Établissements pénitentiaires
La commission de la justice, de la législation et des droits de l’Homme à la Chambre des représentants a organisé, mardi, un débat autour du contenu du rapport sur « la situation des établissements pénitentiaires au Maroc à la lumière des normes internationales et de la législation nationale et la nécessité de réforme 2016-2020 », élaboré suivant une vision objective et juridique, dans le cadre d’une nouvelle approche d’évaluation des conditions dans les milieux carcéraux. Les participants à ce débat ont salué les efforts déployés par le Maroc durant la période 2016-2020 pour améliorer la situation au sein des établissements pénitentiaires à différents niveaux, notamment les infrastructures, les conditions d’hébergement et les ressources humaines, relevant néanmoins qu’il est nécessaire de faire face à certaines contraintes qui persistent en la matière. Le président de la commission, Mohamed El Aaraj, a indiqué, dans ce sens, que l’importance de ce rapport, fruit d’une collaboration entre le Centre d’études en Droits humains et démocratie (CEDHD), le Centre de Genève pour la gouvernance du secteur de la sécurité (DCAF) et la délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR), réside dans son impact sur la politique pénale, la lutte contre la criminalité et la nécessité de préserver la dignité des détenus et de les réhabiliter. Le rapport repose sur une vision objective de suivi d’indicateurs qui permettent de mesurer les progrès réalisés en termes d’amélioration de la situation des détenus, apportant ainsi aux politiques publiques des données nécessaires à l’amélioration des conditions dans les prisons, a-t-il précisé. Les résultats positifs atteints par la DGAPR n’auraient pas été possibles sans l’implication réelle et sérieuse des responsables et fonctionnaires dans la mise en œuvre des procédures et mesures programmées en la matière, a-t-il estimé, saluant également les efforts déployés et la mobilisation générale pour contrer la propagation de la pandémie du Covid-19 en milieu carcéral.
Des défis à relever
Pour sa part, le président du CEDHD, Habib Belkouch, a fait savoir que dans la gestion des conditions des détenus, il est nécessaire de prendre en compte à la fois l’aspect humain, l’impératif de lutter contre le crime, le respect de la dignité humaine et l’importance de la réhabilitation. Il a expliqué que cet objectif requiert des capacités humaines et financières, et des infrastructures, en plus de plans et de politiques publiques qui convergent avec les programmes de plusieurs secteurs tels que la santé, l’éducation, la formation professionnelle, les finances et les affaires sociales.
Les dispositions constitutionnelles et juridiques, ainsi que les engagements internationaux du Maroc en la matière, ont été pris en compte lors de l’élaboration de ce rapport, a-t-il ajouté, soulignant la nécessité de prendre en considération ces aspects également dans la mise en place de politiques publiques ayant un réel impact sur les conditions au niveau des établissements pénitentiaires. Par ailleurs, il a relevé que la période sur laquelle porte le rapport a permis de passer d’une approche basée sur le suivi direct des indicateurs à l’adoption d’une démarche d’analyse et d’extraction des aspects de réforme requis. Il a, dans ce sens, évoqué l’importance de l’approche basée sur les droits de l’Homme dans le processus d’évaluation en vue d’améliorer le secteur, mettant l’accent sur la création de 20 établissements pénitentiaires et la fermeture de 19 autres, plus anciens, ce qui a non seulement permis d’améliorer la capacité d’hébergement, mais également d’en garantir les conditions nécessaires suivant les normes internationales. M. Belkouch a néanmoins précisé que le rapport détaille un ensemble de défis à relever, le plus important étant la politique pénale et la “philosophie de la peine” qui l’encadre, et ce compte tenu de leur impact négatif sur les conditions en milieu carcéral, notamment en termes de surpopulation, de détention préventive et de peines de courte durée.
Des lacunes dans le domaine de la santé
Quant à Moulay Driss Aguelmam, directeur de l’Action socioculturelle et de la réinsertion des détenus au sein de la DGAPR, il a mis en avant l’ouverture de la délégation sur son environnement extérieur, notamment la société civile, les instances et les organisations œuvrant dans le domaine des droits de l’Homme, ce qui a permis de développer la coopération et la coordination en la matière, dans le cadre du processus de réforme dans lequel s’est engagé le Royaume sous la sage conduite de SM le Roi Mohammed VI. Le responsable a ainsi qualifié la publication de ce rapport d’ »expérience unique aux niveaux arabe et régional” et d’“occasion de réitérer le soutien de la DGAPR à de telles initiatives visant à faire état de la réalité des établissements pénitentiaires d’un point de vue neutre et objectif”. Selon M. Aguelmam, la Délégation générale a noté les différentes questions liées aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires pointées dans le rapport, notamment en ce qui concerne le lien entre la surpopulation et le taux de criminalité élevé, le taux de détention préventive, ainsi que le nombre élevé de condamnations et leur durée, en plus des recommandations proposées pour faire face à ces défis. Le rapport offre une lecture générale de la situation sanitaire en milieu carcéral au niveau international, avant d’aborder la question dans les prisons marocaines, a-t-il ajouté, soulignant que le document fournit également un aperçu sur les avancées et les lacunes dans le domaine de la santé, placé parmi les priorités de la Délégation générale. En outre, la directrice des programmes Maroc au DCAF, Cécile Lagoutte, a salué l’engagement ferme du Maroc en faveur de l’instauration du principe d’indépendance de la justice ainsi que du respect et de la protection des droits de l’Homme et d’égalité des sexes, en plus de la mise en œuvre d’une nouvelle approche de gouvernance du système pénitentiaire, conformément à la loi 23.98 relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires. Cette évolution, qui a contribué à améliorer la situation de l’administration pénitentiaire et à renforcer son indépendance, a permis le renforcement de la structure des prisons et l’amélioration des conditions de détention, tout en prenant en compte la dimension de la réinsertion, a-t-elle relevé, notant que le DCAF a apporté appui aux autorités marocaines, notamment en ce qui concerne les normes et bonnes pratiques en matière de conditions de détention et de renforcement des compétences des fonctionnaires, en particulier ceux en charge du domaine de la santé. Ce rapport vise à évaluer en particulier les acquis et le degré d’amélioration de la stratégie pénitentiaire au Maroc, en mesurant les progrès réalisés et les contraintes qui persistent encore, a conclu Mme Lagoutte.