Mohamed Khalil
La «nouvelle», cruelle, est tombée ce mercredi matin. L’un des nôtres vient de tirer sa révérence. Notre ami et camarade Lotfi Akalay s’est éteint, hier à son Tanger natal, à l’âge de 76 ans.
Journaliste et chroniqueur de talent, devenu l’un des grands écrivains du Maroc, le défunt a marqué la scène intellectuelle, culturelle et humoristique du Maroc, depuis la dernière décennie du siècle passé.
Après des études de sciences politiques à Paris, il nouera, un peu sur le tard, avec le journalisme, en tant que chroniqueur politique et humoristique.
Au sein de la rédaction d’Al Bayane à laquelle il rendait régulièrement visite pour remettre ses écrits, il fera rire et savourer toute une génération d’intellectuels, de militants de tous bords et de lecteurs qui appréciaient sa façon d’aborder, souvent avec ironie et simplicité, les grands thèmes d’actualité et les événements nationaux et internationaux. Il faisait dérider toute la classe politique et toutes les modestes gens, en quête de détente et de rire. Il se moquait de la vie, comme de lui-même, et de ceux qui décidaient… fussent-ils si puissants.
Durant presque cinq années, et jusqu’en 1994, il fera preuve de fidélité avec ses chroniques humoristiques et néanmoins engagées pour Al Bayane.
Sous son pseudonyme, «Pirouettes cacahuètes», le dféfunt a marqué les esprits de sa génération et celle qui a suivi. Sa satire n’avait pas d’égale à cette époque. Elle a touché des pans entiers de la sphère politique, syndicale et intellectuelle, qui a découvert en lui un intellectuel qui dérange par ses mots incisifs et moqueurs.
Il collaborera, ensuite, à d’autres journaux et magazines dont notamment La Vie Economique et Femmes du Maroc.
Sa plume sera toujours liée à son Tanger natal que Lotfi adulait, adorait… au même titre que ce Maroc qu’il n’a cessé de soutenir et de critiquer, toujours avec l’humour qui lui était spécifique.
Depuis «Les Nuits d’Azed», et «Ibn Battouta», «Les Chaises de Tanger» ont fusé…
Moulay Ismaïl Alaoui se souvient de ce «roi de l’humour caustique», de cet «homme affable et d’une grande gentillesse, à l’humour incroyable» que la longue maladie n’a pu en séparer. «Il aurait pu nous faire un billet sur la cruelle maladie…».
Le président du Conseil de la présidence du Parti du progrès et du socialisme se remémore de «ce grand homme toujours avec le sourire qu’il portait de manière extraordinaire», au point que les mots manquent pour dire qu’«il a marqué la vie culturelle de Tanger et du Maroc, par ses œuvres, par son humour indescriptible». «Le roman est en deuil ». Et de poursuivre : «c’est une perte cruelle de l’humour, chienne de vie…!».
Pour sa part, Ghizlaine Maamouri, membre du Bureau politique du PPS, estime que «Tanger a perdu en lui un grand homme de proximité qui écrivait malgré la maladie. Le défunt nouait un grand amour à la ville et aux gens et était un grand intellectuel courageux et de grande humilité qui observait les gens, un éternel optimiste et un grand militant à la belle plume».
Son frère Ismaïl, lui, jette un regard attendrissant sur celui qui aimait se présenter comme «un renégat du PPS auquel il restera toujours fidèle jusqu’à la mort». Il déplore la mort d’ «un homme de grande culture, qui aimait la musique, le jazz et la musique classique, un homme au parler-franc mais viscéralement patriote». Le défunt était aussi connu pour « son amour organique de Tanger, et son courage politique qui l’avait poussé à rayer un certain nombre de politiques puissants».
Au fait, «un homme à l’humour permanent. Je perds plus qu’un frère….», conclut Ismaïl Akalay, très ému.
Lotfi était dans un perpétuel voyage. Il avait créé, son agence de voyages Calypso dont il était le directeur général. Sa vie n’aura été que des voyages.
Adieu Lotfi, repose en paix!