Compagne de feu Abdelkrim Benabdallah : Suzanne Larribère, une militante hors paire

Suzanne Benabdallah s’est éteinte à Marseille, dimanche dernier, à la suite d’une insuffisance cardiaque.

Epouse et compagne de feu Abdelkrim Benabdallah, membre du Bureau politique du Parti communiste marocain et dirigeant de premier plan du « Croissant noir », mouvement de la résistance contre le colonialisme, Suzanne était médecin à Casablanca et jouissait de l’estime de ses collègues et des populations de l’ancienne médina qu’elle servait avec une grande générosité du cœur.

Après l’assassinat de son compagnon, le 30 mars 1956 (quelques jours après l’indépendance du Maroc), elle a regagné sa famille à Oran qui va s’occuper de ses deux enfants Mourad et Assia, âgés de 1 à 3 ans…

Elle va continuer son combat de communiste, là où elle est, en tant que médecin, puis professeur de médecine, et a poursuivi sa mission de militante complètement dévouée aux démunis et aux femmes.

Elle reviendra, de temps à autre, au Maroc qu’elle avait toujours au cœur, malgré la grande blessure et le souvenir d’Abdelkrim qu’elle avait serré dans ses bras, après avoir pris une balle assassine dans la nuque, devant l’immeuble où ils habitaient (actuel Boulevard Mohamed VI à Casablanca).

Sa dernière visite remonte à début avril, quand le Parti du progrès et du socialisme avait célébré le cinquantenaire de l’assassinat d’Abdelkrim. Elle était accompagnée de leur fils Mourad.

Une famille de militantes…

A vrai dire, la vie de Suzanne Benabdallah reste liée à ses parents, notamment à son père Jean-Marie Larribère, mort à Oran en 1965, quatre années après l’indépendance de l’Algérie pour laquelle, en communiste et anti colonialiste, il a tout donné, au prix d’être persécuté par l’OAS(organisation armée secrète), qui avait détruit la clinique qu’il avait mise au service des démunis et des résistants algériens.

Suzanne était plus impliquée, comme à Casablanca, dans le social, surtout auprès des femmes, à l’instar de ses quatre sœurs militantes communistes au sein du Parti communiste algérien et l’Union des femmes.

La mère de Suzanne, instructrice de son état et directrice d’une école, était réputée pour son engagement en faveur des petites filles algériennes pour qu’elles ne soient pas obligées de quitter l’école pour se marier…

Avec leur mère, les sœurs de Suzanne, comme elle, avaient apporté tous genres d’aides aux réseaux clandestins du Parti mais aussi du FLN (Front de libération nationale).

Un père de tous les combats

Son père, lui, d’instituteur, comme sa femme, il deviendra médecin. Entretemps, il avait fait son service militaire au Maroc et s’opposa à la guerre des armées espagnole et française contre Abdelkrim El Khattabi. Ce qui lui valut une arrestation et une dégradation (il était médecin-lieutenant).

Il avait ouvert une clinique à Oran et devint, à la faveur du succès du PCF dans la métropolie, adjoint au maire d’Oran…

Pour les témoins de cette époque, la clinique Larribère était «le lieu de refuge, de recours, de secours aux emprisonnés et emprisonnées puis d’abri des réseaux clandestins à partir de 1955».

La famille était réputée pour avoir assuré la collecte des médicaments au profit de la région de Tlemcen (ah le Tlemcen natal d’Abdelkrim…)  et l’accueil des rescapés des maquis des résistants…

Les sœurs, Aline et Paulette, en dépit du fait qu’elles étaient «protégées» par le nom de leur père, ont payé le tribut de leur engagement politique. Elles vont connaître les «caves du Trésor d’Oran», puis la prison civile et les camps … Elles étaient condamnées en 1957, transférées dans des prisons de France ou expulsées.

Lucette, l’aînée de la famille, avait fini sa carrière de journaliste à Alger Républicain, où elle jouissait d’une grande estime auprès de ses ténors de l’époque.

Le partage des tâches était équitable. Jean Marie veillait à la clinique. Sa femme prenait soin de leurs petits-enfants, des deux filles emprisonnées et ceux de Suzanne venus du Maroc…

La montée en puissance de l’OAS poussa la famille (Suzanne, sa mère, ses enfants), au début des années soixante, à la clandestinité totale, puis à l’exil en France, à Paris, pour s’abriter des violences, à la suite de la destruction de leur clinique par l’OAS en avril 1962…

Suzanne et ses enfants vivront, entre Paris et Marseille… là où elle va tirer sa révérence en présence de sa petite famille.

A ses enfants, Mourad et Assia, ainsi qu’à ses petits-enfants et proches, toutes nos condoléances attristées.

Qu’elle repose en paix !

Mohamed Khalil

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