Le chantre d’une gauche plurielle, démocratique et humaine

   Il y a 25 ans disparaissait Nadir Yata

M’Barek TAFSI

Il y a 25 ans, jour pour jour, s’est éteint feu Nadir Yata, quatre années après l’horrible accident de voiture sur l’autoroute Rabat-Casablanca, qui allait lui causer la maladie incurable qui l’emporta le Vendredi 12 Avril 1996. Il n’avait que 44 ans cet intellectuel organique au sens gramscien du terme, qui était à vrai dire au top de ses capacités productives et ses performances aux plans journalistique, politique, intellectuel et social.

Son départ prématuré a laissé un grand vide politique et journalistique. Il publiait quotidiennement ses écrits pertinents et perspicaces au journal « Al Bayane », par lesquels il était devenu une source d’inspiration pour ses nombreux lecteurs au sein de toute l’élite marocaine et les responsables politiques du pays.

Le journaliste marocain qui interviewe un président américain

Partout au Maroc et même ailleurs, ses écrits étaient cités dans les revues de presse et reproduits ailleurs y compris par le journal français « Le Monde ». A 44 ans, il était en effet au top de sa carrière plurielle (militant, professeur enseignant, journaliste, écrivain, chroniqueur, éditorialiste).

Parallèlement à ses activités professionnelles et à son retour au Maroc en 1978, il avait rejoint la rédaction du quotidien Al Bayane en langue française en tant que journaliste bénévole, c’est-à-dire trois ans seulement après la récupération par le Maroc de son Sahara, à l’issue de la Marche Verte, qui avait donné un coup d’accélérateur au processus du parachèvement de l’intégrité territoriale du pays.

A son arrivée à Al Bayane en 1978, la Rédaction ne comptait qu’un seul journaliste à plein temps qu’est M’Barek TAFSI, à qui feu Nadir avait été présenté, en compagnie de son frère Fahd par le directeur du journal, feu Ali Yata. Ce dernier faisait appel à plusieurs militants du parti pour accomplir des tâches journalistiques dont Mohamed Bennis, qui s’occupait de la traduction des éditoriaux ou de Khalid Naciri.

Quant aux conditions de travail à l’intérieur de l’imprimerie, sise 28-30 Rue Benzert, La Gironde à Casablanca, elles étaient pénibles au milieu de vieilles machines qui crachaient le plomb chauffé à haute température et des travailleurs souvent sous pression pour boucler à temps (linotypistes, typographes, rotativistes et autres).

Grâce à sa culture, ses vastes connaissances, son engagement politique, son courage, sa spontanéité,  sa modestie, sa générosité et sa parfaite maitrise de la langue de Molière, Nadir le journaliste avait donné à Al Bayane une nouvelle impulsion salutaire en y publiant quotidiennement des articles et des analyses qui défendent les causes du pays, l’intégrité territoriale et les aspirations des masses populaires.

Même l’édition arabophone d’Al Bayane avait profité de cette montée en flèche de l’organe du parti, à travers la traduction en langue arabe des écrits du journaliste hors-pair qu’est feu Nadir.

De plus en plus nombreux sont les intellectuels et journalistes, militants et sympathisants du parti, qui se reconnaissaient dans ses écrits, venaient prêter main forte à la Rédaction et proposer leurs contributions au journal.

C’était le cas de Me Mohamed Anik, Pr Mimoun Habriche et Mohamed Ferhat qui allaient poursuivre leur carrière au journal au même titre que Mohamed Khalil, Abdelkader Jamali, affecté auparavant à des tâches administratives, Belaid Bouimid, devenu caricaturiste et d’autres, dont plusieurs membres de la direction du parti dont Simon Lévy, Abdellah Layachi, Mohamed Moucharif, Thami Khyari, Omar Fassi, Abdelahed Fassi Fihri, etc…

Au journal, feu Nadir rédigeait quotidiennement un éditorial sous la signature « Al Bayane » en concertation avec le Directeur de la publication. Omar Mohieddine en assurait la traduction en arabe, quand il n’était pas absent. Il publiait entre autres un article central sous le pseudonyme d’Abou Sawsane, sa fille, une chronique appelée « Mais dit l’autre » et le billet cadré à contenu pinçant et cocasse dit « Mauvaises Langues ». Ce qui en faisait le commentaire succinct le plus visité et  le plus lu du journal, mais aussi le plus choyé par les journalistes, qui se bousculaient pour le rédiger. Il représentait la quintessence et la personnalité du journal.

Par ses écrits analytiques abondants et grâce à sa parfaite maitrise et son style charmant, il avait fait du journal une des publications les plus attractives et les plus lues au Maroc qui impressionne écrivains et critiques.

Par ses écrits très argumentés, documentés et convaincants, feu Nadir faisait la fierté non seulement du métier, mais aussi du pays. Sa notoriété en la matière a dépassé les frontières. Même le journal « Le Monde » reprenait ses analyses sur la situation en Afrique. Il avait obtenu un prix du FNUAP (Fonds des Nations Unies pour la Population) pour sa contribution dans la mobilisation de la communauté internationale autour des questions en rapport avec la population.

Aux Etats Unis, il avait été reçu par l’ancien président Georges Bush, père, qui lui avait accordé une interview, la première du genre d’un président américain à un journaliste arabe et africain.

Au cours de sa maladie et ses hospitalisations au Maroc, en France et aux Etats Unis (l’hôpital militaire de Rabat, la Salpêtrière à Paris et une clinique aux USA), le regretté défunt bénéficiait de la haute sollicitude de feu SM le Roi Hassan II, qui ne cachait pas l’intérêt qu’Il portait à ses écrits.

BIO-EXPRESS DU DEFUNT:

Comme ses sœurs Leila et Samia, il est né le 10 juillet 1952, juste avant son frère jumeau (vrai) Fahd de sa mère Rosalie et de son père Yata, dans une famille en exil à Paris (11ème arrondissement) pour ses convictions et activités politiques.

Le Parti Communiste Marocain, dont son père était Secrétaire Général, était engagé avec les autres forces nationales marocaines dans la lutte pour l’indépendance du pays. Et c’est là où le SG du PCM avait connu toutes les formes de persécution et la prison (Baumette, Santé, Fresnes). Et c’est là où il avait échappé de justesse à son exécution, après sa condamnation à mort.

Au lendemain de l’indépendance du pays, sa famille a été autorisée par les hautes autorités du pays, après moult obstacles, à regagner le Maroc où l’enfant Nadir devait faire ses études primaires et secondaires à Casablanca, avant de regagner la capitale française pour y poursuivre ses études universitaires et y défendre une thèse de doctorat au sujet des relations maroco-soviétiques.

Durant son séjour dans la capitale française, il s’était distingué par son dynamisme au sein de l’UNEM (union marocaine des étudiants marocains), ses prises de parole et ses interventions pour défendre les valeurs nationales, les idéaux démocratiques du Parti de la Libération et du Socialisme et les aspirations du peuple marocain à parachever son intégrité territoriale. Il participait activement aux débats politiques, intellectuels et idéologiques pour dénoncer et dévoiler la fausseté des thèses des extrémistes et des adversaires du parti et du pays dont le mouvement frontiste.

Outre l’UNEM, il militait aussi en tant que membre de l’Association des étudiants musulmans d’Afrique du Nord (AEMAN) qui regroupait des Marocains, des Algériens et des Tunisiens.

De retour au Maroc en 1978, il avait intégré le corps enseignant de la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales à Casablanca, où il s’était distingué par ses méthodes pédagogiques, ses connaissances, et ses interventions très appréciées par les étudiants et les professeurs.

Au PPS et grâce à son militantisme, il avait été élu membre du comité central en 1979 et du bureau politique en 1989.

A sa mort, il avait laissé derrière lui son épouse Dalila Zemama, décédée en 2019 et ses deux enfants Sawasane et Ilyas.

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