Lundi dernier, la Commission Electorale Kényane (IEBC) a annoncé que l’élection présidentielle du 26 Octobre a été remportée par le Président «sortant» Uhuru Kenyatta par 98,26% des voix. Mais, comment pouvait-il en être autrement si le chef de l’état était le seul candidat à sa succession ? Une autre incongruité et non des moindres est que son rival Raila Odinga, qui avait appelé ses partisans à boycotter ce qu’il considère comme étant une «mascarade» électorale, aurait quand même recueilli 73.228 voix.
Comment et de quelle manière est-il parvenu à arracher un tel score ? Tout simplement parce qu’en faisant fi de son refus de participer à ce scrutin au motif que les conditions requises n’y étaient pas réunies, l’administration en charge de l’organisation de cette consultation avait quand même pris soin de déposer des bulletins à son nom dans les différents bureaux de vote.
Mais quelle légitimité conviendrait-il, par ailleurs, d’accorder à un tel scrutin si le taux de participation n’y a pas dépassé 38,8 %; le taux le plus bas depuis les premières élections multipartites de 1992?
Il convient de rappeler, au passage, que cette élection a fait suite à l’annulation le 1er Septembre, par la Cour Suprême du pays, des élections du 8 Août dernier remportées par le président sortant par 54,27% des suffrages exprimés contre 44,74% pour son rival Raila Odinga mais contestés par ce dernier. Aussi, les avocats de l’opposant au chef de l’Etat avaient-ils apporté des preuves attestant que le processus de compilation et de vérification des résultats avait été marqué par des erreurs et par des incohérences «délibérées» avec comme but évident de favoriser le président sortant et de nuire au candidat de l’opposition.
Appelés à déclarer si l’élection présidentielle s’était déroulée en accord avec la Constitution kényane, les juges avaient, dans leur majorité, répondu par la négative et rendu du coup nuls et non avenus les résultats initialement proclamés.
«La grandeur d’une nation réside dans sa fidélité à la Constitution, dans le strict respect de la loi et, surtout, dans la crainte de Dieu», dira David Maraga, le juge-en-chef, avant d’ajouter que le président sortant «n’a pas été élu et déclaré président de manière valide».
Ainsi, selon la Cour Suprême, des «irrégularités» auraient été commises et ces dernières auraient donc « compromis l’intégrité de l’élection du Président de la République».
S’étant donc rangée du côté de l’opposition, la Cour Suprême du Kénya avait alors ordonné la tenue d’une nouvelle élection présidentielle dans un délai maximum de soixante jours ; une décision qui n’avait pas été accueillie par des bouquets de fleurs et qui avait donné lieu à des affrontements très violents entre les partisans de l’opposition et la police, notamment dans ces villes de l’ouest du pays qui sont de véritables fiefs de l’opposition où au moins neuf personnes ont été tuées par balles depuis jeudi dernier et près d’une cinquantaine depuis l’annulation de l’élection présidentielle du 8 Août dernier.
Que dire pour terminer sinon qu’il ne serait pas faux de déclarer que cet espoir d’une avancée démocratique au Kenya né de l’annulation par la Cour Suprême du pays des résultats d’une élection présidentielle entachée d’irrégularités n’est plus de mise malheureusement …
Nabil El Bousaadi