Il n’y a pas mieux que l’art et le cinéma pour faire entendre la voix des marginaux, de celles qui vivent dans l’ombre, loin des lumières et des projecteurs. En effet, Nadir Bouhmouch, jeune réalisateur marocain, est allé à la rencontre des femmes et des hommes d’Imider, dans le Sud-est marocain.
Dans son film, «Amussu» (Mouvement) qui a été présenté, mercredi 4 mars, au 21e festival national du cinéma dans le cadre de la compétition du documentaire, le réalisateur a donné la parole aux femmes pour s’exprimer, pour parler de leurs attentes, besoins et déboires.
Pour ce faire, c’est par le bais de la poésie et du chant que ces femmes extériorisent ce qu’elles pensent et ressentent. Pour Nadir Bouhmouch, la poésie est très importante parce qu’elle est non seulement la narratrice de son film, mais elle est porteuse d’un message, d’une identité et d’une essence humaines.
«Dans ce documentaire, la poésie amazighe était très intéressante pour moi. En effet, j’ai passé beaucoup de temps dans les recherches mais aussi à creuser dans les textes poétiques amazighs parce que j’étais dans la quête d’un langage cinématographique issu de cette terre et histoire où nous vivons. La poésie amazighe est l’une des sources inépuisables de l’inspiration. A vrai dire, l’histoire orale du Maroc était notre cinéma dans les années passées. Pour moi, au lieu d’exporter d’autres cinémas ou idées d’ailleurs, il faudrait, en revanche, chercher ce qui existe déjà chez nous pour construire notre cinéma, avec notre propre touche et vision du monde», a-t-il expliqué dans une rencontre avec l’actu24 en marge de la projection du film.
Par ailleurs, le documentaire démarre par une scène de deux fillettes qui sont en train d’apprendre les langues : l’anglais, l’arabe et le français. Une manière pour dire que la scolarisation des filles est une issue pour s’en sortir de la précarité et de l’analphabétisme. Par la suite, le réalisateur nous prolonge, à travers sa caméra, dans le quotidien des femmes d’Imider et surtout dans leurs luttes menées au quotidien pour l’eau et pour assurer une vie digne.
Toutefois, la difficulté de la vie n’a pas empêché le réalisateur de filmer la beauté des visages et des paysages de la région.
«C’est un choix esthétique mais aussi «politique» ! Quand un film parle des mouvements de protestations, on filme souvent cet aspect très brut. Mais il faut en contrepartie porter un regard poétique sur la vie, sur l’amour de la vie et sur le beau aussi. C’est pour cela, dans le film, on voit aussi la beauté de la vie, des champs, de l’humain et de la nature…», a-t-il fait savoir.
Pour lui toujours, il est important de comprendre les revendications et les droits défendus par la population par le bais de l’image, de la poésie que le message puisse passer d’une manière très fine et fluide.
Ainsi, ce documentaire est un produit collectif et coopératif qui a été réalisé sans scénario, mais qui a été travaillé collectivement avec la population d’Imider. Une expérience unique en son genre!
«C’est vrai que c’est un peu dur de réaliser un tel travail, mais possible ! Il ne faut pas seulement sous-estimer nos gens parce qu’ils sont intelligents et ils quelque chose à dire, à nous dire. Nous sommes capables de faire de belles choses avec nos propres moyens! Et d’ajouter, le développement vient du bat vers le haut. Et la démocratie quant à elle doit être participative pour le bien de tout le monde», conclut-il.
Mohamed Nait Youssef