse aux multiples appels de la communauté internationale et notamment celui du Groupe de Minsk, l’Azerbaïdjan et l’Arménie se sont accordés, ce samedi, sur un cessez-le-feu à partir de midi et  sur un échange de prisonniers. Et si, dans la foulée, le président Poutine s’est entretenu, le jour-même, avec son homologue iranien Hassan Rouhani, des efforts de médiation entrepris par Moscou, la Turquie, principal allié de Bakou, a déclaré que si le cessez-le-feu est «un premier pas important (il) ne constitue pas une solution permanente»; ce qui a poussé l’Azerbaïdjan à annoncer que ses opérations militaires ne cesseront définitivement qu’en cas de retrait arménien du Nagorny Karabakh. En conséquence, dès le dimanche matin, les deux belligérants se sont accusés mutuellement de violer la trêve.

Mais, à qui «appartiendrait » donc le Haut-Karabakh sachant que si, sur le terrain, deux armées s’y affrontent, deux principes s’y opposent au regard du Droit international; à savoir, d’un côté, «l’intangibilité des frontières internationales» qui voudrait que les territoires aujourd’hui contestés appartiennent à l’Azerbaïdjan et, de l’autre,  «le droit des peuples à l’autodétermination» que les arméniens brandissent bien haut au motif qu’ils sont majoritaires dans cette région depuis très longtemps et, qu’à ce titre, ils ont l’entière latitude de réclamer leur «indépendance» ou leur «rattachement à l’Arménie»?

Enfin, si, au vu de tout cela, il semble bien difficile, pour l’heure, d’envisager une paix durable et définitive dans la région tant les points de vue des uns et des autres sont éloignés, attendons pour voir…

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