Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi
Pour la première fois depuis le retour de la démocratie au Brésil à la fin des années 1980, l’issue des élections présidentielles dont le premier tour aura lieu le 2 Octobre prochain, est encore incertaine à dix mois du scrutin car les analystes sont tenus de s’interroger non seulement sur l’identité du vainqueur mais, surtout, sur le comportement que va adopter le président sortant Jair Bolsonaro s’il venait à être défait par les urnes face à l’ancien président Lula de Silva comme le laissent entendre plusieurs sondages.
La seule certitude à l’heure actuelle étant que le président sortant va mettre beaucoup de temps avant de reconnaître sa défaite, le duel sera non seulement inédit entre les deux ennemis-jurés mais aussi tellement tendu qu’en cas de victoire de Lula, l’image même qui montrerait son prédécesseur lui remettant l’écharpe présidentielle reste inconcevable dès lors que le leader de l’extrême-droite brésilienne ne fait pas mystère de son intention de contester son éventuelle défaite à l’élection présidentielle d’Octobre.
Elu en 2018 et comptant poursuivre les réformes mises en place par son ministre des Finances Paulo Guedes au titre de la réduction du rôle de l’Etat dans l’économie même si celles-ci n’ont pas abouti à une hausse des investissements et de la croissance économique, le président sortant bénéficie du soutien de l’importante communauté évangélique brésilienne, de l’armée, de la police, du petit patronat et de l’agro-business.
Aussi, cette année 2022 s’annonce très tendue dans ce plus grand pays d’Amérique latine qui se prépare à un duel inédit entre un président sortant surnommé le « Trump des tropiques » et celui qui, pour ses partisans, restera toujours le « père des pauvres » et qui entend bien retrouver le fauteuil présidentiel après avoir recouvré son éligibilité.
Mais les sondages n’étant que des prévisions, la victoire de Lula, espérée par un grand nombre de ses compatriotes mais, également, par plusieurs dirigeants d’Europe et d’Amérique latine, n’est pas encore acquise car bien qu’il ait été blanchi des accusations pour lesquelles il avait été poursuivi, son nom restera, à jamais et pour une bonne partie de l’opinion publique brésilienne, synonyme de la corruption des élites politiques.
Et si, d’un autre côté, Jair Bolsonaro doit, en grande partie, son élection au rejet violent que le Parti des Travailleurs qui avait gouverné le pays sans interruption de 2003 à 2016 – avec Lula puis Dilma Roussef – a suscité au sein de la bourgeoisie brésilienne, des classes populaires et dans la presse, il ne faudrait pas oublier, comme l’a dit Armelle Anders, qu’« actuellement (il) fait profil bas car il a été menacé de destitution quand il avait tenté d’organiser un coup d’Etat en septembre » dernier.
En conséquence, aucune analyse concernant ce qui pourrait avoir lieu si le président sortant tente de « voler l’élection » d’Octobre prochain ne saurait être complète si elle ne prend pas en considération ce que pourraient faire l’armée et la police militaire – l’équivalent de la gendarmerie – après que ces dernières aient accumulé un énorme pouvoir politique sous la présidence Bolsonaro.
Mais s’il est vrai que la communauté internationale gardera les yeux braqués sur les généraux qui sont dévoués à leur président, il n’en demeure pas moins vrai que la démocratie brésilienne a de très fortes chances d’être sérieusement ébranlée mais attendons pour voir…