Attendons pour voir…
Nabil EL BOUSAADI
L’Arabie Saoudite, sunnite, et l’Iran, chiite, deux pays musulmans qui se sont toujours disputé le leadership dans la région, avaient rompu leurs relations bilatérales, en 2016, lorsqu’en riposte à l’exécution, par Ryadh, du célèbre religieux chiite Nimr Al-Nimr, des manifestants iraniens s’étaient attaqués aux missions diplomatiques saoudiennes ouvertes en République islamique.
Mais, après une rupture de leurs relations diplomatiques qui aura duré 6 années, les deux pays ont convenu d’y mettre fin, lors d’une rencontre qui s’était tenue le 10 mars dernier, à Pékin, à l’initiative de la Chine.
Aussi, est-ce pour mettre en œuvre les premières mesures concrétisant cet accord – à savoir, la réouverture de leurs représentations diplomatiques et la reprise des vols aériens entre les deux pays et des visites bilatérales dont notamment le pèlerinage à la Mecque – que le chef de la diplomatie saoudienne, le Prince Fayçal Ben Farhan Al Saoud, a rencontré, ce jeudi 6 Avril, son homologue iranien Hossein Amir Abdollahian dans la capitale chinoise.
A l’issue de cette rencontre, un communiqué du ministère iranien des Affaires étrangères a indiqué que les chefs des diplomaties des deux pays « ont négocié et échangé des opinions en mettant l’accent sur la reprise officielle des relations bilatérales et les mesures à prendre en vue de la réouverture des ambassades et des consulats des deux pays » et discuté d’autres « questions bilatérales ».
Mais si, après que plusieurs endroits aient été envisagés pour abriter cette rencontre, c’est finalement Pékin qui a été retenue avant que les ministres des Affaires étrangères des deux pays ne se retrouvent à Ryadh et à Téhéran pour aborder les questions relatives à leur coopération bilatérale en matière économique et sécuritaire, il est donc certain qu’en profitant du désengagement américain, le géant chinois est disposé à jouer un rôle de plus en plus important au Moyen-Orient.
Si l’on ajoute à cela, le fait que le président iranien, Ebrahim Raïssi, aurait accepté l’invitation qui lui a été adressée par le roi Salmane Ben Abdelaziz Al Saoud et qu’il pourrait se rendre en Arabie Saoudite soit à l’occasion de la réouverture des ambassades des deux pays qui devrait avoir lieu à la mi-Mai soit lors du prochain sommet de la Ligue Arabe qui va se tenir à Ryadh le 19 mai, c’est donc que les ennemis d’hier sont plus déterminés que jamais à normaliser leurs relations.
Aussi, en considérant que le climat de détente auquel a donné lieu le rapprochement entre Ryadh et Téhéran pourrait avoir des répercussions très bénéfiques sur les conflits régionaux – essentiellement ceux de Syrie et du Yémen – dans la mesure où les deux pays soutiennent des camps opposés, il est donc certain que le prochain sommet de la Ligue Arabe va faire l’objet de toutes les attentions dès lors qu’il pourrait fort bien marquer le retour de Damas dans le giron arabe après son exclusion à la suite de la répression opposé par le régime de Bachar al-Assad au soulèvement populaire de 2011.
Après avoir pu mettre un terme à leur brouille grâce à l’appui de la Chine qui était, jusque-là, très réticente à s’impliquer dans les épineux dossiers du Moyen-Orient, Ryadh et Téhéran ont remercié cette dernière « pour avoir accueilli et soutenu les discussions » entre les délégations des deux pays et en ont profité pour saluer la médiation qui avait été entreprise, dès le printemps 2021, par l’Irak et par le Sultanat d’Oman qui, chacun de son côté, avaient essayé de rapprocher les deux pays en accueillant toute une série de tables rondes entre des responsables sécuritaires iraniens et saoudiens.
Le rapprochement entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, ces deux grands pays musulmans ennemis d’hier – l’un chiite, l’autre sunnite – qui se disputaient le leadership dans la région va-t-il baliser le chemin vers la paix ?
Tout plaide en ce sens mais attendons pour voir…
Nabil EL BOUSAADI