par Mustapha LABRAIMI
Après un arrêt presque total des activités, suite à l’épidémie, et les difficultés qui en découlent ; après que de nombreux «gênes» soient apparues dans la société laissant voir l’étendue de la précarité et de la pauvreté ; au moment où la sortie du tunnel de la crise multiforme est envisageable, le politique ne semble pas «avoir la main».
La politique, sous tous ses aspects, est déconsidérée. L’incompréhension est presque totale entre une partie de la population et la grande majorité des acteurs politiques. Une seule exception qui confirme la réalité, celle de l’institution monarchique qui tient la barre en haut dans un champ politique de plus en plus appauvri.
Chez certains esprits, le politique est mal aimé et le reste ; malgré des efforts avérés et remarqués pour dissiper ce qui semble être plus qu’un malentendu. Paradoxalement, en innovant dans sa communication et en actant ses propositions, le politique apparaît comme un poisson en dehors de l’eau. De l’agitation qui n’arrive pas à le sauver de l’asphyxie. Tout est de sa faute et ses agissements sont calculs et opportunisme. Ce qui donne aux moins hardis des politiques une raison pour se taire et se «terrer» dans l’attentisme.
Ce constat n’est pas un indicateur de performance de notre société ni un indice de bonne santé du processus démocratique. Il révèle une mauvaise appréciation de la situation générale de notre société et une certaine démotivation pour améliorer son évolution et sa transformation vers le mieux.
De prime abord, et sans nier ni minimiser les efforts des intellectuels engagés et patriotes dans l’évolution sociopolitique nationale, il est évident que leur adhésion à l’action politique organisée et partisane est moins apparente à l’heure actuelle pour le moins que l’on puisse dire. C’est là aussi une victoire de l’apolitisme qui, avec l’abstention, mine la consolidation du processus démocratique.
L’incapacité de formuler des propositions adaptées pour le changement et la sortie de crise rend rigides les plus âgés, parmi la population, et les immobilise sur une action politique tribunitienne et revendicative. Le fixisme politique est érigé en principe. Les déficiences dues aux inégalités sociales et les disparités spatiales qui s’exacerbent chaque jour davantage par les pratiques néolibérales, les dysfonctionnements dans la gouvernance et la faiblesse du corps social à réagir, particulièrement lors des opérations électorales, constituent la source de l’argumentaire de ces «refuzniks» de toute autre solution que celles préconisées dans un contexte où la confrontation prédominait sur la recherche du consensus.
Le regard maintenu sur le rétroviseur par nostalgie et l’apologie de l’engagement volontaire et désintéressé pour la bonne cause, maintiennent ces forces vives dans la formulation sans aller plus loin dans la mobilisation, l’organisation et l’ouverture sur « le sang nouveau ». Généralement, leur conviction, forgée dans le cadre d’une hiérarchie centralisée, inhibe l’initiative, la spontanéité et la reconnaissance de l’autre. Il faut faire «ses preuves» dans l’abnégation et le dévouement pour mériter une ascension organisationnelle et la confiance de ses pairs. Pour ces caciques, les inimitiés établies sont dures à dépasser même si de bons rapports sont affichés. Ces hiérarques constituent les dignitaires qui n’hésitent pas à se transformer en gardiens du temple devant les assauts des rénovateurs.
La rénovation au sein du champ politique national dans son ensemble n’a jamais été simple. Elle est généralement préparée avec une attention particulière car son échec conduit à des scissions, toujours malheureuses. L’éparpillement des forces politiques est toujours un handicap pour mener à bien les tâches qui incombent dans une étape historique déterminée. Les exemples sont encore vivants dans la conscience des acteurs politiques et leurs conséquences induisent des démarches qui ne peuvent être comprises que par celles et ceux qui en connaissent les soubassements.
Des malentendus historiques, une alternance retardée, des démissions pour manifester un désaccord sans l’exprimer publiquement, l’organisation de tendances « pour rester dans la voie » des premiers leaders, un exode en réponse à «vaste est la terre d’Allah», un exil volontaire, un retrait des affaires voire un ostracisme, un rejet ou un retournement de veste…
Dans ce cadre, les jeunes comptent sur la redistribution des fonctions politiques pour s’imposer. C’est ce qui apparaît le plus lors de la tenue des congrès statutaires qui se trouvent marqués par des «excès», dans la durée et dans le nombre, lors de la composition des instances dirigeantes. La ligne politique est en général adoubée sans trop de difficultés.
Depuis quelques années déjà, l’accès à la gestion des affaires publiques a permis aussi le recrutement de représentants de la population au sein des diverses institutions de la gouvernance. L’amélioration des services administratifs, la réponse à certaines attentes de la population et l’intermédiation auprès des différents corps de l’administration devenaient des critères incontournables pour le renforcement de l’organisation partisane. La politique se «professionnalisait» en quelque sorte et le «sang nouveau» n’était pas toujours en conformité politique et comportementale avec l’étiquette d’appellation d’origine.
Cette pression électoraliste nécessaire pour agir concrètement dans le sens de l’histoire faisait avaler des couleuvres traitresses par le nombre de voix acquis. La place des idées devenait restreinte par rapport à celle prise par la réalisation des résultats électoraux corollaires au déroulement du processus démocratique et le fonctionnement des institutions. C‘est là aussi un obstacle au recrutement de jeunes partisans dont le seul apport seraient leur enthousiasme et «l’eau tiède» déjà découverte. Incapables de percer la carapace de l’organisation partisane, ils se trouvent dans le «vinaigre» de l’apolitisme avec toutes ses dérives.
Faut-il rappeler qu’il a fallu des années de lutte pour que la constitution reconnaisse dans ses dispositions le rôle des partis politiques dans la gestion des affaires publiques et dans l’exercice du pouvoir. Cette avancée ne peut se faire occulter par la critique, à tort ou à raison, d’une expérience dans la transition démocratique. Ne laissons pas les «Sans Appartenance Politique» ravir le terrain qui leur a été repris par le combat démocratique.