Nabil El Bousaadi
Depuis la réélection contestée, le 9 Août dernier, d’Alexandre Loukachenko pour un sixième mandat à la tête de la Biélorussie, la contestation populaire n’a pas faibli, des dizaines d’opposants ont disparu et des milliers d’autres ont été arrêtés voire même, dans de nombreux cas, violemment torturés.
Mais si tout cela semble quelque peu normal dans cette ancienne république soviétique dirigée d’une main de fer par Alexandre Loukachenko depuis le démantèlement de l’ex-URSS, ce qui l’est moins, en revanche, c’est que pour faire taire les principales figures de l’opposition, le pouvoir use d’une tactique très particulière qui est «l’exil».
La première à en payer les frais, dès le lendemain du scrutin, en ayant été emmenée de force jusqu’à la frontière lituanienne, fut la candidate de l’opposition, Svetlana Tikhanovsaïa, cette jeune professeure d’anglais de 37 ans qui, lors de sa campagne électorale, était parvenue à mobiliser les foules et à s’ériger en grande rivale.
Mais, après que la principale opposante au pouvoir de Loukachenko fut écartée, ce fut au tour de Maria Kolesnikova, la directrice de campagne de Viktor Babariko, de disparaitre «sans laisser d’adresse». Pour rappel, Viktor Babariko, banquier et ancien dirigeant de la filiale biélorusse de «Gazprombank», avait été le premier recalé de la course à la présidentielle biélorusse après avoir été arrêté, le 18 juin dernier, pour «blanchiment d’argent» et «participation à un groupe délinquant» – donc sur la base de très forts soupçons de financement illégal de sa campagne – et ce, au moment même où il s’apprêtait à déposer sa candidature.
Partis à la recherche de Maria Kolesnikova, Anton Rodenkov et Ivan Kravtsov, deux autres membres du Conseil de coordination de l’opposition, se sont également volatilisés avant que l’on apprenne, par certains témoignages, que lundi, en plein jour et en plein centre de Minsk la directrice de campagne de Viktor Babariko a été forcée à monter dans une camionnette. Mardi matin, le scénario de la «disparition» de ces trois personnes s’étant précisé, des témoins ont pu confirmer que, la nuit précédente, elles avaient toutes été conduites en voiture jusqu’à la frontière ukrainienne où elles furent déposées vers 4 heures du matin.
On apprendra le lendemain que si Anton Rodenkov et Ivan Kravtsov ont pu franchir la frontière ukrainienne, ce ne fut pas le cas pour Maria Kolesnikova qui, après avoir déchiré son passeport et refusé de quitter son pays, a été arrêtée par les autorités biélorusses; ce qui a été confirmé par Anton Gerashchenko, le vice-ministre ukrainien de l’intérieur, lorsqu’il écrira, sur sa page facebook, qu’«ils n’ont pas pu expulser Maria Kolesnikova de Biélorussie car cette femme courageuse les en a empêchés par son action».
Enfin, bien qu’il ait dirigé le pays pendant plus d’un quart de siècle et atteint l’âge de la retraite en soufflant ses 66 bougies, Alexandre Loukachenko ne semble pas prêt à se dessaisir du pouvoir, de son vivant, mais entendrait plutôt rester seul maître à bord et museler toute velléité d’opposition. Y parviendra-t-il alors que la révolte populaire gronde de plus en plus fort et que la communauté internationale lui prête une oreille attentive ? Attendons, pour voir…