Gestion des marchés de gros et contrôle des pesticides
On ne sait plus qui fait quoi dans certains secteurs jugés sensibles et importants pour la sécurité sanitaire des produits alimentaires et agroalimentaires. Les rapports se succèdent et les recommandations aussi, mais le constat reste malheureusement déplorable et suscite beaucoup d’inquiétudes.
La gestion des marchés de gros des fruits et légumes au Maroc pose un sérieux problème. La multiplicité des intervenants handicape sévèrement la modernisation de ces marchés et laisse grande la place à l’anarchie et au désordre. L’Office national de la sécurité de produits alimentaire (ONSSA), contrairement à ce qu’on croyait, n’a pas les prérogatives nécessaires pour agir et éviter les non conformités multiples dans ces marchés.
Les plans de surveillance mis en place par l’office ont montré leurs limites. La gestion des abattoirs aussi n’est pas du ressort de cette instance soumise à la tutelle du ministère de l’agriculture. Leur gestion relève des communes, d’où la nécessité de mettre à niveau des modes de gestion des marchés de gros et des abattoirs. Ces défaillances renvoient directement à l’utilisation massive et non contrôlée des pesticides et produits phytosanitaires qui nuisent gravement à la santé de l’Homme.
Le dernier rapport de la Cour des Comptes a tout simplement dévoilé l’absence de contrôle des résidus de pesticides contenus dans les fruits et légumes commercialisés sur le marché local. Le respect des conditions appropriées pour éviter l’effet nocif sur la santé humaine n’est pas à jour. La traçabilité est absente, notamment pour la partie avale. La partie amont reste plus ou moins contrôlée par les équipes de l’ONSSA, notamment en ce qui concerne l’homologation et le contrôle des importations des pesticides ou même des sociétés qui les fabriquent.
Le contrôle des résidus des produits agricoles est trop faible pour ne pas dire inexistant. Dans une déclaration sur une radio de la place, le DG de l’ONSSA explique que les plans de surveillance des marchés de gros ont montré leurs limites pour assurer un meilleur suivi des normes de conformité par rapport aux standards internationaux en termes de contenance de résidus. D’ailleurs, même au niveau des 8 abattoirs agréés dont la gestion relève, rappelle-t-on, des communes, la conformité par rapport aux normes ne dépasse pas les 1%.
Néanmoins, le responsable de l’office se veut rassurant et précise que depuis la mise en place de la nouvelle approche de lutte contre la non-conformité du taux des résidus dans les produits alimentaires qui consiste à aller contrôler directement les exploitations agricoles, le taux de conformité notamment de la menthe est actuellement assuré à hauteur de 50%. Plus de 40 champs ont été contrôlés depuis l’annonce des résultats des analyses sur la contenance des résidus de pesticides dans la culture de la menthe. Cette approche sera généralisée pour englober d’autres cultures.
Il faut rappeler que le rapport de la Cour des Comptes a précisé que «le non-respect de la durée qui doit être comprise entre le traitement chimique et la récolte des produits (fruits et légumes par les producteurs, peut engendrer l’existence au niveau des fruits et légumes d’un taux élevé de résidus de pesticides, qui risque de causer de graves problèmes à la santé humaine et nuire à l’environnement».
La situation est d’autant plus préoccupante vu le risque important que comporte la manipulation directe des pesticides et les pratiques frauduleuses susceptibles de s’opérer, à savoir la modification de la composition du pesticide par l’ajout d’autres produits, le reconditionnement de produits périmés (en manipulant la date de péremption sur le nouvel emballage),… la santé du consommateur se voit exposée à des dangers réels, face à l’absence de contrôle de l’ONSSA sur l’utilisation des pesticides et au non-respect des producteurs de l’obligation de tenir des registres de gestion des produits végétaux primaires (registres phytosanitaires), s’alarme la Cour des Comptes!
Fairouz El Mouden