Un chanteur de reggae candidat à la présidence de la république

Ouganda


Nabil El Bousaadi

Arrivé au pouvoir en Ouganda, en 1986, à la faveur d’un coup d’Etat, Yoweri Museveni, un ancien militaire âgé aujourd’hui de 76 ans, a officiellement déposé, le 2 novembre dernier, auprès de la Commission électorale nationale, sa candidature pour le scrutin présidentiel du 14 Janvier 2021.

Mais si, durant les 34 années passées à la tête du pays, le président ougandais n’a perdu aucune des 5 élections auxquelles il s’était présenté, son pouvoir est, aujourd’hui, sérieusement ébranlé par Bobi Wine, un chanteur de reggae de 38 ans, aux origines modestes, qui, après s’être converti à la politique est devenu le porte-parole de cette jeunesse ougandaise frustrée avant de décider de défier le chef de l’Etat lors du scrutin présidentiel du 14 Janvier prochain.

Se voyant donc menacé, par ce jeune trublion que ses partisans surnomment « le président du ghetto » et qui pousse l’affront jusqu’à lui conseiller de démissionner, le vieil autocrate s’est trouvé contraint d’user et d’abuser de son pouvoir de chef d’Etat en donnant ses instructions pour que Bobi Wine soit arrêté, très souvent sous des accusations fallacieuses comme, par exemple, le non-respect des restrictions liées au Covid-19.

Interpelé la semaine dernière lors des pires troubles qu’a connu le pays ces dix dernières années, le jeune musicien, qui n’a dû son salut qu’au paiement d’une caution et qui devra comparaître devant la justice le 18 décembre prochain, a déclaré, face à un parterre de journalistes : « Dites à Museveni que nous ne sommes pas des esclaves et que nous n’accepterons pas d’être des esclaves (…) Nous serons libres !»

Si donc Bobi Wine, de son vrai nom Robert Kyagulanyi Ssentamu, est entré en politique il y a 3 années après avoir été élu député dans le centre du pays en recueillant 77% des voix, il a, très souvent, été arrêté, battu et torturé, voire même accusé de « haute trahison », d’« incitation à la violence » ou encore « d’enfreindre les lois anti-Covid ».

Ennemi-juré du vieux président ougandais, la star du reggae a très souvent été victime d’attaques et parfois même de tentatives de meurtre. Ainsi, si en Août 2018, c’est son chauffeur qui, par erreur, était tombé sous les balles assassines qui lui étaient destinées, le 1er décembre dernier, une balle a traversé le pare-brise de son pick-up et une autre a crevé le pneu de son véhicule au moment où il s’apprêtait à tenir un meeting dans la petite ville de Kayunga.

Dans une vidéo postée sur sa chaîne de télévision en ligne et immortalisant cet incident, on voit le jeune chanteur crier à l’adresse des policiers présents sur les lieux : « Pourquoi essayez-vous de me tuer ? ». La réponse à cette question coule de source.

Le pouvoir qui a toujours fait valoir toutes sortes de prétextes dans le seul but de museler la voix de cet opposant qui jouit d’une immense popularité auprès des jeunes ougandais ne pouvant donc qu’intensifier ses mesures de répression à l’approche des élections, le chanteur s’est trouvé acculé à mettre un terme à sa campagne électorale sans, toutefois, renoncer à rester dans la course à la magistrature suprême qui se tiendra le 14 janvier prochain afin d’y affronter le vieil autocrate qui préside aux destinées de l’Ouganda depuis 34 années.

Bobi Wine, ce chanteur de reggae qui a fait preuve d’un grand courage en débarquant en politique les mains nues et en étant armé de sa seule voix, va-t-il entrer dans l’Histoire de son pays comme héros ou comme martyr ? Le temps nous le dira, alors attendons pour voir…

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