Un accélérateur vers une économie plus soutenable

La RSE à l’heure de la Covid-19

La pandémie du nouveau coronavirus, qui poursuit ses ravages à travers le monde, s’est révélée comme un véritable test de l’engagement effectif des entreprises à tous les niveaux et a propulsé la RSE (responsabilité sociétale des entreprises), longtemps considérée comme un simple bonus, sur le devant de la scène.

Cette crise inédite a, en effet, mis en lumière la résilience des entreprises ayant élaboré, voire étoffé, une stratégie RSE et pris en compte leurs relations avec leurs salariés, fournisseurs et communautés locales, puis transformé adéquatement leur organisation. Au contraire, celles ayant considéré la RSE comme une simple affaire de réputation ou de communication ont rencontré davantage de difficultés.

Pour Omar Benaicha, 1er vice-président de l’Observatoire de la RSE au Maroc (ORSEM) et docteur en sciences de gestion, la crise actuelle met en exergue l’importance des valeurs de bienveillance, de solidarité et d’éthique dans le sens où l’entreprise réalise qu’elle peut contribuer à la protection des salariés, et au-delà des citoyens, ou encore à maintenir l’emploi et donc le pouvoir d’achat, mais également aider ses sous-traitants et fournisseurs clés à faire face à la crise dans un souci de continuité d’activité et de reprise des activités post-covid.

«Perdre un sous-traitant qualifié n’est pas beaucoup différent de la perte d’un collaborateur compétent. Les grandes entreprises qui ont compris cette raison d’être et nouvelle façon de considérer leur rôle sociétal ont mis en œuvre plusieurs actions pour aider leurs salariés ou leurs sous-traitants à faire face à la crise», a souligné l’expert, dans une déclaration à la MAP.

Ainsi, d’après M. Benaicha, cette crise est une occasion pour l’entreprise pour se réinventer, se régénérer et renforcer sa résilience en toute responsabilité, notant que la Covid-19 sera certainement dans quelques mois un douloureux souvenir et les entreprises qui se préparent déjà à l’après pandémie en mettant à plat leurs modèles opérationnels et leurs relations humaines sont celles qui bénéficieraient le plus de l’effet inclusif et l’effet accélérateur combinés de la pandémie et de la RSE».

Même son de cloche chez Adil Cherkaoui, professeur universitaire à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales Ain Chock de l’Université Hassan II de Casablanca, qui a indiqué que la pandémie de Covid-19 apparaît comme une véritable épreuve de l’engagement effectif des entreprises marocaines en matière de RSE, soulignant que cette crise constitue une occasion pour les entreprises de faire l’introspection de leurs capacités de résilience, de gestion du risque et d’adaptabilité.

«Face à une tension inédite, les organisations doivent s’interroger, repenser leurs façons de fonctionner, et surtout, pour l’après crise, pour ne plus revivre un tel choc et de repenser de nouvelles organisations. En particulier, cette crise doit être l’occasion de repenser la responsabilité de l’entreprise au sein de la société : sa responsabilité vis-à-vis de ses parties-prenantes, sa raison d’être, sa capacité à anticiper et à gérer les risques et les éventuelles crises», a souligné M. Cherkaoui, également consultant en RSE.

Depuis le début de la crise, les entreprises ayant les meilleures notations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) ont montré une plus forte résistance au choc économique et financier actuel. Cela constitue une preuve empirique de la pertinence de la RSE et de la nécessité d’intégrer l’analyse extra-financière dans l’évaluation des sociétés, affirme l’universitaire.

«Bien sûr, toutes les entreprises cotées subissent le choc économique et financier général. Mais celles ayant mis en place des politiques RSE fortes résistent mieux», a t-il précisé, ajoutant qu’en temps de crise, la démarche RSE comprise et guidée par le bon niveau d’exigences métier sera un atout utile à l’entreprise pour se réinterroger sur ses paramètres d’environnement et trouver les réponses adaptées aux attentes de ses parties prenantes.

RSE: Renforcement du cadre normatif et réglementaire

Le cadre normatif et réglementaire au Maroc n’a cessé de progresser au cours des dernières années. Outre le renforcement de démarches de responsabilité sociétale de la part des entreprises faisant appel public à l’épargne, le Maroc a également développé de produits d’investissement relatifs aux risques de durabilité et/ou à impact sociétal et environnemental positif.
Ainsi, dans la circulaire du 20 février 2019, l’Autorité marocaine du Marché des capitaux (AMMC) a introduit une exigence pour l’amélioration de la transparence des émetteurs sur la teneur, la fréquence et la pertinence de l’information communiquée. La circulaire prévoit que les émetteurs intègrent dans leur rapport financier annuel un chapitre ESG. Au-delà de l’aspect reporting, cette obligation questionne ces entreprises sur ce qu’elles font en matière RSE et comment elles le font.

Rappelant qu’en mai 2017, l’AMMC et la Bourse de Casablanca avaient publié le guide sur «la responsabilité sociétale des entreprises et le reporting ESG» dans l’objectif de promouvoir la culture de la RSE au niveau des sociétés faisant appel public à l’épargne au Maroc. Le guide clarifie quelques concepts et présente une démarche pratique pour la mise en place de la démarche RSE et du reporting ESG.

Par ailleurs, l’AMMC a publié, en juin 2018, un guide sur «les Green, Social & Sustainability Bonds» en vue d’accompagner et d’encourager le développement du marché des instruments financiers destinés au financement du développement durable. Ce guide, qui s’inscrit dans la continuité du Guide sur les Green bonds publié par l’Autorité en novembre 2016, vise à ouvrir davantage d’opportunités en matière de financement de la durabilité, et ce en introduisant deux nouveaux types d’instruments, à savoir les Social Bonds et les Sustainability Bonds.

De son côté, Bank Al Maghrib (BAM) a publié en 2018 sa Charte de responsabilité sociétale pour appuyer les engagements pris par le Maroc dans le cadre de la COP22. La charte définit les cinq engagements de la Banque Centrale, dans les domaines de la Responsabilité sociétale ainsi que les 22 actions qui seront portées par ses différentes entités.

Les cinq engagements portent sur l’engagement éthique, l’engagement environnemental, l’engagement vis-à-vis des collaborateurs, l’engagement économique et citoyen et l’engagement «Achats responsables».

Top