Il y a 20 ans, disparaissait feu Ali Yata

Ahmed Zaki, membre du BP du PPS
Si Ali était un visionnaire attaché à une pratique politique très responsable

Si Ali est l’exemple de l’homme politique qui prend des décisions très réfléchies, mais souvent audacieuses de nature à faire avancer les causes de la démocratie, du progrès et de la justice sociale.
Si Ali est un fin observateur de la société. Il est pourvu d’un sens d’analyse très développé qui lui permet de saisir les moments cruciaux où l’engagement politique doit se manifester d’une manière forte pour faire évoluer le processus et la dynamique de changement.
Ali Yata est un homme politique doté d’un très grand courage qui lui permet de dire les choses de manière très claire, tout en évitant la langue de bois. Ce qui lui permet en même temps de réaliser le plus souvent un consensus autour de ses idées. Ce n’est pas quelqu’un qui pratique, comme le feraient certains leaders politiques, un autoritarisme mais au contraire il était à l’écoute et parvient à traduire ses idées en propositions et orientations réalisables sur le terrain. C’est ce qui a fait que sous sa responsabilité le PPS a pu parvenir à des résultats vraiment très avancés en matière de dialogue politique au sein des différents secteurs de la société et que les observateurs guettaient souvent ses interventions.
Le souvenir que je garde de Si Ali, c’est ce dirigeant assez solide et en même temps très attentif aux idées des ses camarades. Si Ali est un visionnaire qui était très attaché à une pratique politique responsable dans le respect des principes pour lesquels il a toujours combattu.

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Abdallah Stouky
Une destinée de résistance, de luttes et de combats

Le choix du titre du dernier livre de Ali Yata est criant de vérité : «Luttes derrière les barreaux». En effet, aucun homme politique marocain – et de loin ! – n’a eu un palmarès d’autant d’incarcérations ou d’emprisonnements. Qu’on en juge plutôt ! Il a connu sous le régime du Protectorat, comme après l’indépendance du Maroc, de nombreux lieux dits de privation de liberté, ainsi que l’on les désigne pudiquement et par litote pour dissimulation.
Le leader communiste, en une vie intensément vécue (25 août 1920, naissance à Tanger, zone sous tutelle internationale à l’époque – 26 août 1997, décès à Casablanca dans un accident de voiture), a connu Ghbila de Casablanca, Barberousse d’Alger, Les Baumettes de Marseille, Frèsnes et la Santé de Paris, Derb Moulay Chérif de Casablanca et Laâlou de Rabat… Et je crains peut-être d’en oublier.
Toutes ces persécutions régulièrement abattues sur sa tête assoient l’image d’un lutteur infatigable, entêté dans sa posture de militant actif et résolu sur tous les fronts, face au colonialisme franco-espagnol, puis pour la défense des libertés publiques et l’illustration de la dignité populaire dès l’indépendance recouvrée.
C’est tout naturellement, après de solides études approfondies d’arabe, qu’il trouve place au sein du groupe nationaliste qui s’intitulait alors Al Hizb Al Watani, qu’il ne quitte, en tout bien tout honneur, que pour rejoindre la mouvance communiste, c’est-à-dire ce qui lui paraissait, en pleine Deuxième guerre mondiale, représenter l’aile de l’avant-garde progressiste politique de sa patrie.
D’emblée, Ali Yata tout jeune homme commença par s’emparer de l’outil de la presse essentiellement en langue arabe pour porter le credo et le message qui habitaient ardemment le jeune militant qu’il était. Journaliste, il le demeurera avec constance jusqu’à sa soudaine disparition, stupide, aux allures d’un fait-divers fortuit.
Pour rendre compte de cet itinéraire de vie, l’historien curieux n’aura donc qu’à se laisser guider par le fil d’Ariane qu’est la moisson des articles et autres papiers dans Kifah Achaâb, Hayat Achaâb, L’Espoir, Al Moukafih, Al Kifah Al Watani, enfin les deux éditions d’Al Bayane et diverses autres tribunes, éditées toujours dans des conditions difficultueuses – dans l’illégalité et la clandestinité comme dans la précarité née de la répression dès la souveraineté nationale acquise.
Même enfermé, Ali Yata a toujours tenu à faire parvenir ses écrits aux imprimeries chargées de confectionner, contre vents et marées, les journaux et publications communistes.
Et ce n’est pas seulement parce que l’auteur de ces quelques lignes de tentative d’hommage à l’homme d’exception qu’a été Ali Yata est un journaliste depuis toujours, qu’il veut saluer ici quelqu’un qui fut un prestigieux confrère, mais parce que Ali Yata a été un exemple et un parangon pour toute la corporation.
Mais cet intellectuel organique de type national marocain n’était pas seulement un homme de l’écrit – on compte par milliers sa production journalistique : éditoriaux, rubriques, transcriptions de discours, billets, chroniques… – mais il était aussi une voix aux intonations frémissantes de désir impérieux de convaincre les cénacles et les coteries, sans reculer devant la nécessaire conquête des très larges audiences qu’il fallait à chaque fois persuader et galvaniser.
Les années soixante et soixante-dix nous gardent dans la mémoire de retentissants échos des envolées inimitables de Ali Yata, tribun hors de pair fougueux et véhément. Registre de haute tenue oratoire où ne se glissait jamais aucune ombre de vaticination démagogique. En tout cas, qui de deux ou trois générations, n’a-t-il pas eu mémoire de cette scansion si particulière aux effets heurtés quoique légèrement chantants et mélodieux avec impact toujours garanti sur les auditeurs.
Alors, journaliste et orateur, mais quoi d’autre ? Sûrement un organisateur inlassable et méthodique dont l’obsession a toujours été de monter un parti solide qui puisse être l’avant-garde déterminée et efficace dans le combat politique mené par les masses populaires. Pour ce faire, efficacement et fidèlement secondé par une petite poignée de camarades, Ali Yata suivait le schéma éprouvé du léninisme tempéré par la tradition topique du terroir marocain. Dans tout cela, il mettait une obstination et une persévérance admirables à se rapprocher le plus possible de l’objectif final. Cent fois sur le métier…
Déjà à la fin des années quarante et lors des débuts de celles terribles du début de la décennie cinquante, le militant marocain quand on l’expulsait vers l’Algérie colonisée, reprenait inlassablement le chemin d’Oujda pour se rendre àCasablanca au nez de ses ennemis, autant de fois que cela lui était imposé par les autorités étrangères du moment.
Il ne dérogera jamais à cette attitude et à ce comportement, même lorsqu’il réintégrera le Royaume quelques années plus tard après le retour d’exil de Mohammed V en l’année finissante de 1955.

Al Bayane 2013 (70ème anniversaire du PPS)

 

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Abdellah Gharbi : Si Ali un véritable représentant de la nation

Parler de Si Ali, que j’ai fréquenté et côtoyé pendant de longues années, ne me parait pas aisé. Car il s’agit de Si Ali, homme d’une capacité extraordinaire, s’occupant à la fois et avec abnégation du secrétariat général du parti, de la confection et du tirage du journal, chef d’atelier de l’imprimerie… s’occupant des problèmes et réclamations des citoyens, pas uniquement au niveau de Casablanca, mais également à l’échelon national…
Il était un véritable représentant de la nation au parlement et aux manifestations nationales et internationales.
Il jouissait d’un degré très élevé d’analyse et de proposition de solutions. Il soutenait les associations culturelles et sociales…
Il permettait aux intellectuels et artistes de publier leurs travaux, voire imprimer leurs écrits sous forme de brochures, livres, articles…
Il soutenait la gauche et ses militants dans les moments difficiles, il essayait d’unir et de coordonner les actions permettant de faire avancer le pays.
Il encourageait la femme à prendre la responsabilité au sein du parti et dans les organisations de masse et il la défendait dans la société contre la marginalisation et les mauvais traitements.
Lors des élections il est présent, il mène lui même la campagne, il fait le porte à porte et il était accueilli par les femmes et les hommes qui lui organisaient des rencontres avec les habitants.
Il était à tout moment disponible pour défendre les intérêts des citoyens et d’une grande écoute pour résoudre leurs problèmes.
Il entretenait des relations de respect, voire d’amitié, avec les Ouléma et les Fkihs et n’hésitait pas à demander leurs avis sur telle ou telle question.
Il avait un respect pour les opinions et idées des autres, tout en tenant à donner son avis et à défendre les principes du parti.
Sur le plan international, il était très respecté par les partis communistes et ouvriers ainsi que les mouvements de libération. Il vivait chichement et modestement.
Il luttait pour faire sortir les deux journaux d’Al Bayane, malgré les saisies et les interdictions. Pour lui, le journal est un moyen de faire connaître les positions du parti, de dénoncer les injustices sociales, les abus des responsables et faire connaître les luttes ouvrières et faire part des activités des partis frères.
Il a à maintes reprises tenu à réunir la gauche, son souhait est de voir le pays édifier une société de démocratie, de justice sociale et de bien être, et de permettre à tous les citoyens de vivre dans une nation libre, prospère et unie.
Il espérait aussi voir le Maghreb uni et a toujours milité pour regrouper les partis communistes et ouvriers du Maghreb, comme ce fut le cas une fois a Casablanca (Algériens et Tunisiens) dans le but de mener des actions visant l’unification des peuples du Maghreb dans l’objectif de mobiliser les ressources et les capacités de la région pour le développement et le bien être des Maghrébins.
Si Ali était un stratège qui savait lier de manière dialectique l’international au national dans ses analyses et études.
Si Ali était exigeant et rigoureux dans son travail. C’est une école de patriotisme, de militantisme et de formation idéologique et politique.
Par ses positions et attitudes, il a beaucoup fait pour le pays et le mouvement révolutionnaire et démocratique.

 

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Abdelmounaïm Dilami
Ali Yata, un grand homme de tous les combats

Ali Yata était l’un des grands hommes politiques du Maroc indépendant. Outre le fait qu’il dirigeait le parti communiste marocain, un parti qui ne faisait pas l’unanimité à l’époque, il a su et réussi, en tant que député, à exister en tant que partie prenante du paysage politique au sein du parlement.
De par son charisme, sa force d’écoute et de simplicité, sa conviction, ses principes et sa personnalité politique, Il a mené sans répit la lutte pour l’émancipation du Maroc.
Il était un homme de tous les combats, toujours proche de ses adhérents mais aussi un fervent défenseur de la justice, de l’équité et de la démocratie.
L’intérêt général du pays était toujours son souci majeur. C’est cela qui faisait de lui un grand homme politique. Tout le monde lui reconnaissait ce rôle de grand homme politique.
Il a beaucoup donné et laissé derrière lui l’image du militant combatif et dynamique, fortement attaché à la souveraineté du Maroc.

Al Bayane 2013 (70ème anniversaire du PPS)

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