Feu Abdallah Stouky
Mohamed Nait Youssef
Homme solaire. Son souvenir et apport resteront gravés à jamais dans les mémoires de ceux et celles qui l’ont aimé, accompagné et côtoyé de près ou de loin dans l’ici bas. Feu Abdallah Stouky a quitté le monde des vivants le mardi 12 juillet, à Rabat ; sa ville de cœur.
L’homme, entouré de ses livres et de ses vraies amitiés qui n’ont pas pris une seule ride malgré les aléas, les hauts et les bas de la vie, a défié la maudite maladie avec toutes ses forces, et surtout son sourire habituel et plein d’espoir.
Il fut l’un des monstres sacrés de la presse nationale. Et il en restera… sans aucun doute. Il s’en est allé alors après un parcours, voire une vie et demie consacrés à l’essor et l’effervescence d’une pratique journalistique professionnelle et ouverte sur les sensibilités politiques, culturelles, entre autres. Le jour d’après ont eu lieu les obsèques au cimetière Chouhada. Une après-midi d’été lumineuse.
En tête du cortège accompagnant le corps du défunt jusqu’à sa dernière demeure, ses amis de longue date, ses collègues et tous ceux qui l’ont connu de près pour lui rendre un dernier hommage.
Un communiste. Un poète. Journaliste, éditeur, critique, intellectuel et militant progressiste de la première heure, Stouky ou Âazizi, comme beaucoup aimaient l’appeler, a assumé ses choix idéologiques ou autres.
Une belle plume certes, mais c’est aussi un homme qui a marqué son temps et sa génération de journalistes, d’artistes, d’hommes politiques et d’intellectuels.
La force de son caractère, bien trempé, sa grande culture, son esprit averti et son franc-parler font de lui une personnalité hors du commun. Il faut lire ses articles et critiques d’une grande clarté et connus par la précision et la justesse de l’écriture pour en comprendre sa profondeur et sa luminosité.
J’ai connu Âazizi grâce au journaliste Mohamed Ameskane. On lui a souvent rendu des visites à son domicile à l’immeuble Saada, au cœur de la capitale, qui n’était d’autre que le fameux «siège» des Editions Stouky. Les livres sont partout meublant la solitude de l’espace.
Au premier abord, j’étais impressionné et fasciné par l’univers livresque et surtout les grandes œuvres, toutes disciplines confondes, qui y sont bien arrangées dans les étagères. Les livres sont partout. Son monde est imaginé et conçu de lettres, de mots et des histoires racontées et à raconter. C’est un bonheur d’y être au milieu de toutes les perles romanesques et philosophiques.
Même sur son lit de malade, il ne rompait plus le lien avec la lecture des livres, des magazines ou encore des journaux. Il lisait tout le temps. Et il nous encourageait à lire en nous proposant des titres soigneusement choisis.
«Je lis tout, mais j’aime bien lire et relire Marcel Proust. C’est un grand auteur. Un génie.», nous a-t-il confié. Passeur d’idées, Âazizi, qui était une mémoire vivante et une histoire culturelle à lui tout seul, ne cessait de partager sa passion pour la lecture et les livres. La preuve : sa bibliothèque était ouverte aux amis et connaissances admirateurs des lettres et des littératures.
Ses discussions, autour d’un thé ou d’un bon couscous préparés par l’adorable Rekia, étaient à la fois profondes et savoureuses, tout en gardant bien entendu le sens de l’actualité et celui de l’humour. Le partage et l’hospitalité de l’homme sont présentés comme une grâce. Il nous charme et impressionne par sa volonté, mais aussi son attachement à la vie et sa patrie. Rekia, la souriante et l’aimable, était son ombre. Elle l’avait accompagné jusqu’au dernier jour de sa vie. Elle mérite tous les éloges et louanges.
Les visites se sont multipliées. Âazizi nous racontait des anecdotes ou des histoires ayant marqué la scène culturelle nationale. Puis, la pandémie a joué son jeu. Hélas!
Il fut l’ami de Tayeb Saddiki, Mohammed Khaïr-Eddine, Farid Belkahia et bien d’autres noms connus et reconnus au Maroc et même ailleurs. La trajectoire de cet homme est exceptionnelle, qui a toujours cru en l’importance de la transmission et la faculté de l’écriture et ses rôles dans l’évolution de sa société. Lui qui a toujours mis en mots le Maroc, son pays, par le biais de sa plume et… de ses mots sincères et immortels.
La meilleure façon de célébrer son passage, c’est d’aller sur sa lancée et perpétuer ses apports et luttes pour un pays prospère, moderne et démocratique. Et pourquoi pas une fondation portant son nom et portée par ses amis, confrères et frères de plume.