Moment politique fort

La rencontre consultative qui a réuni le weekend  dernier à Rabat les directions nationales du PJD et du PPS est un authentique moment fort, sur le plan à la fois politique et culturel. Un moment chargé de sens et porteur de signaux éloquents. Il serait alors réducteur de le ramener à une lecture politicienne, électoraliste pour l’enfermer  dans une seule dimension celle des réunions traditionnelles qui meublent le paysage politique à la veille d’une échéance électorale.

Aujourd’hui, alors que le mandat de l’actuelle majorité s’achemine vers son terme normal, les observateurs du champ politique national seraient bien inspirés de constater et de reconnaître que le PJD et le PPS ont fait non seulement le bon choix en s’alliant sur la base d’un programme commun en 2011 mais ce faisant ils ont fait preuve de courage et de perspicacité. Une alliance gouvernementale qui a permis au pays d’asseoir sa stabilité sociale et institutionnelle, et de conforter sa marche vers plus de réformes pour parvenir en toute quiétude à l’étape d’aujourd’hui.

Un simple regard au rétroviseur permet d’apprécier le chemin parcouru depuis les circonstances et l’environnement très mouvementé qui ont marqué la rue arabe. Les deux partis s’accordent justement dans leur appréciation de ce parcours. Conscients qu’ils sont que l’expérience a montré toutes les vertus de l’action commune au service de l’édifice démocratique et ce qu’il suppose comme travail au niveau institutionnel, au niveau des réformes sociales et économiques. Des réalisations acquises,  comme il a été souligné dans le communiqué conjoint qui a sanctionné la réunion de Rabat, grâce à l’unité d’action, unité dans la diversité des référentiels de l’un et de l’autre parti et dans le respect de leur spécificité.  Une diversité qui leur a permis d’enrichir et de fructifier les idées et les thèses susceptibles de favoriser les meilleures réponses et les meilleurs contributions à l’édifice commun. 

Toute évaluation objective de l’expérience menée jusqu’à présent devrait partir des appréhensions, voire des doutes et suspicions qui avaient accompagné son démarrage il y a bientôt cinq ans. Dans ce sens on pourrait s’interroger si on a assisté à des reculs ou à des renoncements au niveau des choix fondamentaux du pays ; s’interroger sur le comportement du gouvernement dans son rapport à ce qui fait la spécificité de l’ouverture et de la tolérance dans notre pays. Sur un plan plus restreint, on peut s’interroger si depuis cette alliance le PPS a renoncé à son identité socialiste ; à son rôle de défenseur de valeurs d’ouverture, d’émancipation sociale et de progrès. La réponse est négative comme on le constate dans l’action de tous les jours.

Force alors est de constater que les détracteurs de l’expérience actuelle n’ont que la surenchère, la polémique oiseuse, les clichés et les préjugés pour construire leur diatribe.

Cette expérience originale qui vient d’être à juste titre évaluée ce samedi par ses principaux protagonistes est partie d’un programme gouvernemental et d’une charte pour la majorité sans aucune visée à homogénéiser ses composantes ou à les fondre dans le même moule idéologique. C’est ce qui vient d’être rappelé par le PPS et le PJD dans leur communiqué commun en réaffirmant leur volonté de poursuivre  leur expérience, convaincus de la justesse du choix initial d’autant plus que l’enjeu majeur qui a présidé à sa naissance est le refus de toute mainmise sur le champ politique national. Leur refus de l’autoritarisme et de la manipulation de l’action démocratique avait conduit à leur unité d’action et a légitimé leur lutte avec les autres forces nationales, contre la dépravation, l’hégémonisme, les lobbies, la rente et les surenchères stériles.

Les deux partis en rappelant la justesse de leur position et de leur action commune n’en demeure pas moins conscients que la vigilance devrait rester de miser. Le Maroc se distingue, certes,  par la spécificité de son modèle dans un environnement complexe mais les défis demeurent entiers avec la montée des risques et périls. Loin de crier victoire, toute la classe politique, les différents acteurs sont  invités à faire  preuve de plus de vigilance face aux risques de recul ; à organiser la riposte commune et collective aux tentatives de mainmise sur le champ politique, de remise en questions des acquis de pluralisme politique. Une mobilisation permanente pour préserver limpide et prometteur l’horizon dessiné à notre pays par le discours historique du souverain en 20011. Une mobilisation au service de la mise en application du contenu de la nouvelle constitution.

Les forces politiques authentiques, celles animées de la volonté de réforme, celles portées par leur  indépendance de décision sont appelées à renforcer leur rang. Car le défi majeur aujourd’hui, le test crucial est que la lutte pour la démocratie, contre l’économie de rente, le despotisme et la dépravation…réside dans l’audace, le courage politique, la liberté de parole, le sérieux, le respect de la parole donnée dont font preuve les uns et les autres. C’est à cette seule aune que seront jugés les actes politiques et non en fonction des humeurs de circonstances.

Mahtat Rakas

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