Zoom sur le marché des huiles de table au Maroc

Conseil de la concurrence

Kaoutar Khennach

Le Conseil de la concurrence a dévoilé son avis concernant le respect des règles d’une concurrence libre et loyale par les producteurs et importateurs des huiles de table, suite aux augmentations des prix de vente constatées sur le marché national de ces produits. A cette occasion, le conseil de la concurrence a livré son analyse concurrentielle du marché des huiles de table au Maroc. Les détails.

En effet, le président de la chambre des Représentants a sollicité sur demande de la commission permanente des secteurs productifs, l’avis du Conseil de la concurrence sur ce sujet. Aussi, cette demande a interrogé le Conseil de la concurrence sur l’existence d’éventuelles concertations et ententes entre les producteurs et les importateurs des huiles de table au Maroc. Toutefois, le Conseil de la concurrence a précisé que la demande d’avis s’inscrit uniquement dans un cadre consultatif et non contentieux. Ainsi, le Conseil a conclu que les augmentations des prix sont dues d’une part, aux insuffisances structurelles de la filière oléagineuse locale et, d’autre part, aux éléments conjoncturels liés aux fluctuations des cours mondiaux des huiles brutes, de l’énergie et du transport. Aussi, le Conseil a émis pour l’amélioration du fonctionnement concurrentiel du marché national des huiles de table. C’est notamment le cas pour l’amont agricole, l’encouragement de la consommation de l’huile d’olive, le renforcement des capacités de stockage, la modernisation du circuit de distribution et la couverture des risques.

Historiquement, les oléagineux ont connu une intervention de l’Etat à tous les niveaux de la filière depuis la production jusqu’à la commercialisation. Ainsi, la filière locale des graines oléagineuses a réussi à assurer un taux de couverture des besoins en huiles alimentaires de 10 à 15% durant cette période. Toutefois, à partir de novembre 2000, l’Etat a entrepris une politique de libéralisation générale des échanges agricoles dont la filière oléagineuse. Cette politique s’est traduite par une chute du taux de l’autosuffisance à 2%, seulement.

4 sociétés représentent le marché des huiles de table au Maroc

A cette occasion, le conseil de la concurrence a livré son analyse concurrentielle du marché des huiles de table au Maroc. Il en ressort que le marché global des huiles de table au Maroc est estimé à environ 6 milliards de DH réalisés par 4 sociétés : Lesieur Cristal, Savola Maroc, Groupe Belhassan et Siof. Les deux premières sont des filiales de groupes internationaux (le groupe français Avril et le groupe Saoudien Savola), tandis que les deux autres appartiennent à des groupes familiaux nationaux. En matière d’investissement et durant ces cinq dernières années (2016-2020), ils ont atteint environ 1 milliard de DH, dont plus de 92% ont été réalisés par les sociétés HSB et Lesieur Cristal.

Lesieur Cristal et HSB détiennent plus de 80% du marché

L’analyse des parts du marché global des huiles raffinées (tous segments de clientèle confondus) par opérateur fait apparaitre un niveau de concentration élevé sur un marché qui connait déjà l’existence de peu d’opérateurs. En effet, deux sociétés, Lesieur Cristal et HSB détiennent à elles seules plus de 80% du marché et les trois sociétés du marché : Lesieur Cristal, HSB et Savola réalisent plus de 95% du volume et du chiffre d’affaires du marché, alors que la société Siof n’a qu’une faible part de marché ne dépassant pas [0-5]%. Par opérateur, Lesieur Cristal se taille la part la plus importante avec près de [45-50]% des parts de marché avec un écart de 15 points par rapport à son challenger, la société HSB qui possède une part de marché de [30-35]%, et un écart qui atteint plus que le triple par rapport au 3ème opérateur du marché, Savola Maroc [15-20]%. Siof pèse moins de [0-5]% du marché, inférieur de plus de 9 fois que Lesieur Cristal.

Lesieur Cristal est présenté sur l’ensemble des gammes de produits

La répartition des produits par opérateur, fait ressortir que seules les sociétés Savola et Lesieur Cristal sont présentes sur l’ensemble des gammes de produits, tandis que les deux autres opérateurs (HSB et Siof) ne commercialisent pas des huiles de table à base de mélange de plusieurs graines oléagineuses. Avec 7 marques différentes, Lesieur Cristal est le seul opérateur à dépasser la moyenne de 5,5 produits/opérateurs (Savola également, si l’on considère les marques propres précités). La société Savola détient l’exclusivité sur les marques propres. C’est l’unique opérateur qui fabrique la totalité de ces produits pour le compte des enseignes de la GMS. Aussi, avec ses 7 produits différenciés, la société Lesieur Cristal possède le plus grand nombre de marques commerciales si on ne comptabilise pas les marques propres vendues au niveau des GMS. Savola passe en tête, si on intègre ces dernières. La société Siof propose seulement deux produits, un qui est 100% soja et un autre 100% tournesol vendus tous les deux sous la même marque « Siof ».

Casablanca-Settat concentre plus de 62% du volume produit

En termes de répartition géographique de l’offre en huiles raffinées, 100% de la production est réunie dans trois régions. En effet, la région Casablanca-Settat où sont installées les sociétés Lesieur Cristal et Savola, concentre plus de 62% du volume produit suivie de la région Souss-Massa qui représente 23% de la production globale et qui est portée par la société HSB (unité de raffinage d’Agadir), puis de la région Fès-Meknès qui produit respectivement environ les 15% de l’offre restante. La production au niveau de cette dernière région est assurée par les sociétés Siof et HSB par le biais de son unité industrielle de trituration et de raffinage située à Ain Taoujdate. A constater que plus de 85% de la production émanent de Casablanca et d’Agadir. Ceci s’explique d’une part, par l’existence de ports au niveau de ces deux villes, permettant aux opérateurs de réduire leurs frais de transport une fois les matières premières arrivées et d’autre part, par le fait que ces zones représentent les plus grands bassins de consommation du Maroc.

Le marché local absorbe environ 90% de l’offre

Le marché local absorbe environ 90% de l’offre globale des huiles raffinées produites, et 10% sont destinées à l’export qui commence à prendre de plus en plus de l’importance ces dernières années. Sur les 90% de l’offre globale du marché, 73% sont vendues sous forme d’huiles de table destinées aux ménages. C’est-à-dire le consommateur final, et près de 17% sont destinées aux professionnels et aux industriels de la branche agro-alimentaire, tels que les margarineries et les conserveries de poisson. Concernant la consommation locale, elle s’élève à près de 15kg/hab/an. Un niveau situé pratiquement dans la moyenne des pays en développement qui atteint environ 16kg/an/hab. Par type d’huile, le marché national est un marché de soja (jugée bon marché), dans la mesure où celle-ci constitue 90% de la consommation locale. Par circuit de commercialisation, le canal traditionnel relatif au commerce de proximité comprenant les grossistes, les semi-grossistes et les épiceries représente l’essentiel et couvre plus de 88% de la demande globale, tandis que le circuit moderne des GMS représente environ 12%. Par région, les principaux marchés de consommation des huiles de table au Maroc sont Casablanca-Settat, Marrakech-Tensift et Fès–Meknès. A noter par ailleurs, que les quatre opérateurs du marché adoptent des stratégies de distribution différentes. En effet, trois opérateurs (Lesieur cristal, HSB et Savola) sont actifs sur tout le territoire national alors qu’un opérateur (Siof) est concentré sur deux régions seulement.

Les changements de prix sont généralement initiés par le leader du marché

En termes d’application des changements (dates et montant de variation) des prix de vente des huiles de table, il a été constaté un rapprochement entre les variations de valeurs et le timing de leurs mises en œuvre. Surtout entre les trois grands opérateurs du marché : Lesieur Cristal, HSB et Savola. Les changements de prix sont généralement initiés par le leader du marché, suivi dans des délais très courts (3 à 5 jours) par les autres opérateurs du marché. Les changements de prix chez le leader sont programmés et annoncés pour application une semaine à l’avance, alors que les trois autres opérateurs appliquent généralement ces changements à j+1 de leurs annonces. Ainsi, il apparait que les opérateurs suivent de près le comportement du leader.

In fine, la structure oligopolistique du marché limite la concurrence par les prix entre les opérateurs dans la mesure où ils sont interdépendants. Aussi, les commerçants du circuit traditionnel qui représentent 88% du commerce de l’huile de table répercutent automatiquement les changements de prix (surtout les augmentations) de l’opérateur leader aux produits des concurrents. 

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