Voici les situations qui interdisent le jeûne

Entretien avec le Dr Khadija Moussayer

Propos recueillis par Karim Ben Amar

Le mois de Ramadan rime pour une partie des foyers marocains avec bras de fer : les personnes âgées bien qu’atteintes de maladies veulent jeûner à tout prix, la plupart du temps, contre l’avis des médecins et de la famille. Pour en savoir plus sur les cas ne devant impérativement pas faire le jeûne, l’équipe d’Al Bayane a contacté le Dr Moussayer Khadija, spécialiste en médecine interne et en gériatrie. Présidente de l’alliance maladies rares (Maroc), présidente de l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS) et vice-présidente du Groupe de l’Auto-Immunité Marocain (GEAIM), la spécialiste nous détaille tout au long de cet entretien, les cas dans lesquels les personnes âgées peuvent être dispensées du jeûne. Entretien.

Al Bayane : Dans quelle situation ou condition le jeûne est interdit ?

Dr Khadija Moussayer : Le jeûne n’est pas autorisé, peu importe l’âge, jeune ou avancé, si la personne souffre d’une maladie chronique telle un diabète a fortiori traité à l’insuline et non équilibré, une insuffisance rénale ou une maladie cardiaque. Le jeûne est également déconseillé aux patients avec un infarctus récent, une angine de poitrine instable, une décompensation cardiaque récente ou un traitement de diurétiques à haute dose. Dans toutes ces situations, le jeûne du Ramadan expose à la déshydratation, l’hypoglycémie et les malaises induisant des chutes et des fractures à fortiori chez la personne âgée.

Comment peut-on gérer la prise des médicaments dans le cas des maladies chroniques ?

Il y a des médicaments dont la prise est incompatible avec le jeûne du Ramadan tels les sulfamides hypoglycémiants, l’insuline, les diurétiques.  La personne âgée est particulièrement fragile quant à la toxicité médicamenteuse.  Les médicaments restent en plus grande quantité et plus longtemps dans l’organisme de la personne âgée. Leur élimination rénale est ralentie, leur accumulation est importante dans les graisses- du fait de l’augmentation de ces dernières- et leur passage est plus agressif dans le cerveau. De même, le mauvais emploi de certains médicaments (comme ceux contre l’hypertension), conjugué à l’affaiblissement musculaire peut provoquer des chutes aux conséquences lourdes.  Il faut également attirer l’attention sur les risques qu’engendre la prise de plusieurs médicaments en une courte période de rupture de jeûne. En effet, au cours du Ramadan, la situation se complique lorsque plusieurs doses de médicaments doivent être prises à intervalles réguliers ; de même que la nécessité de prendre certains médicaments à jeun, les absorber avant le petit déjeuner peut s’avérer inapproprié, l’estomac n’étant pas toujours vide au réveil.

Quels sont les signaux qui indiquent qu’une personne âgée ne doit pas jeûner ? 

 Des troubles digestifs, une sécheresse de la bouche, une fatigue ou des maux de tête sont des signaux à prendre en compte et faire cesser immédiatement le jeûne. De plus, les signes de la déshydration sont déroutants, on peut avoir une incapacité de transpirer ou avoir des larmes ou encore une difficulté à marcher. Les signes d’hypoglycémie, sont également peu spécifiques, elle peut se manifester par des vomissements et des maux de tête.  Cette hypoglycémie survient après la prise d’un antidiabétique, alors qu’on mange moins qu’à l’habitude. Les personnes qui ont un diabète depuis longtemps sont particulièrement exposées à l’hypoglycémie dans cette situation, car leurs sécrétions de glucagon ou d’adrénaline pour contrebalancer une faible glycémie peuvent être insuffisantes.

Est-ce qu’il y a un risque pour les muscles en cas de jeûne ?

Oui, il y a un risque pour les muscles de la personne âgée. Le capital musculaire diminue avec l’avancée dans l’âge, une  diminution pouvant être aggravée par le jeûne. En effet, les muscles ne constituent que 17% du poids du corps à 70 ans contre 30% à 30 ans. Ce phénomène, la sarcopénie, a des répercussions considérables par les faiblesses qu’il provoque : risques infectieux par baisse des réserves protéiques nécessaires aux défenses immunitaires, chutes et fractures éventuelles compromettant l’autonomie de la personne âgée. Cette baisse de la masse musculaire aggrave l’état nutritionnel et d’hydratation. En effet, 73% de l’eau totale du corps sont stockés dans les muscles, ces réserves baisseront corrélativement à la diminution de la masse musculaire. Ainsi, Il faut veiller àune alimentation bien équilibréeet surtoutne pas diminuer sa consommation alimentaire habituelle pour ne pas aggraver la fonte musculaire. Et pour éviter l’aggravation de la fonte musculaire, l’apport protéique, doit être supérieur à celui de l’adulte jeune et une activité physique quotidienne de 15 à 30 mn par jour est également nécessaire pour lutter contre cette sarcopénie.

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