La flambée des prix du poisson préoccupe à plus d’un titre. Alors que le consommateur s’attendait à un retour à la normale après la première semaine du Ramadan, la folie des prix s’est s’aggravée par une détérioration de la qualité.
Il est aujourd’hui quasiment difficile voire même impossible d’aller se procurer du bon poisson dans les différents points de vente de ces produits. Les prix de vente deviennent excessifs et hors de portée. Cette hausse reste pour le moins que l’on puisse dire, inexpliquée et justifiée dans un pays connu pour ses larges côtes et pour sa bonne production halieutique.
Les tensions sur les prix de vente du poisson toutes variétés confondues inquiètent non seulement le consommateur mais aussi et surtout les marchands de poisson. Une visite des grands marchés de Casablanca confirme clairement cet état de fait. Les produits étalés sont en quantité insuffisante et parfois la qualité laisse beaucoup à désirer sans parler des prix trop élevés. Kamal, un vendeur de poisson au marché Benjdia, n’a pas hésité à faire part de son inquiétude animée à la fois par la flambée des prix et la rareté des produits de la mer en cette période de l’année. Il précise que pendant le Ramadan connu normalement par un fort attrait pour les poissons, il lui arrive de ne pas travailler des jours de suite faute d’offre suffisante. Il va même jusqu’à déclaré que le marché est inondé de poissons congelés vendus au prix du frais.
Le même constat est valable au grand marché du Maârif.
Ce point de vente connu pour l’abondance de l’offre des produits de la pêche et sa haute qualité souffre également de ce fléau inflationniste. La semaine dernière, ce marché était quasiment désempli de poissons. Le manque de fraicheur frappe à l’œil. Interrogé, un des commerçants de la place se plaint et pointe du doigt la dégradation de la situation en ce mois sacré où la consommation de poisson atteint des niveaux record. Parfois, il conseille même à sa clientèle habituelle de ne pas acheter du poisson à cause de sa faible qualité.
En effet, dit-il, certaines espèces deviennent hors de prix, notamment les crevettes, les poissons blancs, les crustacés et les sardines. Les prix ont presque doublé pour l’ensemble des espèces vendues. Le prix du kilo de crevettes démarre à 150 dirhams. Celui du sol et du merlan s’élève à plus de 80 dirhams et peut aller jusqu’à 100 dirhams le kilo. Les sardines suivent également la même tendance. Le kilo varie entre 20 et 30 dirhams. Le pageot royal est juste inexistant. Les autres variétés coûtent pas moins de 150 dirhams le kilo. Qui profite réellement de cette situation ? La question reste posée. L’intermédiation contribue à faire grimper les prix de vente du poisson, mais la part de responsabilité des circuits informels et du marché noir n’est pas écartée. Entre l’un et l’autre, le consommateur passe pour le bouc émissaire qui continue de subir à chaque fois les défaillances de tout un système de contrôle et de supervision du circuit de commercialisation. Chaque ramadan, certaines espèces deviennent hors de prix, notamment dans certaines régions où la consommation de poisson atteint des records sur l’année. Les deux premières semaines sont les plus marquées par la hausse. «La préparation des briouates à base de poisson et de fruits de mer a déjà commencé. La demande de ces produits a sensiblement augmenté provoquant une forte hausse des prix», nous déclare Moulay Abdellah Elidrissi, directeur du pôle exploitation et animation commerciale à l’Officie national des pêches.
Un tour au marché de gros de Casablanca -100.000 tonnes par an soit près de 70% du marché intérieur- confirme cette tendance haussière dont les prémisses datent de quelques jours déjà. C’est aussi dans la région de Casablanca-Settat que les prix subissent les plus fortes augmentations.
Les prix de certaines espèces, stars du marché durant cette période, passent carrément du simple au double, voire plus. Exemple: les petites crevettes roses étaient proposées mercredi 25 mai à 150 DH (prix de gros), contre 50 à 60 DH en moyenne.
« Courant ramadan, les prix augmentent pour des espèces que les Marocains ont l’habitude de consommer frites, notamment la sardine, la sole, le merlan. C’est un phénomène qui concerne surtout la première semaine de ramadan, d’après ce que nous avons pu constater ces dernières années », précise Elidrissi. La hausse commence à se tasser dès la deuxième semaine et une fois la deuxième quinzaine entamée, les prix reviennent à leurs niveaux d’avant ramadan, selon la même source. Dans le nord du pays, la hausse n’est pas aussi sensible du fait des habitudes de consommation différentes basées sur une forte consommation de poisson tout au long de l’année.
D’autres facteurs entrent en jeu
Outre le changement des habitudes de consommation des ménages, deux autres facteurs impactent les niveaux des prix durant cette période:
«Compte tenu de l’augmentation de la demande, des intermédiaires saisonniers investissent ce secteur. Les marges en cascade impactent mécaniquement le prix final», poursuit M. Elidrissi.
Les conditions climatiques jouent également dans la détermination du prix.
«En cas de mauvais temps et de houle, il n’est pas possible de pêcher», ajoute-t-il.
Quelques jours de pluie suffisent à chambouler le marché d’autant plus que les Marocains préfèrent consommer du poisson frais capturé par les flottes côtière et artisanale. Paradoxalement, les prix moyens au niveau des halles, premier point de débarquement des captures, sont plus élevés qu’au niveau des marchés de gros compte tenu de la présence de produits destinés à l’exportation.
Les données ci-dessus concernent toutes les halles et tous les marchés de gros.
Des disparités de prix existent avec des niveaux records au niveau de Casablanca par exemple où la demande est des plus fortes.
Fairouz El Mouden