Un mal pour un bien

Endettement extérieur

Par Salma El Badaoui

Dans ce contexte économique difficile et incertain, l’endettement extérieur se veut une des options pour subvenir aux besoins de financement de l’économie et donner une bouffée d’oxygène aux secteurs vitaux de l’économie nationale qui continuent d’encaisser des pertes colossaux liées à la crise du nouveau coronavirus (covid-19).

Considéré comme un mal pour un bien, cet endettement donnera un nouvel élan pour pouvoir mobiliser davantage de fonds en faveur de la promotion des investissements. Ces derniers seront appelés plus que jamais à créer une forte valeur ajoutée en vue de générer les ressources nécessaires au remboursement de cet engagement extérieur.

Ainsi, après avoir procédé le 7 avril dernier à un tirage sur la Ligne de Précaution et de liquidité (LPL) du Fonds monétaire international (FMI) pour un montant équivalent à près de 3 milliards de dollars, remboursable sur une période de 5 ans, avec une période de grâce de 3 ans, le Maroc a récemment émis un emprunt obligataire sur le marché financier international de 1 milliard d’euros (Md€), en deux tranches de 500 millions d’euros chacune.

Cette émission de dette souveraine a connu un franc succès auprès des investisseurs internationaux avec un carnet d’ordres dépassant les 2,5 Md€ émanant de 197 investisseurs. Un succès qui confirme la confiance dont jouit le Royaume auprès des investisseurs obligataires internationaux et des agences de notation.

Certes à travers cette sortie à l’international le Royaume a obtenu des conditions de financement remarquables dans une période marquée par les incertitudes par rapport aux effets futurs du covid-19, cependant une panoplie de questions se posent. Quel est l’impact de cette stratégie adoptée en matière de financement sur les finances publiques marocaines ? Et comment l’endettement extérieur peut-il être profitable à l’économie réelle?

Interrogé par la MAP, Abderrazak El Hiri, Enseignant-chercheur à la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales (FSJES) de Fès, a souligné que ce financement permettra de couvrir le déficit budgétaire (principal instrument d’intervention publique) et de maintenir voire de renforcer les dépenses d’investissement public nécessaire à la promotion de la croissance économique.

Toutefois, a-t-il poursuivi, le remboursement de cette dette extérieure requiert sans aucun doute une efficacité de la dépense publique et une création d’une forte valeur ajoutée pouvant générer les ressources nécessaires pour honorer les engagements extérieurs du Maroc.

Ce recours massif aux financements extérieurs depuis le déclenchement de la crise sanitaire aura pour conséquence de faire grimper l’endettement total du trésor (estimé à près de 76% du PIB en 2020) et l’endettement extérieur du Trésor (évalué à plus de 17,5% du PIB en 2020 contre 14% du PIB en 2019).

Quant aux avantages de cet endettement sur l’économie réelle, l’universitaire a relevé que d’un côté, dans cette situation il faut doubler les efforts pour se conformer le plus rapidement possible aux principes de bonne gouvernance en matière de finances publiques.

Les ressources collectées sur financement extérieur doivent être utilisées rationnellement afin de produire les effets escomptés en matière de promotion de la croissance économique, seule voie pour pouvoir rembourser à terme la dette, pour réduire le ratio de l’endettement public du trésor et pour alléger la charge en dette pour les générations futures.

De l’autre côté, a-t-il soutenu, la soutenabilité de la dette extérieure requiert des mesures visant l’amélioration du positionnement mondial du Maroc et le renforcement de son attractivité. Ce n’est qu’à travers ces mesures qu’il est possible d’augmenter les flux des investissements directs étrangers (IDE) et des exportations marocaines, de créer les conditions propices au développement des entreprises et de renforcer la création de valeur.

En effet, la baisse des ressources financières publiques qui a découlé du jeu des stabilisateurs automatiques, couplée d’une augmentation des dépenses publiques a occasionné un creusement du déficit budgétaire, a expliqué M. El Hiri, rappelant que face à cette situation, une loi relative au dépassement du plafond des emprunts extérieurs a été adoptée et une loi de finances rectificative a été mise sur pied.

Et d’ajouter que la crise sanitaire a également impacté négativement les réserves de changes, réserves cruciales aussi bien pour appuyer la confiance dont jouit le Maroc auprès des opérateurs internationaux que pour le financement ses opérations économiques avec le reste du monde. La diminution des réserves de change a procédé de la conjugaison de plusieurs facteurs dont notamment la baisse des transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE), des recettes du tourisme international des IDE et des exportations.

Ainsi, l’action par le déficit budgétaire, occasionné par une désépargne publique et par la nécessité de maintenir un certain niveau d’investissement public, reste le moyen le plus adéquat pour la relance économique et un retour au fonctionnement normal de l’activité économique, a conclu M. El Hiri.

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