Exposition itinérante de Zouhir Ibn El Farouk
Par M’barek Housni
C’est entre Bois-Colombes près de Paris, et Casablanca à la galerie Shart que cela va se produire. La première entre 28 mars et 8 mai 2022, et la deuxième du 26 mai jusqu’au 26 juin 2022. L’occasion est prévue donc pour se mettre au courant des dernières créations expérimentales et artistiques de l’artiste en matière de photographie, non pas comme lien avec le réfèrent réel, mais comme matière à explorer et à inventer. Domaine dans lequel il compte une expérience artistique solide et fort innovante, qui a toujours obtenu un succès palpable.
Il s’agit cette fois-ci de ce qu’il appelle judicieusement « l’informe ». Le dictionnaire définit l’informe par ce qui n’a pas de forme propre. Donc à qui on devrait donner une forme pour qu’il soit, sans pour autant contredire la définition académique, et cela n’est possible qu’en créant l’œuvre, en le plaçant dans le registre de l’art. L’art qui transgresse le définitif pour le lancer dans le sillon de l’imaginaire et lui asséner une existence esthétique. Ce qui veut dire en concret lui offrir une présence.
Zouhir Ibn El Farouk creuse ce sillon de la présence dans la matière même de la photo. C’est l’exploration de la photo référentielle qui cache comme un mode originale qui, une fois mis en évidence révèle des couleurs et des formes. Rien que cela, un rien insoupçonné qui justement prend forme, sans lien avec la captation du départ, d’où il naissance. Ce qui est capté qu’il soit argentique ou numérique, sort alors de l’oubli.
Ça offre un pur abstrait que la main attentionnée et inspirée de l’artiste fait ressurgir à la lumière du jour. La création n’est-elle pas donner vie à ce qui n’était pas jusqu’à ce qu’on lui donne l’occasion (ou la chance) d’être. La photo vue (celle qui devrait faire voir) par l’artiste est un « tableau » issu par lui-même, en quelque sorte. Voilà l’enjeu majeur de cette exposition. De larges pans de couleurs vives, flamboyantes, lumineuses, un jaune, un rouge, qui paraissent comme sortants d’un noir tout aussi lumineux. De grandes plages de couleurs superposées, alignées, se répondant et se reflétant entre elles. Alors qu’elles sont issues de l’improbable, de ce qui n’augurait pas de leur existence. On est tenté de dire « du vivant qui sort de ce qui est mort », sauf que la mort ici n’équivaut pas à la disparition, mot que la nature ne connaît pas. La photo telle quelle, investie par l’artiste le démontre amplement. Et c’est d’un émerveillement.
À une question de la curatrice de l’exposition, Fouzia Marouf, il s’explique mettant son travail dans son contexte propre : « Mes territoires de recherches sont axés autour de cette double notion incluant la matérialité et l’immatérialité dans le processus photographique. Informe, propose un dialogue entre deux procédés différents : l’analogique, le numérique, issus d’un même médium qui est le 8e art. Il ne s’agit pas d’un travail hybride, plutôt une réflexion sur la notion du photographique, aujourd’hui. Dès lors, non pas une archéologie, une typologie d’inspiration scientifique ou une variante photographique du minimalisme. Mais, un exercice permanent qui contraint le lieu le plus étranger à la valeur de l’art: la reproduction photographique, à devenir un laboratoire où l’usage devient image. »
Une permanence de l’exercice qui pousse la photographie vers des contrées où elle s’avère porteuse de son essence qui n’est pas ce qui est visible à première vue, comme attente réelle, mais ce qui en-dessous de ce visible. Ainsi entre « matérialité et immatérialité » jaillit le beau qui surprend par sa teneur esthétique éblouissante comme un corollaire obligé de la matière qui est chose, objet, être, et qu’il faut chercher. Z.I. El Farouk emprunte sans cesse cette voie, y excelle et nous en fournit la quintessence.