La situation est au bord de l’explosion sur le toit du monde, où depuis 6 mois et dans le cadre d’une mobilisation sans précédent sur les hauteurs de l’Himalaya, quelques 100.000 soldats ont été déployés, de part et d’autre de la ligne frontalière entre la Chine et l’Inde.
Ainsi, pendant que, dans les capitales des deux pays, les diplomates se retrouvent lors de cycles de négociations qui n’aboutissent à rien, dans les airs, des deux côtés de la «Ligne de contrôle effectif» (Line of actual Control – L.A.C.), des avions de combat – des Shenyang J-11, côté chinois et des Rafales récemment livrés par Dassault à New Delhi, côté indien – s’adonnent à des démonstrations de force.
Pour rappel, la guerre qui, en 1962, avait opposé les deux pays, s’était soldée par l’annexion, par la Chine, de près de la moitié de la province indienne du Ladakh ; ce qui lui avait permis de disposer d’une voie terrestre entre le Tibet et la région chinoise du Xinjiang. Mais, le fait que cette L.A.C., cette ligne de démarcation, longue de 872 kilomètres et se trouvant à plus de 4.000 mètres d’altitude, n’ait «jamais fait l’objet d’un accord» et qu’elle n’ait «jamais été tracée clairement sur une carte, ni délimitée sur le terrain» donne naissance, de temps à autre, à des «accrochages» plus ou moins violents.
Ainsi, quand en Avril dernier, l’A.P.L., l’armée populaire de libération chinoise, avait décidé d’installer de nouveaux campements dans une zone tampon théoriquement interdite d’accès aux deux pays et ce, en réaction, dira-t-elle, aux chantiers d’infrastructures qu’entreprendrait New Delhi, dans cette région au titre de l’édification d’une route, d’un pont et d’un aérodrome, les soldats des deux camps finirent par se livrer, le 5 mai, à un combat, à mains nues, avec lancer de pierres, au bord du lac Pangong. Quelques semaines plus tard, le 15 juin, une nouvelle escarmouche eût lieu, un peu plus au nord, dans la rivière Galwan.
Or, bien que cette fois-ci, il n’y eût aucun tir d’arme à feu, les combats au corps-à-corps engagés entre les soldats des deux camps s’achevèrent par la mort de 20 soldats indiens alors que les autorités chinoises n’ont jamais communiqué leurs pertes. Il s’agissait, ce jour-là, pour le journal indien «The Wire», de «la première effusion de sang dans la région en quarante-cinq ans».
Mais si, à l’issue de la huitième rencontre entre les commandants des deux armées, la proposition de désengagement de la Chine n’a toujours pas abouti et, qu’à l’heure qu’il est, nul ne sait quand se tiendront les prochains pourparlers, la seule chose qui soit sûre, pour l’instant, c’est que les 50.000 soldats indiens doivent se préparer à rester encore longtemps sur place, à plus de 4.500 mètres d’altitude, et qu’il en va de même pour les 50.000 membres de l’armée populaire chinoise.
Or, en cette période de l’année, quand, au mieux, il ne fait pas plus de 3°C dans la journée et que les températures peuvent descendre jusqu’à – 10°C, voire même atteindre -30°C et -40°C avec de la neige en Décembre et Janvier, le véritable ennemi n’est plus le soldat adverse mais le froid. D’ailleurs, dans le chapitre «Combattre au Ladakh » de l’«Histoire officielle indienne du conflit avec la Chine en 1962», il est clairement mentionné qu’«au Ladakh, le premier problème auquel fait face un militaire, c’est la survie, se battre contre l’ennemi passe après… Les particularités de la géographie ont un impact clé sur le combat et ses résultats».
C’est à croire qu’au vu de la rudesse du climat dans la région, il est quasiment certain qu’à l’exception des avions de chasse qui, de temps à autre, survoleront la région lors d’opérations de «contrôle», les différentes unités des armées chinoise et indienne actuellement stationnées au Ladakh vont être contraintes d’observer une trêve forcée jusqu’au printemps mais attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi