Fatna Lkahouli, la gardienne de la danse mythique de la «vipère» !

DNES à Marrakech: Mohamed Nait Youssef

Charismatique. Dynamique. Malgré l’âge, elle domine la scène. Son enthousiasme pour l’art et la danse n’a pas pris une seule ride.  La raissa Fatna Lkahouli, 70 ans, est la gardienne de la danse mythique : la «vipère». Au milieu des hommes, Fatima Chelha, son nom de scène, cette figure emblématique de l’art populaire dirige depuis de nombreuses années, et avec maestria, la troupe Mizane Houara. Souriante, brave et surtout talentueuse, cette amoureuse des rythmes a tout donné pour l’art, le sien.  

Fatna a ouvert ses yeux à Ouled Ben Sbaa. Très jeune, elle a défié les traditions et les codes de sa tribu en choisissant un chemin pénible et passionnant : l’art et la danse.

 «J’ai fait mes débuts avec le raiss Haj Said Lahrach . Et c’est à l’âge de 13 ans que j’ai entamé ma carrière en pratiquant la danse de houara (la danse de la vipère), nous confie Fatna Lkahouli que nous avons rencontrée dans le cadre de la 53ème édition du festival des arts populaires de Marrakech.

Selon ses dires, la légende disait qu’une vipère faisait peur aux enfants. Et pour s’en débarrasser, les gens ont fait venir un aissaoui pour la battre. D’où est venue l’appellation de cette chorégraphie.

 La danse de la vipère, dit-elle, est rythmée avec les sonorités du bendir et les mouvements des pieds des danseurs.

Depuis sa création, Fatna et sa troupe participent chaque année au festival des arts populaires organisé par l’association Grand Atlas. «C’est une fête artistique populaire, mais aussi une plateforme pour rencontrer les autres artistes et troupes folkloriques marocaines. », a-t-elle affirmé. Et d’ajouter : « J’y participe depuis 13 ans déjà.  Je me souvenais très bien de nos grands réalisateurs avec lesquels nous avons travaillés, entre autres, Tayeb Saddiki, Al Joundi, Abdessamad Dinia, Zinoun… Je répétais avec ces réalisateurs au palais El Badi où nous avions l’habitude de jouer », se souvient-elle.  

Auparavant, les conditions étaient difficiles, mais les choses ont un peu changé aujourd’hui. Or, un long chemin reste encore à faire en matière de la promotion et de la préservation des arts populaires.

«Autrefois, on passait 11 jours au festival, et on était payé à 80 centimes la journée. On ne venait pas pour l’argent, mais pour vivre ces moments artistiques joyeux. Aujourd’hui les choses ont changé avec l’Association Grand Atlas qui nous valorise davantage», a-t-elle expliqué.

Malgré les aléas de la vie, Fatna n’a pas lâché son rêve de faire connaître cette danse aux publics sur les différentes scènes au Maroc et ailleurs. «J’étais chauffeuse d’un grand taxi pendant deux ans pour nourrir ma famille, mais je n’ai pas laissé tomber cet art. », a-t-elle confié avec beaucoup d’émotion. Actuellement, l’enjeu de Fatna et des autres vétérans des troupes folkloriques, c’est d’assurer la relève et la succession afin de préserver ces pratiques artistiques de la disparition.

 «Les jeunes ne veulent pas s’adonner à cet art, mais nous faisons de notre mieux pour sauvegarder cet héritage artistique et musical ancestral en gardant nos habits traditionnels, nos danses et nos mouvements. On essaie toujours d’intégrer des jeunes dans notre troupe en s’inspirant des vétérans. La relève doit assurer. », a-t-elle fait savoir. Fatna et sa troupe continuent leur aventure artistique en présentant des concerts  et des performances rythmées et colorées pour le plaisir des yeux. 

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