Dictionnaires Larousse et Robert 2019
Pour 2019, de nouveaux mots devront prendre place dans le langage courant des 274 millions de locuteurs francophones à travers le monde. Lundi dernier, Le Petit Larousse et Le Petit Robert ont dévoilé les nouveaux mots de la langue française, qui seront introduits dans les dictionnaires. Si les mots que les deux institutions intégreront dans leurs millésimes 2019 reflètent la diversité de la langue de Molière dans les différents coins du monde, quid des mots venus tout droit de l’Afrique, sachant qu’à en croire les prévisions de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), c’est cette partie du continent qui concentrera plus de 80% des locuteurs francophones à travers le monde, soit un peu plus de 750 millions de personnes, d’ici 2060?
En 2060, ce sont les Africains qui parleront en majorité le français. En novembre 2017, à Ouagadougou au Burkina, Emmanuel Macron séduisait les Africains francophones par son discours, annonçant que leur contribution à l’épanouissement et l’enrichissement de cette langue était sa priorité. Le président français était allé plus loin, déclarant : « le français que nous avons pris a été un moment figé par une académie comme un instrument de pouvoir. Avant ce français classique de l’Académie, il y’avait un français irrigué de patois et langues vernaculaires. Ce français au pluriel que vous avez fait vivre, c’est celui-là que je veux voir rayonner. Ne cédez à aucun discours qui voudrait enfermer le français dans une langue morte ». Si dernièrement, en mars, le laboratoire de la francophonie au château de Villers-Cotterêt en France et que c’est de l’Académie française, si décriée par le président français que cette annonce a été faite, quid de la contribution des Africains dans l’enrichissement du vocabulaire français tel qu’il est présenté par les dictionnaires Le Petit Larousse et le Petit Robert ? Tout cela n’était-il qu’un effet de buzz?
Les analystes laissent entendre que les lexicographes des deux dictionnaires rivaux ont été inspirés des discours de Macron de la Présidentielle 2017, dont celui sur la langue française et son avenir en Afrique et l’actualité des derniers mois. Mais qu’en est-il de la réalité ? Quels sont les mots importés de l’Afrique qu’on retrouvera dans le Robert sorti le 16 mai et le Petit Robert qui sortira le 28 juin prochain ou encore le Petit Larousse, le 23 mai?
Parmi les nouveaux mots dévoilés pour l’heure, respectivement par Le Petit Larousse et le Robert avant leurs sorties officielles, on retrouve à peine des mots inspirés de l’Afrique francophone comme «cadeauter», qui veut dire offrir un cadeau … Dans le dictionnaire 2018, le Larousse avait introduit des mots d’origine africaine comme « bisser», venu tout droit de l’Afrique centrale, qui veut dire inviter une femme à danser pour la seconde fois, ou encore «faroter» usité au Cameroun qui signifie verser de l’argent à quelqu’un dans le but de le sodoyer, mieux encore «youyouter» originaire du Maghreb, qui veut dire lancer des youyous à l’occasion de certaines cérémonies. Quant au Robert, il avait introduit des mots comme «fonion», qui est une variété de millet à grains fins, originaire d’Afrique…
S’il faudra attendre la sortie officielle des deux dictionnaires pour découvrir quelle est la part réservée aux mots et termes africains, il ressort, au regard des quelques mots déjà dévoilés, que la part de l’Afrique francophone est faible, en comparaison à son nombre de locuteurs, en constante évolution.
Quid des noms propres de personnalités africaines?
Jusque-là, aucun nom d’Africains n’a filtré parmi ceux introduits dans le dictionnaire des noms propres en 2019. Dans les dictionnaires de 2018, Le Petit Larousse avait introduit l’écrivain franco-congolais, Olivier Mabanckou, nommé par Emmanuel Macron pour contribuer pour l’essor du français, mais celui-ci avait décliné l’offre du président français. Quant au Petit Robert, il avait introduit le comédien franco-sénégalais Omar Sy dans sondictionnaire des noms propres. Du côté des noms propres, le footballeur brésilien Neymar et l’écrivaine Chantal Thomas entrent dans le Robert illustré et l’athlète Marie-Amélie Le Fur et la cheffe Hélène Darrroze sont consacrées par le Petit Larousse.
La France se taille la plus grande part
Parmi les nouveaux mots, la France occupe une grande part, à travers des mots comme «se boujouter», «se faire pêter la miaille», «poutouner», «bredele» (gâteau alsacien), «ristretto» (café serré). On y retrouve plusieurs mots venus du Canada et Québec comme «prendre une brosse» (s’enivrer au Canada), «écocentre» (déchèterie au Canada), «gougounes» (des tongs au Québec), «pet-de-sœur» (pâtisserie au Canada). Figurent aussi dans la liste les mots venus de la Suisse comme «ébriquer» (casser en Suisse), «azorer» (gronder en Suisse) … Certains mots viennent du Japon, comme «teriyaki» (viande ou poisson grillé et mariné) ou «gomasio» (condiment au sel marin et sésame grillé), «pavlova» (gâteau meringué garni de crème chantilly et de fruits) dans le Robert.
Des nouveaux mots, reflet de la société
Selon le linguiste Bernard Cerquiglini qui travaille pour Larousse «les mots nouveaux introduits dans le Petit Larousse 2019 traduisent le fait queque nos modes d’existence sont en train de changer sous nos yeux : nos modes de travail, nos modes d’habitation, nos modes d’alimentation mais aussi nos modes d’information». On trouve ainsi des mots qui décrivent les aspects de la société comme «dégagisme» (rejet de la classe politique en place) et antisystème » (qui s’oppose au système en place) chez le Robert ou encore «démocrature» (une démocratie dirigée de façon autoritaire) dans Le Larousse. On trouve aussi des mots inspirés du multimédia comme «autocomplétion» (une fonctionnalité proposant des mots à partir des premiers caractères tapés sur son clavier), «webminaire » (séminaire en ligne) ou «rageux» (plus connu sous le nom de troll) chez le Robert ou « liker » (apprécier), «vlogs» (blog diffusant des vidéos) et «rançongiciel» (logiciel malveillant) chez Larousse.
DFE