Ouardirhi Abdelaziz
Depuis pratiquement toute l’année 2024, et tout au long des 12 mois de janvier à décembre, le domaine de la santé traverse des tensions constantes. Les relations entre les professionnels et le ministère de la Santé enregistrent une dégradation constante, source de tension perceptible au sein des différentes catégories de professionnels de la santé (médecins – infirmiers – administratifs).
Un véritable pourrissement de la situation comme jamais atteint auparavant, qui par la force des choses exaspère tout le monde, aboutissant à une confrontation qui se manifeste par une succession d’actions de contestations, de sit-in, des marches, des grèves, des jours, des semaines d’arrêts de travail. Pour maintenir la pression sur le gouvernement, le syndicat indépendant des médecins du secteur public a annoncé une grève les 24, 25 et 26 décembre. Pendant tout ce temps les malades sont pris en otages et cette situation figée risque de mettre à mal tout le système de santé.
Risque d’implosion
Sans aller très loin dans l’analyse de toutes ces actions qui ont leurs raisons d’être, et qui dans leur sillage ont des répercussions négatives énormes sur l’organisation des hôpitaux, des contres de santé, en milieu urbain et rural, déstructurent la planification des soins, remettront en cause les rendez- vous des malades pour consultations, ou pour des bilans. Ces débrayages qui se suivent et se répètent sont de nature à chambouler, à nuire voir même paralyser le système de santé.
Il ne faut pas se voiler la face, faire endosser la responsabilité de ce qui se passe aux seuls professionnels de la santé ; c’est aller vite en besogne. C’est faire preuve de dénégation, d’un déni total, d’une fuite en avant, face à une situation qui perdure et qui risque de provoquer une implosion de tout un système social sensé aider, soutenir, soigner notre population, et plus particulièrement les plus vulnérables, celles et ceux qui sont malades. Malheureusement, ce que nous constatons, c’est que ces mêmes malades sont aujourd’hui pris en otages.
Quid des droits des malades ?
Quand une grève perdure, les premiers à en pâtir sont les malades et leurs familles. Un malade n’a pas à se retrouver malgré lui au cœur du malaise qui existe dans la confrontation entre professionnels de santé et décideurs.
Le droit à la santé est garanti par la nouvel constitution de 2011 et plus particulièrement son article 31 : « L’Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales œuvrent à la mobilisation de tous les moyens disponibles pour faciliter l’égal accès des citoyennes et des citoyens aux conditions leur permettant de jouir du droit : aux soins de santé … ».
Lors des grèves, l’accès aux soins est compromis, pas de bilans, pas d’hospitalisations, pas de consultations, pas d’opérations chirurgicales programmées…
Les malades ne savent plus à quels saints se vouer, l’accès aux soins sont compromis, de même que l’accès pour certains médicaments au niveau des centre de santé fermés.
Les malades sont ils des otages dont on se sert pour obtenir gain de cause ?
Bien pire, il faut dire en toute objectivité et honnêteté que les malades se retrouvent doublement pris en otage : pris en otage par un manque de décisions politiques courageuses, reconnaissantes envers nos infirmières et infirmiers, qui méritent de meilleures conditions de travail, des salaires et indemnités amplement mérités, au regard des efforts et du travail qui est accompli chaque jour.
Il faut aussi dire que les malades soient pris en otage par certaines décisions syndicales qui placent l’intérêt des professionnels au-dessus de considérations avant tout humaines, car les syndicats utilisent tous les formes de manifestations susceptibles de faire plier la balance en faveur des revendications. C’est le cas de l’arrêt des interventions chirurgicales (sauf les urgences). Arrêt des consultations spécialisées, les examens de laboratoires et de radiologies, la suspension des programmes et planifications d’activités sanitaires, l’arrêt des unités mobiles, des caravanes médicales.
Ce qui est inadmissible et que la raison ne peut en aucun cas accepter, c’est de savoir que la vie de nombreux malades est en jeu. Imaginez un seul instant qu’il s’agit de la santé de votre enfant, de votre femme, de votre mère, de votre père.
Dans cette lutte, de toutes ces grèves interminables, devenues très contagieuses, et qui n’ont pas lieu d’être entre le gouvernement et les syndicats, il serait plus sage que les deux parties s’assoient autour d’une table, pour un débat responsable, dans un climat serein, ne doivent pas se poser en adversaires.
Chaque partie doit chercher à tirer le meilleur en privilégiant les bonnes relations, et l’apaisement pour en finir avec cette situation délétère.
Le dialogue est possible, il suffit que le gouvernement fasse des propositions concrètes, réalistes et réalisables avec effets immédiats.
La sagesse doit prévaloir
En conclusion, il y a lieu de rapper une fois de plus que notre système de santé connait une profonde réforme, de très grands efforts sont consentis pour le rendre performant. Pour se faire, notre système de santé fait appelle à sa principale richesse qui n’est autre que ses ressources humaines (Médecins – infirmiers – administratifs) dont il faut saluer ici les compétences, la dextérité, la motivation et l’engagement constant.
Ces mêmes professionnels méritent amplement que soient étudiées aujourd’hui leurs conditions de travail pour qu’ils puissent exceller dans l’accomplissement des missions qui sont les leurs. Il s’agit maintenant de passer à une nouvelle ère pour assurer soutien et accompagnement à l’ensemble des professionnels voulant s’engager dans cette voie.
Il est tout à fait légitime de placer le malade au centre des préoccupations de notre système de santé, mais il n’est pas non plus pénalisant de se pencher sur les moyens à mettre en place pour redynamiser les ressources humaines de nos établissements sanitaires, d’accompagner nos médecins, nos infirmières et infirmiers qui veulent participer à l’essor et au développement de la médecine au Maroc.