Que se cache-t-il dans «Le fond de la jarre» de Abdellatif Laâbi…?

Un jour, un livre…

Mohamed Nait Youssef

Que se cache t-il dans «Le fond de la jarre», roman du poète, romancier, peintre et traducteur, Abdellatif Laâbi?  Paru en 2002 aux Éditions Gallimard, nrf, ce récit autobiographique propose une véritable immersion dans la ville de Fès, plus précisément dans le fameux quartier pittoresque de la  «Source des chevaux», à une époque cruciale de l’histoire du Maroc ; la fin du Protectorat français et la lutte pour l’indépendance. Nous sommes au début des années 50.

Le narrateur du roman nous plonge dans l’univers de «Namouss», un petit garçon de sept ou huit ans, en racontant sa jeunesse. Ainsi, l’intrigue s’ouvre dans un foyer lorsque les membres  de la famille se sont réunis devant la télévision alors que les images de la chute du mur de Berlin, en novembre 1989, défilaient sous leurs regards indifférents.

À ce moment-là, un homme commence à revisiter son enfance. Les images lui revenaient à l’esprit. En effet, dans ce contexte de lutte du pays pour l’indépendance, l’auteur-narrateur-personnage, à travers les yeux du personnage central «Namouss» (moustique), cadet d’une famille de onze enfants, nous fait découvrir les multiples facettes de la ville-musée et capitale spirituelle loin de cette idée simpliste de la «carte postale» et du simple cliché.

On y apprécie les traditions, l’atmosphère ramadanesque,  les souks, les demeures et leurs toits, le Hammam,  le mariage, les plats… il faut rappeler également que ce roman est une véritable ode à la culture marocaine et à son originalité.

 Le voyage continue en relatant la vie  rythmée de l’auteur enfant partagée entre  l’école, la famille, le quartier,  les matchs de football, les jeux, mais aussi le cinéma.

À vrai dire, dans «Le fond de la jarre», Abdellatif Laâbi, nous livre, au-delà de toute sacralisation, un aperçu sur sa jeunesse qui ne manque pas d’ailleurs de poésie, de tendresse et de fascination. Car, on y voit la beauté de la cité de Fès et la simplicité et l’originalité des personnages dont la mère «Ghita». Écrit avec style riche en images,  fluide, poétique, plaisant, entre humour, sagesse et solennité, le récit nous rapproche, avec un regard réaliste du Maroc de l’après-guerre.

«Le fond de la jarre», comme disait,  Abdellatif Laâbi, est une ‘’œuvre de maturité’’, où le style renouvelé et soigneusement travaillé. Il faut avouer que le roman est agréable à lire, car on ressent bien entendu cette ambiance cocasse qui y règne. D’ailleurs, le choix de «Namouss» qui signifie moustique  comme prénom nous projette déjà dans une atmosphère comique : la personnalité exceptionnelle, lunatique, rebelle,  de la mère «Guita» et celle du père «Driss», un homme serein et calme, donnent au récit  une spécificité marrante et  marquante.

Que se cache-t-il dans «Le fond de la jarre» ? Pourtant, dans le fond, il y a l’invisible, le latent, ou quelque chose d’autre… Le mystère. Qui sait !!!  Or, ce fond de la jarre nous révèle de nombreuses histoires, de multiples expériences vécues par des personnages  aux mille et un visages.

Ce fond de la jarre nous dévoile les événements, les récits, les anecdotes, les réminiscences, les souvenirs d’un amour poétique et profond des valeurs sûres  de la famille et celles  d’une société.  Fès, dans ce roman, est plus qu’un simple espace, car en lisant, au fil des pages de ce récit autobiographique, on ressent cette jubilation et attachement de l’auteur à la ville.

Grâce à Namouss,  personnage dynamique, joyeux et plein de vie, nous avons pu découvrir une autre facette non seulement de la ville de Fès, mais aussi un bout de mémoire, un pan de l’histoire de notre pays.  «Le fond de la jarre» est certes un véritable voyage dans le temps et dans l’espace, mais aussi une expérience humaine défiant l’amnésie.

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