Point de vue
Par Sofia El Aouni – MAP
Après « Parasite », réalisé par Bong Joon-ho, qui a raflé le prix du meilleur film aux Oscars 2020, les séries sud-coréennes n’ont cessé de conforter leur place de choix dans un milieu artistique en pleine effervescence qui renferme un « soft power » incontournable, capable de promouvoir un tourisme alternatif et de faire rayonner toute une Nation à l’échelle internationale.
L’importance de ce « soft power » s’est reflétée, en effet, dans un récent sondage réalisé en ligne par le Service coréen de la culture et de l’information (KOCIS) auprès de 12.500 étrangers issus de 24 pays, incluant la Corée du Sud, et qui a démontré que 80% des sondés ont une bonne image de ce pays asiatique.
D’après le KOCIS, les éléments positifs de l’image de la Corée du Sud choisis par les étrangers incluent la culture contemporaine du pays, comme la K-pop, le cinéma et le patrimoine culturel.
Cette nouvelle donne s’est encore une fois confirmée avec le succès planétaire de la série produite par Netflix, « Squid Game » et de surcroît le dernier opus « The silent sea », où les passionnés du septième art ont eu une énième occasion pour partir en voyage, quoique devant leurs écrans, à la découverte d’une culture si lointaine.
Le 12 janvier dernier, le créateur de « Squid Game », Hwang Dong-hyuk et Netflix ont été récompensés par le Corea Image Communication Institute (CICI) pour leur contribution au rayonnement de la Corée dans le monde.
Pour le CICI, le réalisateur Hwang Dong-hyuk a servi de « tremplin » pour faire connaître la culture coréenne dans le monde et consolider le statut de puissance culturelle de la Corée du Sud, en créant un phénomène mondial avec la série « Squid Game », basée sur un scénario original et une mise en scène créative.
Une industrie culturelle et cinématographique s’est érigée dans le « pays du matin calme », tournée vers l’extérieur, avec pour seule ambition de cimenter mondialement un savoir-faire local défiant les standards hollywoodiens et exportant un patrimoine qui était, jusqu’à ce jour, assez méconnu du grand public et des cinéphiles.
Pour le réalisateur franco-marocain, Nabil Ayouch, le film et la série sont des ambassadeurs d’un pays ou d’une région du monde. « Pas forcément sous un angle de carte postale, mais celui d’un sujet qui capte le téléspectateur, lui procurant le désir, en premier lieu, de s’accrocher à une histoire et à des personnages, puis en deuxième temps, à une culture », a-t-il dit dans une déclaration à la MAP.
Sur la place du cinéma en tant que vecteur pour la promotion touristique, M. Ayouch a noté que le 7ème art ne fait pas office d’un département ni d’une agence de tourisme. « Le cinéma est un art qui exprime un point de vue qui peut être contestataire », a-t-il estimé.
« Il ne faut pas se tromper, ni mettre comme seul objectif cinématographique de vanter le paysage d’un pays », a-t-il insisté.
« Le cinéma doit rester fidèle à son rôle, celui de toucher les sensibilités des âmes à travers des histoires et, de surcroît, susciter un intérêt chez le spectateur pour un pays ou une culture donnée », a poursuivi le réalisateur de « Razzia » (2017).
Il a, dans ce sens, fait remarquer que son film « Haut et Fort » a créé un intérêt croissant pour les quartiers périphériques de Casablanca, à l’instar de Sidi Moumen, tout en invitant le public, par le biais de cet art, à se laisser surprendre et à changer les clichés et les idées reçues.
« Un éveil cinématographique peut être extrêmement profitable pour un pays comme le nôtre », a-t-il soutenu.
M. ayouch, qui a affirmé que le Maroc est un pays doté d’énormes atouts naturels exceptionnels et d’une richesse patrimoniale séculaire, a souligné que le Royaume jouit d’atouts incontestables à mettre en avant à travers l’image, qui se veut « un médium extrêmement populaire, probablement le plus populaire à ce jour ».
Même son de cloche chez le réalisateur marocain Azlarabe Alaoui qui a indiqué que la véritable mission du cinéma est de « porter les questions sociétales et de les aborder afin d’en soustraire un débat constructif ».
« Joindre la promotion touristique au septième art est une limitation de la créativité artistique », a-t-il estimé, notant que le cinéma est un art de plaisance visuelle avant tout.
Le réalisateur d’Androman (2012) a confié à la MAP que la faculté d’un film est de promouvoir indirectement un lieu ou une culture donnée. « Mais cela reste secondaire », a-t-il relevé.
Le cinéma peut, en effet, jouer le rôle de « diplomatie parallèle » et ce, par le biais des images mises en avant, a-t-il enchaîné, estimant que le 7ème art s’enrichit principalement des questions d’ordre sociétal.
La pratique d’un « soft power », qui met en évidence une industrie culturelle capable d’attirer un nouveau genre de touristes plus sélectifs et assoiffés de découvertes, à même de booster l’économie locale, est un trait de génie.
Cette prouesse du septième art tend à percer l’imaginaire du spectateur, à travers des histoires de films qui prennent source dans la culture marocaine, mais qui peuvent aussi être partagées et résonner dans les esprits des spectateurs du monde entier.
C’est ainsi qu’à l’ère du streaming, le cinéma est devenu une passerelle pour mieux découvrir et de plus près le pays d’origine, ainsi que pour promouvoir un nouveau genre de tourisme, animé par une curiosité, cette fois-ci, visuelle.