A l’heure où le secteur du mobilier de bureau sort à peine la tête de l’eau, après une crise qui a vu la disparition de nombreux opérateurs du marché dont le géant américain Steelcase en 2015, Trarem, entreprise familiale ne cesse de se développer. Ou plutôt d’innover en termes de positionnement, d’offres produits, et d’expérience client. Une stratégie gagnante qui lui a permis de continuer d’exister malgré une introduction en bourse avortée en 2008.
Un showroom plus ultra, inauguré il y a quelques jours, et des investissements à venir de taille. Objectif : doubler la capacité industrielle, améliorer les standards de qualité, le design et la complexité des produits, la productivité ou encore la compétitivité des solutions. Le tout nouveau showroom quant à lui comprend une dizaine de concepts d’aménagement développés par la maison Hermann Miller (leader américain des meubles et matériel de bureau), inspirés des modes d’organisation des entreprises à travers le monde. L’idée est «de permettre aux clients de mieux se projeter, faire bouger les lignes, changer leur mind-set», explique Samir Bennis, le tout avec un espace de 600 m2 (3 millions de DH d’investissement). Hermann Miller, qui est une des nombreuses cartes qu’offre Trarem à ses clients, célèbre ainsi ses dix années de partenariats avec Trarem. Une stratégie de partenariat avec une kyrielle de marques qui a permis à Trarem de survivre et de s’imposer comme acteur incontournable du secteur.
«Jusqu’en 1995, il y avait huit fabriques de mobilier de bureau au Maroc, à savoir Sanash, Burog, SMBO, Sicob, Christalhouse, Steelcase, Maroc Bureau et Trarem Afrique. En «2012, il y en avait plus que deux : Trarem Afrique et Maroc bureau», avançait Abdejlil Bennis, président directeur général de Trarem Afrique, société de fabrication et d’importation de mobilier de bureau, à l’époque où Steelcase fermait son usine ouverte en 1949.
La diversification, facteur clé de succès
En effet, il faut savoir que depuis 2002, Steelcase importait des produits semi-finis. Le montage se faisait au Maroc. La multinationale américaine lançait des produits pour le marché mondial. » Il n’y avait pas de flexibilité dans la production qui permettrait de s’adapter aux mutations et besoins du marché marocain. Ils voulaient tout simplement laisser mourir la fabrique», expliquait Abdeljalil Bennis.
Trarem a, pour sa part, anticipé ces mutations. L’entreprise, créée en 1957, a opté pour un nouveau positionnement depuis le début des années 2000, pour faire face à la baisse des droits de douanes. «Afin de fermer la porte aux importateurs étrangers, nous nous sommes dirigés vers d’autres métiers : l’ingénierie d’aménagement des espaces bureaux, les solutions architecturales et les projets clés en main», remarque Samir Bennis, DG de Trarem.
De par la vision de son repreneur Haj Mohamed Bennis, Trarem, qui appartenait à un groupe français l’ayant exploité pendant 10 années (1957/1967), se veut citoyenne avec pour mission de «créer de l’emploi». Les héritiers conservent l’usine de 11.000 mètres carrés employant ainsi entre 200 et 250 personnes suivant la cadence de travail. «Les subventions étatiques et les avantages fiscaux, mais aussi le soutien de l’Union européenne, ont été des initiatives encourageantes. Trarem a exploité au maximum ces opportunités pour garder son usine. Et pour s’approvisionner en matières premières, il se lie à un partenaire local, en l’occurrence Maghreb Steel pour l’acier. Quant au cuir et au bois, ils restent moins chers à l’étranger, selon les dirigeants de Trarem. Néanmoins, l’entreprise importe aussi de l’étranger des marques prestigieuses, comme Herman Miller, et d’autres qui le sont moins, sans compter son partenariat avec la célèbre marque d’ameublement de luxe Baker en 2011, connue pour avoir aménagé la Maison Blanche. Mieux encore : en 2012, le leader national de l’aménagement d’espaces professionnels étend son activité et entend devenir un aménageur d’espaces de vie résidentiels, hôteliers et touristiques en lançant Trarem Life. Pour ce faire, la société propose pour la première fois au Maroc les gammes de produits de la prestigieuse marque américaine Ralph Lauren, des références de l’univers de la décoration. «On a choisi ces marques-là vu qu’elles répondaient à nos importants besoins dans le mobilier de prestige», affirmait alors Samir Bennis, le DG de Trarem.
Cette diversification a sans doute permis d’augmenter le chiffre d’affaires à travers les prescripteurs de la marque. «Dans notre métier, il faut ajuster en permanence, être très proactif et avoir une vision claire. Il y a encore beaucoup à faire dans le marché marocain, mais aussi à l’étranger», déclare le PDG de Trarem Afrique. Flairant les bonnes opportunités, la société, certifiée ISO version 2008, a tenté de s’introduire en bourse pour trouver les fonds nécessaires qui lui permettront d’accompagner son développement. Après avoir obtenu le visa du CDVM, les dirigeants de Trarem Afrique mettent le projet de l’IPO au placard, mais se targuent d’«être à la tête d’une entreprise transparente et éligible à l’épargne publique». Cela ne les aura pas empêchés d’équiper la première chambre du Parlement, les salles de conférence, les agences du CIH, Crédit Agricole, Poste Maroc et certaines compagnies d’assurance. A l’international, on peut citer le réseau d’Attijariwafa Bank en Afrique estimé à 40 agences et quelques actions ponctuelles en France.
Une stratégie de financement très prudente
La stratégie de diversification adoptée par Trarem n’est pas le seul ingrédient de sa réussite. Pour mieux comprendre cette success story marocaine, il faut remonter au début de l’aventure.
L’acquisition de Trarem a été financée dès 1967 par son fondateur, Haj Mohamed Bennis, grâce à ses fonds propres. Aucun crédit bancaire n’a été contracté à l’époque. Pour continuer son développement, ce dernier a réinvesti ses cash-flows dans l’entreprise. En 1968, l’entreprise réalisait un chiffre d’affaires de 800.000 dirhams et employait 17 personnes. A partir de 1976, date où le fils Abdejlil rejoint l’entreprise familiale, le chiffre d’affaires a atteint 2,5 millions de dirhams. Trarem contracte cette même année un crédit à moyen terme pour acquérir une nouvelle usine de 5.500 m2. «Grâce au relationnel dont bénéficiait mon père, il a pu obtenir un crédit à moyen terme pour financer l’achat d’une nouvelle usine à Aïn Sebaâ. Mais il faut savoir tout de même, qu’il a dû d’abord vendre le terrain sur lequel était installée l’ancienne usine pour pouvoir prétendre à ce crédit. En plus, le terrain de la nouvelle usine a été hypothéqué», racontait Abdeljalil Bennis lors de l’une de ses interviews accordées à la presse. A la fin des années 90, l’entreprise est mise à niveau et obtient des aides de l’Etat cofinancées par la CEE pour assurer sa survie après le démantèlement des barrières douanières, en plus d’avantages fiscaux. En 2008, la famille Bennis décide d’une introduction en Bourse qui n’aura finalement pas lieu à cause de la conjoncture.
A défaut de l’IPO, la PME continue à s’autofinancer depuis 2008 et obtient en 2012 un crédit à moyen terme de plus de 10 millions de dirhams pour financer ses investissements.
En 2015, Trarem a été sélectionnée dans le cadre du Plan d’accélération industrielle (PAI), à l’issue duquel elle a validé un budget d’investissement industriel de 40 millions de DH en trois phases, dont la première a été achevée en 2016.
Aujourd’hui, Le spécialiste marocain du mobilier de bureau s’apprête à lancer un important projet industriel sur son site casablancais. La société entend relever son taux d’intégration industrielle en localisant au Maroc plusieurs composantes de ses produits. Les détails de l’investissement ne sont pas encore connus. L’enseigne prospecte également des débouchées en Afrique de l’Est. Ceci dit, la marque est très présente dans des pays subsahariens depuis quelques années (environ 5% du chiffre d’affaires 2016 a été réalisé à l’export dans la région), mais envisage de tripler ce volume à l’export en Afrique. De 2013 à 2016, le chiffre d’affaires de l’entreprise est passé de 70 millions de DH à 115 millions de DH. Les dirigeants tablent sur une croissance qui varie entre 15 et 20% en 2017.
Soumayya Douieb
CHIFFRES CLÉS
1957 : Date de création
113 MDH Chiffres d’affaires 2016
220 Salariés
12.000 m2 Surface de l’unité de production
Historique du mobilier de bureau au Maroc
Avant les années 1960, le secteur du mobilier de bureau était partagé principalement entre Steelcase (depuis 1949) et Trarem (depuis 1957) et de petits fabricants peu spécialisés, et souvent présents sur d’autres segments tels que le mobilier domestique, le mobilier scolaire et le mobilier d’hôpitaux. L’élargissement de l’offre et l’élaboration de solutions clé en main sont mis en place progressivement depuis la fin des années 1960, notamment à travers la création de nouveaux opérateurs. Ainsi, 1974 a vu la création de Maroc Bureau qui a été suivie ensuite par Burog en 1979.
Durant les années 1970 et 1980, la clientèle du secteur était constituée majoritairement des administrations publiques. Les produits proposés étaient simples, sans originalité et à faible valeur ajoutée.
Les transformations du paysage économique apportées par les privatisations des années 1990 ont amené les entreprises du secteur à proposer des solutions plus élaborées (utilisation de matériaux originaux, nouvelles conceptions, solutions clé en mains, etc.), adaptées à une clientèle qui considère désormais le mobilier de bureau comme un levier de rentabilité.
L’essor du marché du mobilier de bureau a continué jusqu’au début des années 1990. Cependant, à la fin de cette décennie, l’économie marocaine a connu une stagnation considérable. Cette stagnation a touché significativement le secteur du mobilier de bureau au Maroc, entraînant une vague de licenciements chez les principaux intervenants du marché et l’élimination de certains petits opérateurs. Cette situation a duré jusqu’à 2003. Depuis, le secteur du mobilier de bureau a renoué avec la croissance et a connu d’importantes évolutions métiers (designs originaux, matériaux raffinés, etc.), avant de connaître un net ralentissement à partir de 2010.
Source : AMMC