Note de lecture
Par Abdelmajid Baroudi
Compte tenu des avertissements émis par certains critiques, en vue d’une lecture distanciée et à fin de ne pas tomber dans des réductions qui pourraient nuire au sens que l’auteur assigne à son identité, il m’a fallu suivre le cheminement de sa pensée jusqu’au bout. J’avoue que ma tentative d’affronter les thèses qu’Alain Finkielkraut a développées dans son livre n’était pas facile.
Fallait-il capitaliser sur ce que j’ai retenu des débats que j’ai suivis et des entrevues que j’ai lues pour s’en servir comme guide dans ma lecture?
A dire vrai, en lisant l’identité malheureuse, je me suis retrouvé au cœur d’un «combat herméneutique», si j’ose dire. Plus je progresse dans la lecture, plus ma déception grandit. Car l’auteur m’oblige de reporter mes conclusions en s’alignant sur des juxtapositions.
A force d’accumuler les citations, l’auteur me prive d’élucider son positionnement, à tel point qu’il m’est difficile de dégager les points de divergence et de convergence par rapport à ses références. Ai-je affaire à Alain Finkielkraut ou à ses complices ? D’où la difficulté de retrouver une visibilité au détriment d’une représentation que je me suite faite suite aux débats auxquels j’ai assistés autour du livre en question.
Ce n’est qu’au vertige de la désidentification et la leçon de Claude Lévi-Strauss que je me suis senti libéré du dilemme que j’ai subi tout au long des chapitres précédents que j’ai difficilement digérés. C’est à moi maintenant de choisir l’angle d’attaque qui me permet de produire une modeste méta-lecture à l’aide d’une confrontation d’idées entre l’auteur et ses détracteurs avertis.
«L’universel est un leurre et l’abstraction rationnelle, une dangereuse ivresse de l’esprit».(2) Alain Finkielkraut fait sortir cette conclusion pour renforcer la divisibilité géographique de l’Humain. Si l’auteur accuse l’universel d’ivresse de l’esprit et du rationnel c’est qu’il élimine la portée éthique de son domaine de spéculation, selon laquelle l’universel est perçu comme un bien commun, un intérêt général (3), lequel doit être nourri par une bonne volonté qui permet à l’Homme de s’arracher à la nature en faveur du désintéressement. C’est-à-dire le règne des fins. Lorsque l’enjeu majeur est la liberté, s’agit-il d’une ivresse de l’esprit ?
Il faut signaler de prime abord que le concept de liberté n’illumine point l’identité malheureuse pour une simple raison, c’est qu’il représente un principe fondamental des Droits de l’Homme qu’Alain Finkielkraut récuse. Si non, comment comprendre son refus de la mobilité, de la libre circulation et des personnes? Une fois la liberté est guidée par la bonne volonté, la dignité d’autrui sera préservée. Dans ce cas, contrairement à ce qu’avance l’auteur, le monde Humain, n’a pas besoin de frontières (4). Qu’on le veuille ou non, les propos qui alimentent le sens géographique de l’identité embrassent le discours qui attribue tous les maux de la France à autrui. Du coup, ce regard enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances et ce regard qui aussi peut les libérer. (5)
L’assimilation, telle qu’Alain Finkielkraut la conçoit, se croise, peut être inconsciemment avec l’identification dans laquelle autrui doit renoncer à sa différence. L’auteur nous renvoie au rôle de l’école pour activer cette assimilation. Or l’école n’est pas censée produire l’uniformité. Elle n’est pas faite pour exclure. Elle a pour mission de gérer, voire fédérer les différences et les particularités.
Il se trouve que l’identité malheureuse parie sur la divisibilité du concept dès qu’elle met en exergue la notion de fragmentation du territoire causée par autrui. Ne s’agit-il là d’un fantasme ? C’est une opinion qui ne pense pas globalement et n’agit pas localement. La liberté, le respect, la dignité, sont des concepts indivisibles et qui guident le désintéressement sans distinction aucune, car il est question de l’humain dans sa globalité. Même si Alain réussirait un jour à redessiner le territoire, enquête d’une nouvelle fragmentation, il n’arrivera jamais à le faire par rapport au concept.
Notes
(1) L’identité malheureuse. Alain Finkielkraut
(2) L’identité malheureuse. Alain Finkielkraut
(3) La révolution de l’amour. Pour une spiritualité laïque. Luc ferry
(4) L’identité malheureuse. Alain Finkielkraut
(5) Les identités meurtrières. Amin Maalouf