Du don et la greffe,un lien qui nous unit tous

Journée mondiale du don d’organes et de la greffe

Ouardirhi Abdelaziz

A l’instar de la communauté Internationale, le Maroc célèbre la Journée mondiale du don d’organes et de tissus humains, qui coïncide avec le 17 octobre de chaque année. 

L’objectif de cette journée est à la fois de rendre hommage aux familles de donneurs, d’inviter à une réflexion sur le don d’organes et d’inciter chacun d’entre nous à échanger avec nos proches.

Cette journée est mise a contribution par la société Marocaine de néphrologie , les praticiens , les associations qui participent a la promotion du don d’organes , les associations des malades greffés et leurs familles ,  pour montrer que le don d’organe permet d’améliorer la qualité de vie de nombreuses personnes et de sauver des vies dans certains cas.

Pour rapprocher encore plus nos lecteurs sur le don d’organes et la greffe au Maroc , mieux comprendre les obstacles qui freinent le don d’organes , Al Bayane a rencontré le professeur BenyounesRamdani, spécialiste en néphrologie , ex médecin chef du service de néphrologie CHU ibn Rochd ,  ancien président de l’association Marocaine de néphrologie , Directeur de la revue Marocaine de Néphrologie (RMN),un des pionniers dans le domaine du don et greffe d’organes aux côtés du professeur Zaid .

Depuis 2005, l’organisation mondiale de la santé (OMS) a promulgué la journée mondiale du don d’organes et de la greffe. Elle se tient chaque année le 17 octobre. L’idée de cette journée mondiale est partie d’un constat alarmiste : Il n’y aurait en moyenne qu’un organe disponible pour une demande trois fois supérieure.

Chaque jour, des hommes, des femmes et des enfants meurent faute d’avoir pu être transplantés à temps, alors que la médecine est aujourd’hui en mesure de les sauver. 

La journée mondiale du don d’organes et de la greffe est donc une occasion idoine pour mettre justement en lumière les avancées thérapeutiques majeures qui permettent de mener a bien et en toute sécurité les opérations de transplantation et les greffes. Une occasion aussi de montrer que le don d’organe permet d’améliorer la qualité de vie de nombreuses personnes et de sauver des vies dans certains cas.

Un retard pénalisant

Il est toujours utile de rappeler que le Maroc a été le premier pays au niveau du Maghreb à s’investir dans le domaine de la transplantation d’organes et de tissus.

La première greffe de rein au niveau du Maghreb a été réalisée en 1986 au CHU Ibn Rochd de Casablanca.

Depuis cette date , il y a eu certes des avancées dans le domaine de la greffe d’organes et de tissus,mais au regard des chiffres des greffes qui ont été réalisées depuis 1990 jusqu’en 2020, c’est-à-dire en 34 années  notre pays n’a pu en tout et pour tout réalisé que 600 transplantations rénales, dont 60 à partir de sujets en état de mort encéphalique .

A eux seuls ces chiffres expliquent amplement et sans détours que nous accusons un énorme retard dans le domaine du don d’organes et de la greffe .

Pour comparer avec un pays voisin qui est l’Espagne , pour la seule année de 2020 , le nombre de greffes réalisées est de 4.425 transplantations d’organes effectuées , et 1.777 personnes ont fait don d’un ou plusieurs de leurs organes post-mortem.

Toujours et a titre de comparaison , nous relevons que le Centre saoudien de transplantation d’organe (Scott), entre 1986 et 2016, 13.174 greffes de reins ont été effectuées en Arabie Saoudite.

Il y a du travail a réaliser sur le terrain , loin des paroles vides de tout sens  et des débats stériles.

Le département de la santé doit revoir sa copie, prendre les choses sérieusement en main , car le don d’organes et la greffe nécessitent un plan stratégique , une organisation nationale de transplantation , comme celui qui a été mis en place en Espagne en 2.000.

L’Espagne à doter chaque hôpital d’un coordinateur des greffes, médecin ou infirmier, souvent spécialiste des soins intensifs donc capable d’identifier les patients présentant un fort risque de mort cérébrale ou d’arrêt cardio-respiratoire.Le point fort de ces coordinateurs, c’est leur capacité à convaincre les proches du défunt d’accepter le principe du don.

Interview du professeur RamdaniBenyounes, spécialiste enNéphrologie .

Propos recueillis par : Ouardirhi Abdelaziz

AlBayane :A l’instar des autres pays de la planete , le Maroc célèbre la Journée mondiale du don d’organes et de tissus humains, qui coïncide avec le 17 octobre de chaque année. Que pouvez – vous nous dire a ce sujet ?

Professeur RamdaniBenyounes :

La première journée mondiale du don d’organes est née àGenève , en octobre 2005, à l’initiative de l’organisation mondiale de la santé (OMS) , en présence de plusieurs centaines de participants venus du monde entier.

L’objectif de cette journée est  d’attirer l’attention sur les problématiques de la solidarité humaine par le don d’organes  malades en attente, manque d’organes à greffer, accès équitable pour tous à la greffe, respect de la volonté du donneur, éthique commune….

La problématique de la greffe d’organes dans notre pays est pratiquement dans la même situation depuis quelques années ., il est certes vrai que nous avons réalisé des progrès depuis le début des années 90 jusqu’en 2010 – 2015  , et plus exactement depuis 2010 . pourquoi cette date ? tout simplement parce que , c’est à partir de cette date que nous avons commencé a réaliser des prélèvements d’organes sur les personnes en mort céphalique. Donc , il y a eu quand même une avancée , par rapport à avant les années 90 .

Pouvez – vous être plus explicite ?

Comme je vous l’ai expliqué , l’évolution dans le domaine de la greffe a commencé en 2010 jusqu’ à 2017, elle a concerné les greffes de reins , de foie , cœur , mais malheureusement avec l’épidémies du Covid , pratiquement tout c’est arrêté.

Maintenant , il y a une reprise active puisqu’il y a cette année 2023 qui n’est pas encore achevée , nous sommes à pratiquement une cinquantaine de greffes rénales ,  et la demande est de plus en plus importante , et nous espérons atteindre le pic des greffes rénales fin 2023 .

Ces greffes sont réalisées a l’hôpital cheikh Khalifa Casablanca , mais aussi l’hôpital cheikh zaida Rabat, au niveau des CHU de Casablanca , rabat , Marrakech , Fès , Oujda.

Aujourd’hui , il y a 7 centres hospitaliers universitaires du Royaume ainsi que les hôpitaux qualifiés d’établissements non lucratifs , qui ensemble  réalisent une trentaine de greffes rénales par an. C’est très peu , c’est insignifiant pour un pays de 40 millions d’habitants ces chiffres ne reflètent nullement le niveau de développent de la médecine au Maroc.

Notre pays dispose d’excellents néphrologues et urologues , de chirurgiens aux compétences avérées , de médecins anesthésistes – réanimateurs , d’excellents infirmiers et infirmiers , ce qui naturellement nous donne toutes les possibilité de réaliser dix fois plus de greffes rénales par an.

D’une manière générale , il y a un mieux , mais il ne nous satisfait pas en tant que praticiens , car il faut savoir que ce que nous réalisons comme greffes , en très grande partie , c’est a partir de donneurs vivants. je dirai tant mieux , car le donneur vivant donne de meilleurs résultats.

s’agissant du donneur d’organes à partir de personne en état de  mort encéphalique , il y a eu cette année 2023 , a peine quatre prélèvements qui ont été réalisés , et tous les quatre ont été réalisés à rabat , avec greffes rénales et greffes hépatiques.

La problématique , se sont les greffes a partir de cadavres , puisqu’il y a 98 % des familles que nous avons contacté pour un éventuel don , de quelqu’un de leur famille qui était en mort cérébrale, toutes ces familles ont refusé .

Selon vous , comment peut – on remédier a cette situation ?

D’abord, il faut dire que ce refus peut s’expliquer par plusieurs éléments , sur lesquels il faut agir , en s’impliquant plus .

En premier lieu , il est utile de rappeler ici , qu’il  n‘y a pas chez nous la culture du don , comme c’est le cas dans d’autres pays ou tous les citoyens sont de leur vivant donneurs d’organes , sauf ceux qui spécifient par écrit le refus .

Deuxièmement , on est aussi très loin de la sensibilisation de notre population concernant le don d’organes , tout au plus , il y a une seule journée par an qui est dédiée aux dons et à la greffe, à savoir la journée mondiale du don d’organes organisée  le 17 octobre de chaque année . On comprend mieux toute l’importance et la place que peut jouer cette sensibilisation dans l’évolution de la greffe d’organes.

Troisièmement, le projet , reste un projet limité au praticien , ce n’est pas un projet de la nation , ce n’est pas un projet ou d’autres intervenants participent de manière effective et apporter eux aussi des arguments , le cas du ministère des affaires religieuses et des habbous.

Concernant le don d’organes et de la greffe , on souhaite voir un élan patriotique , une mobilisation citoyenne , comme c’est le cas quand il s’agit de faire des dons de sang.

Le plus bel exemple c’est celui de la campagne nationale de collecte des dons de sang a la suite du séisme qui a touché notre pays .

Nous pouvons faire de même pour le don d’organes, les imams doivent se mobiliser  et consacrer une partie du prêche du vendredi pour sensibiliser notre population à cet acte qui sauve des vies .

Que pouvez – vous nous dire au sujet de don de donneur vivant , et celui du donneur en état de mort encéphalique ?

Le don d’organes consiste à prélever un organe sur un donneur vivant ou décédé pour le transplanter ou le greffer à un receveur dans le cadre d’une démarche thérapeutique. Tout acte de don dépend obligatoirement de la volonté et du consentement du donneur, le don d’organes est un acte humain ,volontaireet très généreux , qui constitue une lueur d’espoir pour de nombreuses personnes dans l’attente de recevoir un organe, parfois seul moyen de leur sauver la vie.

Le don de donneur vivant est acceptable quand le consentement informé et volontaire du donneur est obtenu,et celui-ci  être libres de toute influence ou coercion.

Le donneur vivant fait un don pour un receveur du cercle familial élargi  , parents -enfants, dans la fratrie, entre époux oncles, tantes, cousins germains.

Les conditions pour donner un organe du son vivant : compatibilité donneur receveur.

Organe : essentiellement le rein exceptionnellement une partie du foie (foie gauche adulte pour un receveur pédiatrique).

Prise en charge du donneur vivant par l’équipe de greffe afin d’exclure toute contre indication au don.

En ce qui concerne le donneur décédé , en mort encéphalique,  Il s’agit de l’arrêt irréversible des fonctions cérébrales après destruction complète et irréversible du cerveau.

La mort cérébrale survient le plus souvent brutalement dans des situations de souffrance cérébrale sévère consécutive à un traumatisme crânien (choc brutal à la tête après accident de voiture ou sportif…), un arrêt d’oxygénation du cerveau ou un accident vasculaire cérébral chez des patients pris en charge en secteur de réanimation.

Pendant quelques heures seulement les autres organes continuent à fonctionner artificiellement notamment par l’apport d’oxygène du respirateur.

Le donneur en mort cérébrale ou mort encéphalique peut donner un ou plusieurs organes , mais seuls les organes qui peuvent être greffés sont prélevés , tels que le cœur, les poumons, le foie, les reins ou le pancréas sont concernés.

Qu’est-ce qui vous motive pour une campagne nationale de sensibilisation sur le don et la greffe d’organes ?

Vous êtes très bien placé pour savoir que quand elle est possible, la greffe rénale est le meilleur traitement de l’insuffisance rénale chronique terminale. Elle l’est d’autant plus lorsque la greffe est envisageable grâce au don d’un proche. Elle permet de restituer toutes les fonctions rénales et améliore considérablement la qualité de vie du patient ainsi que son espérance de vie. L’option thérapeutique, à partir de donneur vivant, est très pratiquée dans notre pays ,mais il faut dire qu’elle reste encore insuffisamment connue auprès de nombreux citoyens . C’est pour faire connaître cette possibilité thérapeutique au plus grand nombre, que nous devons nous mobiliser , chacun a son niveau , pour mener a bien une campagne de sensibilisation nationale au don de rein de son vivant.

cette campagne devra s’adresser à tous les publics,professionnels de santé, patients et entourage. Les médias , presse  écrite , audio- visuelle , certains sites  spécialisés , doivent aussi s’impliquer 

Pour permettre une meilleur sensibilisation de notre  population sur l’importance du don , chacun doit se sentir concerné , qu’un jour ou l’autre , ca sera son tour ou celui d’un membre de sa famille , qui aura  besoin d’un organe , d’une greffe , et que si aujourd’hui chacun se sent concerné , cela permettrait d’augmenter le nombre de donneurs potentiels et ainsi de sauver davantage de vies.
La sensibilisation sur le don d’organes peut aider à dissiper les mythes et les craintes qui entourent souvent ce sujet. De nombreuses personnes hésitent à s’engager dans le don d’organes en raison de fausses croyances ou de peurs infondées . Sensibiliser sur les procédures et les protocoles rigoureux entourant le don d’organes peut contribuer à éliminer ces préoccupations et à encourager une plus grande participation.

Il ne fait aubin doute que plus une personne est sensibilisée a un problème de santé , mieux elle réagira , surtout quand nous mettons a la disposition de nos citoyens des infirmations claires , utiles , utilisables et vérifiables.

Ce qu’en dit la loi ?

La loi concernant le don et la greffe d’organes a vu le jour en 1998

Il s’agit de la loi n°16-98 relative au don, au prélèvement et à la tra

 la transplantation d’organes et de tissus humains

Cette loi traite de deux formules de don, il y a le don et prélèvement d’organes sur une personne vivante, et don et prélèvement d’organes sur une personne décédée. Pour le premier cas, le don d’organes concerne les descendants, les ascendants, les frères, les sœurs, les oncles, et les tantes, ainsi que les conjoints après un an de mariage, tandis que le second concerne les personnes qui ont exprimé, de leur vivant, le souhait de faire don de leurs organes, ou celles qui n’ont pas exprimé d’objections à cet égard, et dont le conjoint, les ascendants ou les descendants n’en expriment aucune à son décès.

L’opération de don ne peut être effectuée que dans des hôpitaux publics agrées par le ministère de la Santé, et ce dans le cadre de procédures préventives, dont le fait que le don se fasse devant un juge et en présence de deux médecins, et l’existence de registres et de procédures qui rendant impossible le commerce d’organes humains au Maroc.

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