Après l’éviction, le 18 Août dernier, du président malien Ibrahim Boubakar Keita, par une junte militaire, du fait de son incapacité à sortir le pays du «bourbier» où il était plongé mais, également, à cause des multiples scandales de corruption qui entachent sa gestion et qui ont trait, notamment, au train de vie ostentatoire de l’élite dirigeante, les putschistes s’étaient engagés à remettre le pouvoir, à des dirigeants civils élus, au terme d’une période de transition d’une durée maximale de 18 mois.
Ayant mal accueilli ce coup d’Etat bien qu’il ait eu lieu sans effusion de sang, la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), craignant une emprise durable des militaires sur le processus avait décidé d’appliquer un embargo sur les flux commerciaux et financiers avec le Mali et subordonné leur levée à la nomination d’un Premier ministre civil.
Elle avait, également, exigé que le vice-président, chargé des questions de défense et de sécurité, ne puisse, en aucun cas, remplacer le président, la dissolution de la junte et la libération des personnalités arrêtés depuis le 18 Août dont l’ancien Premier ministre Boubou Cissé.
Aussi, en faisant suite à l’investiture vendredi dernier, de Bah Ndaw, un colonel à la retraite et ancien ministre de la défense, en tant que président de «transition» et du chef des putschistes, le colonel Assimi Goïta, au poste de vice-président de transition, ce fut au tour de Moctar Ouane de se voir confier, à compter de ce dimanche, la fonction de Premier ministre.
Lors de sa prestation de serment devant la Cour Suprême, le président de transition a assuré la CEDEAO de «la détermination des maliens à conduire une transition stable, apaisée et réussie dans les conditions et les délais convenus». Il ajoutera que la Charte de la Transition – ce document élaboré lors des trois journées de concertation nationale qui s’étaient tenues entre le 9 et le 12 septembre dernier – sera son «bréviaire» même si son contenu n’a toujours pas été divulgué.
A l’issue de la cérémonie d’investiture du président de transition et de son vice-président, Wafi Ougadeye Cissé, le président de la Cour Suprême, leur rappellera qu’ils prennent « les rênes du pays à un des moments cruciaux de son histoire », que leur «tâche sera ardue car les attentes du peuple sont immenses et toutes plus urgentes les unes que les autres» et, enfin, que «le peuple a soif de paix, de sécurité, de stabilité, d’unité nationale, de concorde, de cohésin sociale et de justice».
Mais qui est donc le nouveau Premier ministre du Mali?
Diplomate de carrière, âgé de 64 ans, Moctar Ouane, qui a été «nommé Premier ministre» selon le bref communiqué lu, ce dimanche après-midi, lors d’un flash spécial de la télévision publique ORTM par Sékou Traoré, le Secrétaire adjoint de la présidence, n’est pas un novice dans la conduite des affaires de l’Etat puisqu’il avait déjà conseiller diplomatique de l’ancien président Moussa Traoré entre 1990 et 1991, puis ambassadeur du Mali auprès des Nations-Unies de 1995 à 2002, avant d’accéder au rang de ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale dans les gouvernements d’Ousmane Issoufi Maïga et Modibo Sidibé, entre 2004 et 2011, sous la présidence d’Amadou Toumani Touré, le prédécesseur d’Ibrahim Boubacar Keita.
Conseiller diplomatique auprès de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), Moctar Ouane exerce, depuis 2016, la fonction de délégué général à la paix et à la sécurité auprès de ladite Commission.
Enfin, à la lecture de sa carte de visite, le journaliste et analyste politique Alexi Kalambri dira de lui qu’il est «l’homme de la situation», un diplomate apte à jouer le parfait équilibriste et à diriger un gouvernement comprenant «un Président plus ou moins militaire et un vice-président militaire».
Avec la nomination de Moctar Ouane à la Primature, la junte militaire aurait-elle misé sur le bon cheval, sur celui qui va mener le Mali à bon port ? Au vu de son expérience, rien ne permet d’en douter mais attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi