Dans une conjoncture mondiale marquée par le ralentissement économique et la persistance de la crise financière mondiale, le Maroc a entamé une diversification géographique de ses débouchés à l’export combinée à un repositionnement progressif sur des marchés à fort potentiel de développement, notamment le continent africain. C’est ainsi que dans le cadre de la stratégie globale d’ouverture et de libéralisation, le Maroc a conclu une série d’accords de libre échange non seulement avec ses partenaires traditionnels, à savoir l’Union Européenne et les USA mais aussi avec d’autres régions, notamment du continent asiatique et africain. L’étude de la DPEF fait un zoom sur le secteur de l’exportation marocain et présente à cet effet une analyse de l’offre exportable du Maroc des produits agroalimentaires vers les pays africains et propose des recommandations pour améliorer cette offre.
L’Afrique constitue, ainsi, un important gisement et relai de croissance pour l’économie marocaine en raison de son accroissement démographique et de son urbanisation accélérée, ainsi que de l’élargissement soutenu de sa classe moyenne, faisant évoluer le modèle des économies africaines vers un développement plus ancré sur la demande intérieure, indique le rapport de la DPEF. D’ailleurs, l’agriculture et l’industrie agroalimentaire jouent un rôle important dans le renforcement de la sécurité alimentaire des pays africains et le soutien de la croissance de leurs économies. Toutefois, la production et les rendements agricoles africains restent en deçà des normes et ce, en plus de la dépendance de l’Afrique aux importations et aux cours des marchés internationaux.
Les exportations agroalimentaires marocaines vers le continent africain durant la période 2000/2015 affichent une dynamique croissante marquée par une prépondérance des produits transformés et une demande progressive en produits frais. Les produits de base figurent ainsi parmi les principales marchandises exportées, notamment les farines gruaux, semoules et agglomérés de céréales, extraits et essences de café ou de thé et fromage. De même, une demande croissante d’autres produits alimentaires comme les légumes frais, congelés ou en saumure, agrumes, tomates fraîches et fruits frais est nettement exprimée. Sur la période 2007-2015, 12 pays africains ont concentré en moyenne 84% des exportations agroalimentaires marocaines vers le continent, avec une prédominance de la Mauritanie (16%), la Guinée (15%), suivie de l’Algérie (11%), le Sénégal (9%) et la Tunisie (9%).
La tendance de la dynamique des exportations marocaines renseigne sur le regain d’intérêt et l’augmentation des parts de l’Afrique et de l’Asie à 12% et 7% au détriment des parts de l’Europe et de l’Amérique qui affichent une baisse durant la période considérée (2000/2015).
Forte présence sur l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique du Nord
L’analyse des exportations agroalimentaires marocaines par région africaine, durant la période 2007-2015, montre que l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique du Nord représentent 54% et 31% du total de ces exportations vers le continent. Selon les régions africaines, on trouve que 51% de ces exportations ont été destinées à l’Afrique de l’Ouest, 33% à l’Afrique du Nord et 14% à l’Afrique Centrale.
Il faut signaler que 81% des exportations marocaines en produits agroalimentaires transformés destinées vers l’Afrique de l’Ouest ont été concentrées, en particulier, sur le Sénégal (35%), la Guinée (34%), le Mali (4%) et la Côte d’Ivoire (4%) et ce, avec des TCAM, respectivement, de 15%, 15%, 6% et 8%. Quant aux exportations vers la Gambie, elles ont enregistré une croissance négative de 17%.
En ce qui concerne les exportations vers l’Afrique du Nord, durant la même période, elles ont été destinées essentiellement à l’Algérie (40%), la Tunisie (31%) et la Libye (27%) avec une croissance respectivement, de 29%, 7% et 2%. Quant à l’Egypte, les exportations ont connu une croissance importante, en moyenne de 38%, bien que sa part n’ait été que de 1% pour la période 2007-2015.
De nombreuses contraintes
Néanmoins, le développement des exportations agroalimentaires marocaines vers le continent africain reste confronté à de nombreuses contraintes, conclut l’étude de la DPEF. Il s’agit de la multiplicité des frontières nationales qui font obstacle au commerce intra-continental. L’obligation de traverser plusieurs frontières et de se conformer à des régimes commerciaux différents entraîne une faible intégration des marchés, facteur qui entrave le commerce intra-africain et le maintien en deçà de son potentiel. Les coûts de transaction (transport et assurance) sont très élevés en Afrique et entravent la croissance du commerce intracontinental. Ces coûts sont en moyenne plus élevés pour le commerce intra-africain que pour les échanges avec le reste du monde. Aussi, la faiblesse des infrastructures et de la logistique liant le Maroc au reste des pays africains constitue un véritable frein au développement des échanges commerciaux entre le Maroc et l’Afrique. Même le transport maritime n’est pas suffisamment exploité entre les deux parties. De plus, l’absence d’accords de facilitation de transit vient aggraver ces carences.
Une stratégie commerciale nationale intégrée et cohérente touchant tous les secteurs potentiels à l’export (y compris le secteur de l’agroalimentaire) serait un grand atout aux cotés des efforts déjà engagés pour la promotion des exportations marocaines sur l’Afrique dans le cadre des caravanes Maroc Export, compte tenu des opportunités économiques qu’offre le continent et la concurrence accrue que se livrent plusieurs pays, précise le rapport.
Des infrastructures intra-africaines de transports routier, maritime et aérien devraient être renforcés, ce qui permettrait d’atteindre d’autres espaces de la sous-région Ouest-Africaine et celle d’Afrique Centrale. L’axe routier Tanger-Dakar ainsi que la ligne maritime Tanger-Nouakchott-Dakar reliant le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal ont certes permis de renforcer les échanges commerciaux entre ces pays, il n’en demeure pas moins que des efforts plus importants doivent être déployés, conclut l’analyse.
Le secteur agroalimentaire en Afrique en chiffres
Selon les projections de la Banque Mondiale1, le potentiel du secteur agroalimentaire en Afrique pourrait se chiffrer à 1.000 milliards de dollars à l’horizon 2030, contre 313 milliards de dollars actuellement. Il devrait donc tripler, avec pour conséquence la création davantage d’emplois, une plus grande prospérité, une population mieux nourrie et un net élargissement des opportunités.
Structure des importations africaines
En termes de structure, les importations africaines en produits agroalimentaires ont été constituées à hauteur de 14% de la farine de froment suivie par les sucres qui ont représenté 6% des importations totales, du riz à hauteur de 6% et du lait et des produits laitiers avec une part de 5%. Les importations des légumes (1,9 milliard de dollars) et des fruits (1,3 milliard de dollars) représentent 2% seulement des importations africaines des produits agroalimentaires et celles des conserves (1 milliard de dollars) et de légumes (0,5 milliard de dollars) n’en représentent que 1%. Néanmoins, ces filières recèlent un important potentiel, compte tenu de leurs taux de croissance annuels moyens sur la période 2007-2015, qui ont été de l’ordre de 7% pour les légumes frais, 15% pour les fruits, 8% pour les conserves de légumes et 11% pour les jus de fruits.
Fairouz El Mouden