Kristalina Georgieva, Directrice générale du Fonds monétaire international
Par Omar ACHY – MAP
« La bonne nouvelle, c’est qu’il y a de la lumière au bout du tunnel. Après la pire récession mondiale depuis la seconde guerre mondiale, la reprise est en marche ». Ces propos de la Directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, entendent instiller une bonne dose d’optimisme à l’heure où le monde tente de sortir la tête de l’eau après une crise sanitaire sans précédent et qui persiste encore.
Cependant, il s’agit bien d’un optimisme prudent. Les projections de croissances sont certes fortes et meilleures que prévues mais la reprise est à multiples vitesses.
Les pays moins nantis sont à la traîne et l’écart avec les riches risque davantage de se creuser alors que l’incertitude reste « extrêmement élevée » sur l’impact des nouvelles souches de virus et des changements potentiels dans les conditions financières.
Sur le front des bonnes nouvelles, le FMI a révisé à la hausse ses prévisions de croissance mondiale à 6% pour cette année et à 4,4% en 2022.
De meilleures perspectives attribuées aux avancées de la vaccination et à un soutien politique supplémentaire, en particulier aux États-Unis, outre les actions exceptionnelles et coordonnées prises au cours de l’année écoulée.
« Sans ces mesures fiscales et monétaires, la contraction mondiale de l’année dernière aurait été trois fois pire – cela aurait pu être une autre grande dépression », s’est réjouie la directrice générale du FMI lors d’un point de presse mercredi à l’occasion des Réunions annuelles FMI-Banque Mondiale.
Sauf que les situations d’un pays à l’autre et même au sein d’un même pays « divergent dangereusement », prévient-elle.
« Nous sommes également confrontés à une incertitude extrêmement élevée, en particulier sur l’impact des nouvelles souches de virus et des changements potentiels dans les conditions financières. Et il y a le risque de nouvelles séquelles économiques dues aux pertes d’emplois, aux pertes d’apprentissage, aux faillites, à l’extrême pauvreté et à la faim », a-t-elle encore prévenu.
Face à cette situation encore fragile pour la grande majorité, un « agenda politique mondial », dévoilé ce mercredi dans le cadre de ce forum, met en évidence trois priorités.
Sur le front de la vaccination, l’heure est à l’accélération de la production et la distribution parallèlement à la levée des contrôles à l’exportation. L’accès équitable aux vaccins est en effet primordial pour atteindre l’immunité collective mondiale.
« Cela signifie également financer entièrement l’installation COVAX et veiller à ce que les vaccins excédentaires soient transférés vers les pays les plus pauvres. La politique vaccinale est une politique économique! Des progrès plus rapides pour mettre fin à la crise sanitaire pourraient ajouter près de 9 milliards de dollars au PIB mondial d’ici 2025 », souligne le FMI.
La deuxième recommandation porte sur l’aide à une reprise avec le soutien aux ménages vulnérables et aux entreprises. « Cela nécessite des mesures fiscales ciblées et le maintien de conditions financières favorables », souligne la DG du FMI.
Et compte tenu des reprises divergentes, « nous avons besoin à la fois d’une communication prudente de la part des principales banques centrales et de politiques prudentes dans les pays émergents et en développement pour minimiser les retombées financières néfastes », insiste-t-elle.
Pour préparer l’après crise, « l’accent doit être mis sur l’augmentation des investissements publics – dans les projets verts et les infrastructures numériques, dans la santé et l’éducation des populations – afin de garantir que chacun puisse bénéficier de la transformation historique vers des économies plus vertes, plus intelligentes et plus inclusives ».
A cet effet, le FMI revient sur l’importance d’une fiscalité plus équitable aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises partout dans le monde.
« Dans de nombreux cas, cela signifiera une imposition plus progressive et un accord international sur des questions telles que la fiscalité minimale des entreprises », indique-t-on.
Afin de juguler l’écart entre pays nantis et pays pauvres, qui ne cesse de se creuser avec la crise liée à la pandémie, un soutien plus important aux pays les plus pauvres est jugé primordial.
« Les pays à faible revenu doivent déployer quelque 450 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Dans le cadre d’un effort global, ils ont besoin de plus de mobilisation des recettes intérieures – mais aussi de plus de financements concessionnels extérieurs et de plus d’aide pour faire face à la dette », rappelle la cheffe de l’institution financière internationale.
Jusqu’à présent, le FMI a accordé des prêts à 86 pays avec plus de 110 milliards de dollars, à travers divers instruments. Pour l’Afrique subsaharienne, ces prêts ont été 13 fois supérieurs à la moyenne annuelle de la décennie précédente.
Le Fonds compte proposer une nouvelle allocation de 650 milliards de dollars de DTS (Droits de tirage spéciaux) pour aider à répondre au besoin mondial à long terme, en particulier pour les plus vulnérables.