Qu’est ce qu’il faut pour être heureux ?

Par Abdeslam Seddiki

J’ai choisi ce titre pour commenter le Rapport sur le bonheur dans le monde réalisé sous l’égide de l’ONU par le Centre de recherche sur le bien-être de l’Université d’Oxford, en partenariat avec le Bureau d’Etudes Gallup et un comité de rédaction indépendant. Ce rapport qui vient d’être publié le 20 mars dernier, Journée Mondiale du Bonheur, dégage l’Indice du Bonheur Humain de 147 pays concernés calculé sur la base d’une série de facteurs tels que le PIB par habitant, les inégalités, le soutien social, la générosité, la liberté, la corruption, le bénévolat et les émotions (positives et négatives).   Le classement varie de 1 (pays le moins heureux) à 10 (pays qui baigne dans le bonheur total). Le Maroc, avec une note de 4,622 est relégué au rang 112 perdant ainsi 5 places par rapport à 2023.

Les pays scandinaves champions du bonheur

La Finlande reste en tête comme le pays le plus heureux du monde pour la huitième année consécutive. L’Afghanistan, en proie à une catastrophe humanitaire depuis que les talibans ont repris le contrôle en 2021, s’est une fois de plus classé comme le pays le plus malheureux du monde obtenant une note de 1,364. Relégués à la 24ème place, les Etats-Unis enregistrent leur classement le plus bas et leur pire score depuis la première publication du rapport en 2012. Cette année, ils avaient figuré au 11e rang, leur meilleur classement. Les Etats-Unis sont également l’un des rares pays à connaître une augmentation des « décès par désespoir » (suicide ou consécutif à l’absorption excessive d’alcool, de drogues…) à un moment où ces décès sont en baisse dans la majorité des pays.

En revanche, pour une troisième année consécutive, la France descend dans le classement. Alors 27e en 2023, elle n’arrive maintenant qu’à la 33e place, largement devancée par la Suisse (13e), la Belgique (14e) ou le Canada (18e

On comprend bien que ce n’est pas la richesse matérielle qui détermine à elle seule le bonheur. C’est beaucoup plus le cadre de vie et la nature des rapports entre les différents membres de la société, avec plus de liberté, une démocratie avancée, moins de corruption, plus de transparence dans la vie politique et plus de sociabilité donnant du sens à un vivre ensemble apaisé et sans tension.   Ce qui explique la place qu’occupent les pays nordiques tous classés parmi les dix plus heureux.  Pendant ce temps, le Costa Rica et le Mexique sont entrés pour la première fois dans le top 10, respectivement en sixième et dixième position.

Place peu enviable du Maroc

Venons à présent à cette place peu enviable qu’occupe notre pays qui est à contrecourant de sa réputation, de son histoire millénaire, de ses ambitions et de ses espérances. Avec une très modeste place de 112 sur 147 nations, il se trouve loin derrière des pays comme la Libye (79ème), l’Algérie (84ème), l’Irak (101ème) et la Palestine (108ème). Ne nous comparons pas aux pays du Golfe qui sont dans le top 30 comme les Emirats Arabes Unis (21ème), le Koweït (30ème) et l’Arabie saoudite (32ème). La Tunisie et la Mauritanie talonnent le Maroc avec un petit point d’écart pour le premier et 2 points pour notre voisin du Sud. L’Egypte arrive loin (135ème).

Comment expliquer un tel « naufrage » car c’en est bien un ? A l’exception des indicateurs relatifs au PIB/tête, de la liberté, et de la perception de la corruption dans lesquels il est classé respectivement au rang 95, 94 et 60, dans les autres indicateurs, il se rapproche des tout derniers de la classe. Ainsi, il occupe le rang 130 en matière d’inégalités, 138 dans le soutien social, 142 dans la générosité, 134 dans les émotions positives et 118 dans les émotions négatives, 142 dans l’entraide et 124 dans le bénévolat.  La maison n’est franchement pas en bon état ! Il faut le reconnaitre.

Allons droit au but

Certes, on peut toujours entendre certaines voix qui trouvent des prétextes pour mettre en cause la sincérité de ces données et leur manque d’objectivité comme on le faisait au départ lors de la publication de l’IDH (Indice du développement humain) publié annuellement par le PNUD et dans lequel le Maroc occupe une mauvaise place oscillant autour de 120, allant des fois jusqu’à 126. Certes les rédacteurs de ce « World Happiness Report » peuvent se tromper sur une ou deux données mais n’ont aucun intérêt à procéder volontairement à la publication de données non vérifiées. Il y va de leur crédibilité. Du reste, il n’y a aucune raison de le faire pour nous et pas pour d’autres ! Donc, toute justification   dans ce sens est à bannir.

 L’heure et la gravité de la situation nous incitent par contre à l’action en dépassant les slogans creux et les effets d’annonce. Le pays a besoin de sérieux, du concret et d’un changement de cap, en capitalisant sur le patriotisme profond des Marocains. Un patriotisme inaltérable en dépit des souffrances au quotidien et de la solitude face à la cruauté de la vie.

Notre pays dont nous sommes fiers en dépit de tout, a des atouts réels qui pourraient rendre les Marocains parmi les peuples les plus heureux de la planète. C’est possible à condition de procéder aux ruptures nécessaires et d’aller droit vers le but. Une réelle volonté politique de « faire » est requise avant tout. La voie qui mène vers le salut est claire.  Il faut être aveugle politiquement pour ne pas s’en rendre compte. Il faut investir en premier lieu dans l’homme et pour l’homme en mettant le citoyen au cœur du processus de développement tout   en veillant à la préservation de notre milieu naturel et la beauté de nos paysages et en renforçant les valeurs humanitaires de solidarité et de justice sociale.

Il vaudrait mieux que ces vérités soient dites par nous-mêmes Marocains et couper ainsi l’herbe sous les pieds de nos ennemis qui sont à la recherche du moindre indice pour nous faire du mal. Le Maroc, fort de ses femmes et de ses hommes est en mesure de relever le défi.    

Alors, qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? Et j’ajoute pour reprendre un morceau de cette sublime chanson de Sacha Distel « Quand le bonheur passe près de vous, Il faut savoir en profiter ».

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