En plein examen du pass vaccinal à l’Assemblée
« Electrochoc » pour le gouvernement, indignité pour ses opposants: en disant vouloir « emmerder » les non-vaccinés, Emmanuel Macron a déclenché un tumulte qui grossit mercredi, forçant au passage les oppositions à préciser leur avis sur le pass vaccinal débattu à l’Assemblée.
« Les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C’est ça, la stratégie », clame le chef de l’Etat dans un entretien au Parisien mardi.
« Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je deviens un irresponsable. Un irresponsable n’est plus un citoyen », a-t-il ajouté.
La tempête politique sévit au coeur de la 5e vague d’épidémie de Covid-19, et en plein examen tendu du projet de loi transformant le pass sanitaire en pass vaccinal.
Les débats, qui avaient été suspendus une première fois dans la nuit de lundi à mardi après un vote à main levée salué par les oppositions, avaient finalement repris mardi soir.
Les députés étaient alors parvenus à s’accorder sur l’épineuse question du pass vaccinal pour les mineurs, repoussé de 12 à 16 ans pour les sorties scolaires et activités péri et extrascolaires (mais pas pour les « activités privées » comme aller au restaurant).
L’interview du chef de l’Etat a remis le feu aux poudres, et après de multiples suspensions de séance et une demande, vaine, des oppositions de voir le Premier ministre Jean Castex venir dans l’hémicycle, les débats ont de nouveau été suspendus.
« Ils reprendront cet après-midi à 15H00 et j’espère que la raison l’emportera », a souligné le ministre des Relations au Parlement Marc Fesneau mercredi matin sur franceinfo, en confirmant qu’une entrée en vigueur du pass vaccinal au 15 janvier « reste un objectif ».
Toutefois, le calendrier est toujours menacé de dérailler: les discussions au Palais Bourbon ont piétiné mardi soir et 450 amendements restent au menu. L’Assemblée devrait en théorie achever leur examen mercredi soir, puis le Sénat se saisir du texte jeudi en commission. Mais rien n’est moins sûr, les oppositions dénonçant, à l’instar de Sébastien Jumel (PCF), un « Benalla sanitaire ».
Pour Marc Fesneau, les propos d’Emmanuel Macron vont au contraire « produire un électrochoc » pour les non-vaccinés qui sera « salvateur ». Et de rappeler le nouveau record de contaminations au Covid, à 271.686 cas mardi. Les hospitalisations continuent aussi de croître.
Dans cette situation, l’infectiologue Eric Caumes « comprend » en tant que médecin le « dérapage probablement contrôlé » d’Emmanuel Macron, soulignant l' »exaspération » des soignants face aux non-vaccinés.
« En tant que citoyen je suis un peu plus surpris, mais c’est la campagne électorale qui a débuté », a-t-il remarqué sur BFMTV et RMC.
Les candidats à la présidentielle et les oppositions fustigent, eux, les « propos insultants » du chef de l’Etat qui devrait « rassembler » plutôt que « cliver ».
« Réunir la France », a laconiquement tweeté la candidate PS à la présidentielle Anne Hidalgo; « propos indigne et irresponsable » selon le candidat PCF Fabien Roussel; « faute politique » pour le candidat EELV Yannick Jadot, et pour le candidat LFI Jean-Luc Mélenchon, c’est un « aveu sidérant de Macron »: « le pass vaccinal est une punition collective contre la liberté individuelle ».
A droite, la candidate Valérie Pécresse se dit « indignée » et appelle à « mettre fin au quinquennat du mépris ».
A trois mois de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron « tombe dans le camps des populistes avec Mme Le Pen et M. Zemmour », a accusé mercredi matin sur Sud Radio le patron des députés LR Damien Abad.
« Je ne peux pas cautionner un texte qui a pour seul objectif d’emmerder les Français », abonde le président du parti Christian Jacob.
Des Républicains ciblés par le gouvernement qui les accuse de jouer double jeu, entre soutien public au pass vaccinal et critiques et vote contre une fois dans l’hémicycle.
Le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal avait ainsi sommé mardi Valérie Pécresse de « clarifier sa position ». « En responsabilité (…), nous ne nous opposerons pas à ce texte », avait répondu la candidate, qui a bondi dans les sondages ces dernières semaines et est désormais donnée au second tour de la présidentielle face à Emmanuel Macron.