Dans cette étude, Hamid Rais, architecte et Docteur en Géographie Urbaine, met en lumière quatre facteurs majeurs qui expliquent les dysfonctionnements urbains. Il s’agit de l’incapacité de la législation d’urbanisme actuelle à assurer un développement intégré; la multiplicité des acteurs et la dilution des responsabilités; la rigidité et la complexité des procédures d’établissement des documents d’urbanisme et enfin, l’absence de stratégie de mise en œuvre des instruments de planification urbaine. Avec l’accord de l’auteur et devant la pertinence de cette analyse et de sa forte argumentation, nous la reprenons en quatre parties pour rapprocher le lecteur des quatre facteurs explicatifs du malaise urbanistiques dans lequel vivent les habitants des agglomérations urbaines au Maroc.
La croissance urbaine accélérée est devenu une réalité mondiale. Face à ce phénomène, les spécialistes de la planification des territoires ont eu recours à la planification urbaine qui, évolue et s’adapte aux différents contextes afin d’encadrer et guider les faits urbains à court, moyen et long termes.
Mais dans le contexte actuel de nombreux pays, les politiques urbaines, instaurées par le biais de la planification spatiale, se trouvent défaillantes et dépassées par les changements rapides de la configuration de l’espace urbain. Ce décalage empêche alors une bonne coordination entre les actions publiques et privées et le développement socio-économique des territoires.
Le Maroc n’échappe pas à cette réalité contraignante qui illustre l’incapacité du système actuel de planification urbaine à encadrer, de manière structurée et cohérente, le développement urbain durable de nos villes.
La perception des causes de dysfonctionnements urbains sont multiples et diverses, selon les acteurs et leurs intérêts contrastés, mais parfois, des convergences d’avis apparaissent. Elles deviennent significatives lorsqu’elles sont récurrentes d’une ville à l’autre et confirment alors les problèmes de fond, qu’il faut traiter.
Dans le but de mettre en lumière ces principaux problèmes au Maroc, nous traitons dans cet article des cas de métropoles marocaines variées, en ciblant en particulier celles qui illustrent le décalage entre les faits urbains (réalités) et les différents documents de planification. Ces décalages sont souvent reflétés sur le territoire par des incohérences d’ordre spatial, socio-économique et managérial. Devant ce constat se pose une grande question sur le pourquoi de cette incohérence et le décalage entre extension urbaine souvent démesurée et le développement socio-économique au potentiel limité et fragile ? Les avis des acteurs interviewés divergent à ce propos sur certains aspects tels que le rôle des institutions et l’effet du contexte régional et national sur la ville par exemple, mais l’analyse comparative des résultats permet en définitive de souligner les problèmes communs aux villes étudiées et les perceptions les plus dominantes à propos de leurs causes.
Approche méthodologique
La durabilité du développement des villes englobe plusieurs facettes, souvent visées par les documents d’urbanisme, comme leur intégration fonctionnelle au contexte, leur pouvoir d’inclusion sociale, leur cadre de vie et du bien-être humain et leur respect des équilibres environnementaux par exemple. Ces orientations ne sont pas dans de nombreux cas réalisées en réalité.
A la lumière des travaux de terrain, on voit que la ville marocaine souffre de plusieurs dysfonctionnements dont le degré d’importance varie selon la taille de la ville, son positionnement dans l’armature urbaine régionale, Voir nationale ainsi que son degré de compétitivité économique.
Le Maroc a connu au cours de la deuxième moitié du XXème siècle une urbanisation rapide. En effet la part de la population urbaine au Maroc ne représentait que 5% au début du siècle, 22% en 1955. Elle est actuellement à plus de 60% et serait en 2050 à 68%.
Cette situation s’explique par le taux d’accroissement naturel; l’exode rural massif vers les villes pendant les périodes de sécheresse; le déséquilibre flagrant qui existe entre les conditions de vie dans les compagnes et les conditions de vie dans les grandes villes et enfin la concentration de l’action des pouvoirs publics dans les villes considérées comme principales sources de production de la richesse.
Ce fort taux d’urbanisation, au cours des deux dernières décennies, est à l’origine de l’apparition de plusieurs phénomènes spatiaux dus essentiellement à l’incapacité des agglomérations urbaines à intégrer le flux important des populations rurales qui désirent s’installer définitivement dans les villes et aux déficits de prévisions notés dans les documents de planification urbaine.
Ce phénomène a eu comme conséquence spatiale, d’une part, la densification des tissus anciens des Médinas, entraînant ainsi une dégradation, une taudification, puis un risque d’effondrement; la prolifération des quartiers d’habitat non réglementaire qui ont été considérés comme solution transitoire à une problématique dont souffraient les pouvoirs publics de l’époque, n’ayant pas les moyens financiers suffisants pour construire des logements réglementaires et bon marché et la constitution de ceintures de pauvreté autour des villes, sous forme de bidonvilles ou douars semi-ruraux sous équipés.
Cette catégorie de la population qui réside dans ces espaces représente la classe la moins intégrée et la plus vulnérable de l’ensemble des populations résidant au sein des différents tissus urbains.
Ce nouveau type d’espaces urbains constitués de bidonvilles ou d’habitat insalubre, a été implanté dans la majorité des cas sur des territoires impropres à l’urbanisation, hors des règles et en absence d’infrastructures de base.
Actuellement la ville marocaine est souvent constituée de tissus anciens ou non réglementaires dégradés menaçant ruine; de centre – villes (centre colonial pour les grandes métropoles) faisant l’objet de plusieurs transformations urbaines; d’une multitude de lotissements réglementaires, juxtaposées ou éloignés, sans souci de cohérence ni d’harmonie entre les espaces; la persistance de plus 10% de bidonvilles au sein de certaines grandes agglomérations; une partie de ces tissus urbains et périurbains souffrent du manque d’infrastructures et d’équipements socio-collectifs; l’ensemble des nouveaux espaces urbains ayant intégré la nouvelle configuration de la ville marocaine a été à l’origine de l’émergence de nouveaux dysfonctionnements urbains, économiques, sociaux et organisationnels; l’étalement urbain; le déficit en équipements au niveau de certains quartiers périurbains de la ville; l’urbanisation des zones à risques ou à haut potentiel agricole; la fragilisation de l’économie urbaine par la prédominance du secteur informel périurbain; l’augmentation du sentiment d’insécurité dans les quartiers non réglementaires, les bidonvilles et même à l’intérieur des Médinas; l’aggravation du taux de pauvreté au sein des quartiers d’habitat insalubre.
L’ensemble des éléments précités témoigne à la fois d’une crise de gouvernance des villes marocaines et de grands déficits de planification et mise en œuvre des documents de l’urbanisme.
La problématique des décalages observés entre le contenu des documents d’urbanisme et les réalités de certaines villes marocaines soulève des questions multiples à propos des indicateurs, causes, processus de fabrication urbaine, responsables de ces phénomènes et des incidences qu’ils engendrent. Pour répondre à ces questionnements, le travail de terrain a été privilégié. Il est basé sur les visites de plusieurs sites et la réalisation d’une enquête multi-objectifs dictée par la complexité de la thématique, car le dysfonctionnement du système urbain prend différents aspects. Les principales interrogations se rapportent à la nature et la hiérarchisation des dysfonctionnements urbains et l’identification de leurs causes et impacts.
L’échantillonnage des personnes ressources interviewées est élaboré de façon à toucher les principaux acteurs intervenant dans le processus de fabrication de l’espace urbain problématique.
Il s’agit notamment de cadres techniques et juridiques relevant de l’autorité gouvernementale chargée de l’urbanisme et des autorités et collectivités territoriales, auxquels s’ajoutent quelques personnes ressources du domaine. Les aspects retenus dans le profil des enquêtés et en concordance avec les objectifs de l’étude sont d’ordres spatial, technique et institutionnel. Nous voulons ainsi analyser les perceptions des acteurs à propos de la planification urbaine, l’analyse de l’image véhiculée sur les outils de la planification urbaine par les acteurs directement impliqués, les décalages entre documents de planification et réalités de terrain et l’analyse des conflits d’image «la force juridique, les intérêts et enjeux». L’architecture du questionnaire est basée sur deux piliers. Le premier, relatif aux dysfonctionnements du système de planification urbaine au Maroc, et focalise sur les lacunes des textes juridiques en matière d’urbanisme, sur la qualité du contenu des documents d’urbanisme, la lenteur et la complexité des procédures d’établissement, d’approbation et enfin sur l’homologation des documents d’urbanisme et le mode et moyens de leur mise en œuvre et au système de gouvernance urbaine.
Le second concerne les conséquences de la défaillance du système de planification sur les territoires urbains. Pour se faire, le questionnaire a porté sur la définition des dysfonctionnements urbains au Maroc, les causes des principaux dysfonctionnements urbains au Maroc, l’étalement urbain et comment est-il opéré, les équipements et d’infrastructures, la prolifération de l’habitat insalubre, l’urbanisation des zones à risques, la fragilité de l’économie locale, les risques sociaux engendrés et enfin les déficiences managériales des territoires.
Sachant que la liste exhaustive des acteurs de l’urbanisation dans l’ensemble des villes étudiées est une tâche délicate, l’approche par échantillonnage s’impose. Il concerne un nombre de 840 personnes de différents profils (tab.1). L’approche du choix est basée sur le raisonnement plutôt que sur un modèle d’échantillonnage théorique. Ses critères sont essentiellement:
– Le critère spatial, qui consiste à interviewer les acteurs agissant dans les espaces urbains les plus vulnérables. On se réfère ici à l’ancien découpage régional du pays car les entretiens ont été réalisés en 2012, avant la mise en place du nouveau découpage régional. On présentera donc les résultats selon le découpage des anciennes régions.
– Le critère technique permettant d’identifier le profil des personnes qui interviennent dans l’élaboration des documents d’urbanisme. On a ainsi rencontré les géographes, les architectes, les ingénieurs (topographes, de génie civil, bâtiments… etc.), les juristes, les économistes et les sociologues.
-Le critère institutionnel et managérial a été adopté pour équilibrer l’échantillon. Concernant le ciblage des entités administratives publiques, notre choix a porté sur les principales administrations concernées par le processus de planification urbaine : de la législation des textes juridiques, représentée par l’institution du parlement jusqu’à la gestion urbaine, représentée par les autorités, collectivités locales et les agences urbaines.
Les points de vue des acteurs
A travers l’étude, notamment dans sa phase d’investigation du terrain, les acteurs rencontrés sont multiples pour un meilleur croisement des points de vue. On s’est adressé aux acteurs institutionnels, aux techniciens, élus; académiciens et aux professionnels par exemple.
L’étude montre que la majorité des acteurs de la fabrication urbaine considèrent que le système actuel de la planification urbaine au Maroc souffre de plusieurs dysfonctionnements. Les réponses des interviewés peuvent être synthétisées à ce propos comme suit:
– incapacité de la législation d’urbanisme actuelle à assurer un développement spatial, économique, social et environnemental cohérent dans de nombreuses villes;
– rigidité et complexité des procédures d’établissement des documents d’urbanisme;
– absence de stratégies pertinentes de mise en œuvre des documents d’urbanisme en raison de l’incapacité à maîtriser les volets notamment sociaux, fonciers et financiers;
– multiplicité des acteurs et dilution des responsabilités.
L’ensemble des facteurs cités plus haut, interpelle le degré d’efficacité du système de planification urbaine mis en œuvre. Les principaux dysfonctionnements enregistrés seront la deuxième partie qui sera publiée demain.
La législation de l’urbanisme : lacunaire ou mal exécutée
Bien que de nombreux décrets et textes de lois relatifs à l’urbanisme sont publiés au bulletin officiel depuis 2014 (morcèlement des terrains, lotissements, copropriété, urbanisme et risques environnementaux, modalités d’autorisation de la démolition et de la réhabilitation, etc.), leurs effets ne sont pas encore ressentis sur le terrain. Les problèmes et dysfonctionnements urbains sont donc liés aux anciens règlements souvent évoqués dans les entretiens. En effet, le premier texte relatif à l’urbanisme au Maroc, remonte à l’année 1914 (au Dahir du 16 avril 1914). Ce qui a permis, au protectorat, de réaliser une dizaine de villes. S’en est suivi une série de textes juridiques instituant les principales règles de l’urbanisme :
- la loi relative à l’établissement des Plans d’Aménagement pour les centres et banlieues des villes marocaines date du 27 janvier 1931.
- La loi relative aux lotissements a été promulguée le 14 juin 1933. Elle visait à maîtriser la croissance de l’urbanisation.
- La loi de l’urbanisme, actualisée en 1992 a été promulgué le 30 juillet 1952,.
- La loi du lotissement de 1933 a été actualisée en 1953, en 1992 et en 2014, dans le but de définir juridiquement le lotissement et le morcellement, d’imposer le respect de cette réglementation pour les promoteurs et de mettre fin à la spéculation immobilière anarchique.
- La loi relative au développement des agglomérations rurales a été promulguée le 25 juin 1960 pour rattraper les insuffisances et incohérences de l’urbanisation dans le monde rural.
Malgré l’envergure de ces textes juridiques la morphologie urbaine reste spontanée et tendancielle dans de nombreuses villes du royaume. La majorité des enquêtés (70%) illustrent des avis favorables pour l’amendement des lois.
Multiplication négativement pesante des institutions chargées de l’urbanisme
La répartition des compétences entre l’État et les collectivités décentralisées laisse apparaître l’existence de plusieurs organes et institutions qui interviennent de manière concomitante dans le domaine de la gestion urbaine. L’État monopolisant la production des normes et la planification urbaine, les collectivités locales s’occupent de l’opérationnel. La confusion en matière de partage des responsabilités et le grand nombre d’intervenants constituent une entrave sérieuse à la mise en œuvre des plans d’urbanisme. À partir de 1998, avec le gouvernement dit « d’alternance », la vision intégrée des nouveaux responsables politiques a fait de l’urbanisme, l’habitat, l’environnement et l’aménagement du territoire un seul et même département ministériel. Ainsi, d’une vision technique puis sécuritaire on aboutit enfin à une vision intégrée. Une nouvelle mission multidimensionnelle, mais complémentaire, sera confiée au nouveau grand département chargé de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire, de l’environnement et de l’habitat, auquel on a enlevé le département de l’environnement, à la suite du remaniement ministériel de septembre 2000. En effet, les quatre pôles de développement (aménagement de territoire, urbanisme, environnement et habitat) se sont alors « réunifiés » depuis leur séparation en 1985.
Dans ce cadre les représentations locales de l’autorité gouvernementale chargée de l’urbanisme se sont superposés à celles relatives aux autorités locales et collectivités locales, ainsi on trouve au niveau régionale et local les agences urbaine, les inspection régionales de l’aménagement du territoire et de l’environnement, les division de l’urbanisme rattachées aux gouverneurs et walis, les services des plans rattachés aux communes territoriales, en plus des centres régionaux d’investissement. Le nombre important de représentations locales et régionales rend difficile, voir impossible le processus de coordination entre les différents acteurs concernés.
Conformément à ce qui précède, les résultats de l’enquête d’opinion ont confirmé, avec un score de 70%, que la multiplicité des institutions chargées de l’urbanisme rend difficile la gestion urbaine de la ville.
Le contenu des documents d’urbanisme est parfois discutable
Plusieurs efforts ont été consentis durant les dernières années en matière de couverture du territoire national par ces documents mais les interviewés font des remarques par rapport aux contenus des plans dans certains cas. Le taux de couverture en milieu urbain atteint 98% en 2013. Le nombre de documents homologués en 2013 a dépassé les 110 documents.
Malgré le nombre important de documents d’urbanisme produit annuellement, les questions liées à la qualité des contenus et à l’approche conceptuelle des plans d’aménagement : s’avèrent critiques. Les vocations principales des zones, la densité, la hauteur, les encorbellements, etc. sont évoqués pour souligner la faible souplesse des documents au cours du processus de gestion urbaine. Cet état de fait a été confirmé par les deux scores de l’enquête d’opinion qui ont accordé un pourcentage de 67.9%, à la fois, à la qualité médiocres des études d’urbanisme et à l’approche conceptuelle rigide et complexe des instruments de planification urbaine.
Les problèmes soulignés sont liés notamment à :
la complexité et la rigidité des dispositions spatiales et réglementaires des plans d’aménagement, les rendent difficiles à gérer. On doit se contenter de fixer uniquement :
la vocation principale de chaque secteur ;
un intervalle de densité à ne pas dépasser ;
la voirie structurante de 20 m et plus ;
les équipements structurants ;
les conditions de dérogation ;
les occupations ou fonctions interdites au sein de chaque zone ;
Les problèmes de qualité des documents d’urbanisme s’expliqueraient aussi en partie par :
le manque d’attractivité aux études des documents d’urbanisme pour les BET dont l’expertise est confirmée, à cause de la faiblesse des montants alloués aux études expliquerait en partie ce problème ;
la faiblesse d’accompagnement et d’engagement des collectivités locales dans le processus d’élaboration des documents d’urbanisme ;
le manque d’adéquation entre les documents d’urbanisme et le Plan de développement communal ;
la faible adhésion des services déconcentrés qui met en péril le rôle de ces documents en tant qu’instruments de convergence des politiques publiques et impacte négativement le taux de réalisation des dispositions de ces plans (le taux de réalisation ne dépassant pas 20% dans les meilleurs cas) ;
l’absence de cadre contractuel dans la mise en œuvre.
Procédures complexes d’établissement des documents d’urbanisme
Actuellement, la procédure d’établissement d’un document d’urbanisme est lente et complexe. Si on prend l’exemple d’un plan d’aménagement, la procédure se résume comme suit :
établissement des photos aériennes et restitutions ;
établissement des études locales et régionales ;
établissement de l’enquête ménage ;
établissement des études démographiques et socioéconomiques ;
établissement du plan d’occupation des sols ;
établissement du rapport de diagnostic ;
établissement des variantes d’aménagement à l’échelle 1/5000 ;
validation de la variante d’aménagement retenue ;
recueillir l’avis des services de l’agriculture et de l’équipement ;
établissement du projet de plan d’aménagement au 1/2000ème avec son règlement d’aménagement ;
tenue du comité technique local ;
correction du plan selon les remarques du Comité technique et local ;
envoi du projet de plan d’aménagement à l’enquête publique et délibération communale pour une durée de deux mois ;
tenue de la commission centrale d’arbitrage sur les remarques et observation des citoyens et élus locaux ;
correction du projet de Projet plan d’aménagement en selon le procès-verbal de la commission centrale ;
Envoi du Dossier complet au service central, plus précisément à la Direction de l’Urbanisme pour contrôle de conformité avec la loi et pour établissement du projet de décret à proposer pour signature par le chef du gouvernement.
Pour le cas des villes ou centres qui comptent à l’intérieur de son territoire un monument historique classé, le visa du Ministère de la Culture est obligatoire.
Selon cette description détaillée des phases d’établissement des documents d’urbanisme et principalement les projets de plans d’aménagement il parait clairement que la procédure actuelle d’établissement desdits document est lente et complexe cette hypothèse a été confirmé par un score sans appel de 66.3% de l’enquête opinion outil méthodologique d’analyse de la présente thèse.
Mise en œuvre des documents d’urbanisme
Les résultats de l’enquête d’opinion ont montré que plus de 67,3% des personnes enquêtées ont confirmé l’absence de stratégie de mise en œuvre des documents d’urbanisme. Une minorité des personnes enquêtées représentée (7.5%) considèrent que le système actuel de planification urbaine au Maroc dispose d’une stratégie de mise en œuvre des documents d’urbanisme alors que 25.2% des personnes enquêtées sont restées sans avis par rapport à cette question.
En effet, la stratégie de mise en œuvre des plans d’aménagement revient aux communes, acteur principal de proximité. Suivant le contenu de l’article 31 de la loi 12/90 relative à l’urbanisme « Les conseils communaux et, le cas échéant, le conseil de la communauté urbaine prennent toutes mesures nécessaires en concertation avec l’administration pour la réalisation et le respect des dispositions du plan d’aménagement ». l’absence d’une stratégie de mise en œuvre des plans d’aménagement est souvent évoquée car de nombreuses collectivités, privées de visions ou de moyens, attendent des incitations des opérateurs publics ou d’investisseurs privés pour enclencher des dynamiques positives d’urbanisation.
La dérogation, est-elle contrainte ou atout de l’urbanisme?
En réponse à cette question, et pour outrepasser les problèmes liés à la rigidité et la complexité des dispositions des documents d’urbanisme, le recours à l’approche dérogatoire a été souhaitable et demandé par plus de 64,5% des personnes enquêtées alors que 25,2% n’ont pas donné d’avis.
Pour ou contre la dérogation ? Pourcentage
Pour le recours à la dérogation 64,5
Contre le recours à la dérogation 10,2
Sans avis 25,3
Réponses des interviewés à propos de la dérogation. Source : enquête d’opinion 2012.
Le recours à la dérogation a donc été appuyé et justifié pour permettre la réalisation de grands projets structurants et lever les contraintes urbanistiques posées à certains projets d’investissement qui ne pouvaient voir le jour sans le recours à ce mécanisme à l’échelle locale. Cependant, il y a lieu de recadrer cet instrument en vue d’éviter certaines dérives constatées depuis sa mise en application en 2001, et notamment en 2003 dates de la première circulaire.
A ce titre, la circulaire de 2010 a permis de réorienter la dérogation en introduisant des critères d’éligibilité des projets et en mettant en place des garde-fous (pas de dérogation sur les terrains réservés aux équipements publics, aux espaces verts, sur les périmètres irrigués, les zones sensibles ou à risque…).
Les dérogations ont concerné la densification de certains secteurs, que ce soit par changement de zonage ou par l’augmentation des hauteurs, entrainant une augmentation du nombre des ménages résidant dans les nouveaux secteurs ouverts à l’urbanisation dans le cadre de cette procédure en l’absence d’une programmation de nouveaux équipements publics.
Typologie des dysfonctionnements urbains
Les dysfonctionnements urbains peuvent être regroupés en quatre catégories : spatiaux, économiques, sociaux et organisationnels (fig. 1).
Les dysfonctionnements spatiaux atteignent leur pic à Casablanca, avec 57%, suivie de Tanger, Agadir, Fès et Marrakech, où ils seraient responsable de près de la moitié du fait urbain. Dans, le reste des villes les valeurs oscillent entre 42.90% et 51,80%.
Les dysfonctionnements managériaux viennent en seconde position, puisqu’ils constituent environ le quart de la somme des dysfonctionnements étudiés. En effet dans toutes les villes objet de notre enquête, le manque ou la mauvaise gestion, retenti visiblement et avec force, notamment à Casablanca, Oujda et Marrakech. Paradoxalement Fès échappe relativement à cette situation car les dysfonctionnements managériaux ne sont exprimés que par 23,40% des personnes enquêtées.
Les dysfonctionnements sociaux et économiques occupent la troisième place. Ils sont équivalents dans la majorité des villes échantillons. Ils varient entre 11% et 12,70% pour Marrakech, Agadir, Rabat-Salé et Fès. Casablanca et Tanger semblent les moins concernées par ce dysfonctionnement avec respectivement 5% et 9,80% d’opinions. De ces résultats se dégage des enseignements suivants :
– les dysfonctionnements sociaux semblent liés aux dysfonctionnements économiques ;
– les dysfonctionnements spatiaux et socio-économiques sont l’émanation des dysfonctionnements managériaux.
Qu’ils soient d’impact direct ou indirect, ces quatre catégories de dysfonctionnements constituent les variables d’une même équation contribuant à la fabrication de l’espace urbain.
Ville Dysfonctionnements exprimés
Spatiaux Economiques Sociaux Managériaux Totaux
Fès 51,40% 12,20% 13,00% 40% 100,00%
Meknès 48,10% 12,70% 14,50% 70% 100,00%
Rabat-Salé 49,50% 11,80% 13,30% 25,40% 100,00%
Casablanca 57,00% 5,00% 10,50% 27,50% 100,00%
Marrakech 49,70% 11,00% 12,40% 26,90% 100,00%
Agadir 51,40% 11,60% 11,90% 25,10% 100,00%
Tanger 51,80% 9,80% 12,30% 26,10% 100,00%
Oujda 42,90% 15,50% 14,60% 27,00% 100,00%
Typologie des dysfonctionnements urbains exprimés par les enquêtés. Source : enquête d’opinion, 2012.
Dysfonctionnements urbains.
Dans notre édition de jeudi 18 juillet nous allons publier la 3e partie de cette étude consacrée aux «Dysfonctionnements spatiaux».
Dysfonctionnements spatiaux
Le principal dysfonctionnement spatial qui caractérise la macroforme de la majorité de nos villes est l’étalement urbain. Ce phénomène trouve ses origines dans l’intégration des douars périurbains, l’urbanisation des réserves foncières périurbaines dans le cadre des opérations étatiques ou privées, en plus de la prolifération des bidonvilles. L’étalement urbain peut émaner d’une décision administration d’extension des périmètres urbains des communes territoriales périurbaines aux grandes villes.
Étalement urbain
L’étalement urbain se définit comme l’action d’extension continue de la ville. Ce processus se fait sur les territoires des communes voisines. Il est aussi appelé périurbanisation.
Fès reste la ville marocaine la plus concernée par le phénomène d’étalement urbain après la grande métropole de Casablanca (tab. 10). En effet, l’étalement urbain totalise près du 1/5ème des causes directes de la problématique urbaine en question. En effet, au cours des cinq dernières décennies, la ville de Fès a par exemple, connu une urbanisation très forte, conséquence d’un exode rural massif résultant de la succession de cinq années de sécheresse au début des années quatre -vingt. Cette croissance urbaine a été à l’origine de l’étalement de la ville de Fès au nord, à l’est et à l’ouest de la Médina, donnant naissance à plusieurs quartiers d’habitat non réglementaire. Entre manque d’opportunités foncières réglementaires, intégration des quartiers d’habitat insalubres périurbains et dominance d’un mode d’habitat mono familial, l’étalement urbain dont souffre la capitale spirituelle se nourrit de ces facteurs précités à différents taux. Ce phénomène est également important dans les autres métropoles (tab. 10).
C’est un phénomène urbain dont la responsabilité revient en particulier à la politique d’intégration des quartiers d’habitat insalubres périurbains. Moins du quart des opinions sondées expliquent l’étalement des villes par les extensions non réglementaires fréquentes des périmètres urbains, avec 21,5%.
De ce fait, nous pouvons mesurer la prédominance des décisions politiques urbaines dans le phénomène d’étalement des villes. En effet, dans le cas de Fès par exemple, entre intégration des quartiers d’habitat insalubre périurbains et extensions fréquentes des périmètres urbains, la décision politique urbaine est responsable à elle seule à 46,5% du phénomène d’étalement urbain. Ces chiffres induisent des hypothèses diverses de scénarios à suivre pour neutraliser ces facteurs.
Nous avons, en effet, exploré ces hypothèses et sondé leur fiabilité auprès de professionnels et de citadins ordinaires et une majorité des opinions sondées sont pour la mise en place d’une stratégie globale intégrant les espaces urbains et ruraux, avec un taux de 40%. Les 60% d’opinions restantes optent, à parts égales pour trois hypothèses différentes, à savoir :
– engager des programmes de reconversion et de renouvellement urbains ;
– privilégier l’urbanisme vertical dans les grandes villes ;
– surtaxer les terrains non bâtis et les logements.
Le déficit en équipements
Parmi les conséquences immédiates de l’étalement urbain et de la politique des lotissements vient le manque d’équipements structurants des espaces urbains (Tab. 3). Il est à préciser que les normes de lotissements exigent uniquement des équipements de proximité comme les Hammams, Fours, espaces de jeux pour enfants, crèches et espaces verts. Le reste des équipements sont souvent programmés dans le plan d’aménagement. Depuis 2000 et avec la mise en place de la procédure dérogatoire, un nombre important de projets a été autorisé aux grandes villes, sans respecter les prévisions des documents d’urbanisme.
Dans le cas de Fès par exemple, l’étalement urbain engendre un déficit en équipement structurant de la ville et pour cause, l’incapacité des promoteurs privés à réaliser des réseaux de hors site avec près de 16% de la responsabilité dans le déficit d’équipement. Vient ensuite l’éclatement des opérations d’aménagements avec près du tiers de la responsabilité dans ce dysfonctionnement noté dans la ville de Fès. Cependant, la modicité des moyens financiers des collectivités locales détrône ces deux facteurs comme point décisif dans cette problématique comme évoqué par près de la moitié des opinions sondées.
Ces facteurs du déficit en équipements structurants pour la ville de Fès sont fonction de deux points qui ressortent dans le sondage d’opinion que nous avons effectué, aptes à renverser la courbe croissante de ce déficit.
En effet, la moitié des voix sondées suppose que le fait d’instituer une taxe sur les nouveaux terrains ayant bénéficié d’une plus-value urbanistique pourrait constituer une stratégie efficiente contre cette carence en équipements dans la ville marocaine. La deuxième moitié désigne l’accompagnement des nouveaux plans d’aménagement par des montages technico-financiers comme moyen de surmonter le déficit de la ville en équipements.
Ville | Déficit perçu en équipement |
Fès | 12,40% |
Sefrou | 16,50% |
Missour | 16,90% |
Moulay yacoub | 16,80% |
Meknès | 15,10% |
Rabat-Salé | 12,30% |
Casablanca | 8,00% |
Marrakech | 13,10% |
Agadir | 15,10% |
Tanger | 14,10% |
Déficit d’équipement dans les villes tel que perçu par les enquêtées (source: enquête d’opinion, 2012).
Il en ressort que le facteur financier reste déterminant dans la définition de ce déficit en équipements dont souffrent plusieurs quartiers des villes du Maroc.
Prolifération de l’habitat insalubre dans certaines villes
La croissance urbaine au Maroc a été marquée au cours des cinq dernières décennies par le changement des composantes urbaines de la ville, dont la plus spectaculaire et la plus mal maîtrisé, est l’habitat insalubre. Ce phénomène dynamique est la conséquence des interactions mutuelles de plusieurs facteurs dont essentiellement, l’exode rural, l’accroissement du déficit en logement, l’accroissement du taux de pauvreté dans les villes et l’insuffisance, voir l’absence, de maîtrise de l’urbanisation. Un nouveau type d’habitat insalubre est en train de naître, c’est celui des douars réglementaires mais sous équipés. Ils prolifèrent généralement sur les assiettes foncières collectives au niveau des communes territoriales périphériques des grandes villes comme Fès et Kenitra.
Les quartiers d’habitat insalubre regroupent quatre catégories qui sont les bidonvilles, l’habitat menaçant ruine, l’habitat non réglementaire et l’habitat rural périurbain. Cette diversité de tissus urbains et périurbains concerne la majorité des villes du Maroc. Bien que des programmes nationaux visent l’éradication de ces tissus de la macroforme des agglomérations urbaines nationales. Nous citons le programme national ville sans bidonvilles et le programme national de mise niveau urbain, sans oublier les conventions établies dans un cadre partenarial entre le Ministère de l’Habitat et la politique de la ville et le Ministère de l’intérieur, afin d’apporter un traitement adéquat aux constructions menaçant ruine.
La prolifération de l’habitat insalubre dans le cas de Fès constitue un facteur majeur du le phénomène de dysfonctionnement urbain dont souffre cette ville. Cette anomalie est le fruit de plusieurs artefacts combinés, pour la plupart d’origine socioéconomique. Nous en énumérons six, à titre indicatif et non exhaustif :
– l’exode rural qui rafle à lui seul près du tiers des facteurs contributifs à la prolifération de l’habitat insalubre.
– Le cumul du déficit en logement et l’inadéquation entre l’offre et la demande, que 20% des opinions sondées désignent des causes directes à la prolifération de cet habitat insalubre !
– L’attractivité du secteur informel ; troisième cause de prolifération de l’habitat insalubre aux yeux de plus de 17% des gens questionnés.
– La dégradation des tissus anciens principalement situés à la médina de la ville de Fès.
– Les subventions de l’Etat constituent un encouragement à la prolifération de nouveaux bidonvilles ; avis de plus de 12% des personnes sondées.
– Le faible revenu des ménages Fassis constitue une cause à la prolifération de l’habitat insalubre pour 6,3% des personnes questionnées.
L’enquête auprès des professionnels du secteur sur les propositions efficientes pour freiner la prolifération de l’habitat insalubre à Fès a révélé que plus du tiers des opinions considère que le fait d’accorder plus d’importance au développement rural, favorisera les conditions de vie des populations, et contribuera à la rétention des mouvances d’exode vers la ville. Alors que 20% des opinions tendent vers une stratégie de rattrapage du déficit existant en établissant des programmes sociaux adaptés à la population. La dédensification des tissus anciens de la ville ne compte pas pour peu dans les opinions collectées. En effet, cette stratégie constitue une hypothèse de résolution de l’habitat insalubre dans plus de 20% des opinions sondées.
De ces chiffres, nous concluons qu’il serait temps d’inclure le développement rural dans les stratégies de développement de la ville, car les deux parties ne peuvent que se compléter.
Urbanisation des zones à risques
L’urbanisation des zones à risques touche la majorité des secteurs non réglementaires dans de nombreuses villes. Pour le cas de la ville de Fès, les zones à risques sont les zones inondables de Zouagha, les lits majeurs des oueds, les zones présentant un risque d’effondrement comme les quartiers de la zone nord, le quartier Jnanate et celui de Zelilig par exemple.
Ce phénomène concerne la majorité des grandes villes marocaines et trouve son origine dans :
– la tentation de profiter d’une opportunité foncière à l’intérieur de la ville ;
– l’intégration des espaces à haut potentiel écologique infectés par la prolifération des quartiers d’habitat non réglementaires ;
– l’urbanisation de certains endroits par manque d’étude environnementale ou hydraulique appropriée, je citerais le cas de définition des lits majeurs des oueds traversant les espaces urbains et qui constituent des zones inondables à protéger.
L’ensemble des quatre dysfonctionnements constitue le principal défi à solutionner par les gestionnaires des villes.
Dysfonctionnements économiques
Le cas de Fès est ici révélateur, car avec la crise de l’industrie du textile à l’échelle mondiale, suite à la suprématie de l’industrie chinoise plusieurs usines ont fermé leurs portes et plusieurs quartiers industriels ont été affectés. Ce qui a entraîné une reconversion d’une économie industrielle vers une économie tertiaire causant ainsi l’augmentation du taux de chômage (Fig. 3). Cette crise économique s’est manifestée à Fès par la fermeture de plusieurs usines de textile comme ceux de COTEF, TEXNORD et MANIDRA.
La crise économique a été également perçue comme facteur, parfois comme résultante des dysfonctionnements urbains dans les autres villes comme le montre le tableau suivant.
Le dysfonctionnement économique ou fragilité de l’économie urbaine signifie l’incapacité de la ville de se prendre en charge elle-même. En effet, selon la charte d’Athènes de 1933, la ville n’est pas que lieu de résidence, de travail et de loisir, elle doit aussi appelée à garantir les infrastructures et moyens de transport et les besoins économiques des populations. Selon la version modifiée de cette charte en 2007, la ville doit être cohérente. Cette cohérence doit être spatiale, sociale, économique et environnementale. Pour ce qui est de la cohérence économique, la ville doit être compétitive et productive afin de devenir attractive.
Actuellement, le développement de nos villes est de plus en plus lié à l’économie, et ce afin d’assurer un équilibre entre le développement spatial et économique, du fait que la croissance urbaine exige la prise en charge de la population résidente en terme d’emploi, d’équipements, services et loisirs. L’économie est le levier de tout développement, encore plus s’il s’agit du développement urbain. En effet, le facteur économique peut s’avérer crucial dans le devenir d’une ville.
Nous avons relevé que les villes marocaines semblent toutes souffrir d’une fragilité économique urbaine notable dont nous avons tenté de sonder les causes à travers une enquête d’opinions.
Il en ressort 7 causes principales, selon les opinions sondées, de ratios différents. En effet, là où le manque d’infrastructures de communication et l’éloignement des principaux ports ressortent dans plus du quart des avis sondés, nous relevons environ 20% des voix qui désignent le manque de foncier aménagé mis à la disposition des investisseurs potentiels, comme principale cause de la fragilité de l’économie urbaine.
Nous observons aussi que la lourdeur et complexité des procédures d’investissement sont pour beaucoup dans ces dysfonctionnements. En effet, plus de 16% des gens questionnés ont montré du doigt la défaillance administrative des procédures d’investissement. Sans parler du désengagement des banques qui, lui, rafle plus de 12% des voix.
Mais deux autres facteurs se partagent les 15% restantes des opinions sondées à savoir la concurrence déloyale du secteur informel et le manque de visibilité sur le foncier mobilisable. Aussi, observons-nous la diversité des facteurs actifs dans la fragilité de l’économie urbaine. Relevant des différentes responsabilités tant gestionnaires que fiscales.
La fragilité de l’économie urbaine nous semble être le facteur le plus complexe de par la diversité de ses causes. Mais cela ne nous empêche pas d’explorer les hypothèses de gestion de ce dysfonctionnement.
Près de la moitié des opinions désigne la mobilisation et subvention du foncier aménagé comme la voie de salut vers la résolution de la fragilité de l’économie urbaine. Quand plus du quart opte pour une gestion plus simplifiée et plus fluide des procédures d’investissement.
Le reste des opinions, quant à lui, invite les banques à se montrer plus entreprenantes en matière de financement des nouveaux projets.
Il s’agit là de 3 hypothèses qui nous semble les plus efficientes dans la résolution du dysfonctionnement de l’économie urbaine dans de nombreuses villes.
Dans notre édition de demain, nous publierons la quatrième et dernière de cette étude. Cette dernière partie traite des dysfonctionnements sociaux.
Dysfonctionnements sociaux
Les dysfonctionnements sociaux constituent le résultat immédiat et logique de dysfonctionnements économiques. En effet, une ville défaillante économiquement est identifiée par la faiblesse de son tissu économique (production et services).
Ce manque de productivité entraîne l’aggravation du taux de chômage et ce dernier entraîne la détérioration des conditions de vie de la population résidente. Ce qui entraînera avec la conjugaison du facteur temps, l’éclatement d’une crise sociale due à l’aggravation du taux de pauvreté au sein de la population résidente.
Cette crise se manifeste par des mouvements de masse de grèves, du développement du sentiment d’insécurité et sur le plan spatial, la crise sociale peut éventuellement être à l’origine de l’augmentation de la part des tissus d’habitat insalubres dans les villes fragiles économiquement.
Ville | problème de sécurité | augmentation du taux de pauvreté | dysfonctionnements sociaux |
Fès | 7,00% | 6,00% | 13,00% |
Meknès | 5,60% | 8,90% | 14,50% |
Rabat-Salé | 8,00% | 5,30% | 13,30% |
Casablanca | 6,00% | 4,50% | 10,50% |
Marrakech | 6,00% | 6,40% | 12,40% |
Agadir | 4,40% | 7,50% | 11,90% |
Tanger | 5,80% | 6,50% | 12,30% |
Percpetions de la réparation des dysfonctionnements sociaux par les acteurs de la ville. Source : enquête d’opinion effectuée en 2012.
Dysfonctionnements managériaux
Les dysfonctionnements managériaux regroupent l’ensemble des dysfonctionnements qui ont un lien avec la gouvernance. Il s’agit des dysfonctionnements liés à la gestion communale, à la gestion des services d’assainissement, les transports et l’inefficacité des instruments de planification urbaine.
Ville | Crise de gouvernance | Inefficacité des
Instruments de planification urbaine |
Problème de mobilité et de transport |
Fès | 4,90% | 9,50% | 9,00% |
Meknès | 7,80% | 9,30% | 7,60% |
Rabat-Salé | 5,50% | 9,90% | 10,00% |
Casablanca | 7,50% | 9,00% | 11,00% |
Marrakech | 5,60% | 12,10% | 9,20% |
Agadir | 6,40% | 10,10% | 8,60% |
Tanger | 5,50% | 12,50% | 8,10% |
Perception des dysfonctionnements managériaux par ville enquêtée. Source : enquête d’opinion effectuée en 2012.
Crise de gouvernance
La gouvernance urbaine est l’action de gérer la ville. La bonne gouvernance est la capacité et l’aptitude des collectivités et autorités locales à assurer l’équilibre et l’harmonie entre le développement spatial, économique, social et organisationnel de la ville. On parle de crise de gouvernance quand on constate un déséquilibre entre les différentes composantes précitées.
Actuellement, la majorité des villes marocaines sont marquées par une crise généralisée de gouvernance. Cette dernière se manifeste comme suit :
- incapacité des autorités et collectivités locales à assurer les conditions de vie descentes à la population résident
- Problèmes de démocratisation de l’accès au logement salubre à l’ensemble de la population ;
- Accès aux équipements et services publics ;
- Infrastructures et moyens permettant d’assurer les déplacements de masse entre les lieux de travail, de résidence, et d’équipements de loisirs et serv
L’inefficacité des instruments de planification urbaine
L’inefficacité des instruments de planification urbaine n’est que la résultante de l’incapacité du système global de planification urbaine au Maroc à orienter le développement urbain de nos villes. Elle peut être expliquée par plusieurs facteurs comme la législation d’urbanisme, l’approche conceptuelle adoptée au niveau des documents d’urbanisme, la multiplicité des intervenants et le flou dans les attributions, la lourdeur et complexité des procédures, l’absence d’une stratégie globale de mise en œuvre garantissant la maîtrise de volets fonciers et financiers qui constituent le véritable garant de concrétisation des options majeures des documents d’urbanisme.
Les problèmes de mobilité et de transport
Le volet de transport constitue le quatrième Principe de la charte d’Athènes. Ce dysfonctionnement concerne la majorité des grandes villes marocaines du fait que ces dernières souffrent de l’étalement urbain, du déficit en équipements et de la prolifération de l’habitat insalubre caractérisée par la forte densité d’occupation. Le regroupement de l’ensemble de ces dysfonctionnements exige la mise en place d’un système de transport de masse ; or ce système n’est disponible qu’au niveau des villes de Casablanca et Rabat (Fig. 3)
Conclusion
Ce travail a dégagé la relation existante entre le dysfonctionnement du système de planification urbaine et le dysfonctionnement urbain. Cependant, la relation d’ordre global entre ces deux faits, occulte en réalité d’autres relations particulières à chaque cas étudié.
Pour ce qui est des dysfonctionnements que nous pouvons considérer extrinsèques, nous faisons allusions aux défaillances de la législation d’urbanisme, la lenteur et la complexité des procédures d’établissement des documents d’urbanisme et de l’absence de mécanismes de mise en œuvre des options majeurs des documents. Les causes de la défaillance du système actuel de planification urbaine est essentiellement due à :
– l’incapacité de la législation actuelle d’urbanisme à encadrer la croissance urbaine des villes ;
– le chevauchement des attributions de plusieurs institutions chargées de l’urbanisme rend difficile la gouvernance de la ville ;
– la rigide et la complexité conceptuelle des documents d’urbanisme et la lenteur des procédures d’établissement de concertation et d’homologation des documents d’urbanisme ;
– l’absence de stratégie de mise en œuvre des documents d’urbanisme ;
– le recours à la dérogation est devenu par conséquent la règle et non l’exception.
Les résultats de l’enquête d’opinion réalisée, ont dégagé plusieurs dysfonctionnements classés selon des paramètres d’ordre spatial, économique, social, et managérial. La nature spatiale des dysfonctionnements domine de loin et équivaut au reste des autres facettes du dysfonctionnement.
Il existe des relations de cause à effet entre des différentes catégories et types de dysfonctionnements. En effet, les déficiences économiques engendrent des déficiences sociales et les insuffisances managériales sont tributaires de la carence du système de gouvernance local.
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Rais Hamid