Le patron Changpeng Zhao démissionne
La plus importante plateforme d’échanges de cryptomonnaies au monde, Binance, et son directeur général, Changpeng Zhao, ont passé un accord avec les autorités américaines, qui prévoit la démission du patron emblématique.
« CZ », son diminutif, a accepté de plaider coupable de violation des lois américaines contre le blanchiment, a annoncé mardi le ministère américain de la Justice.
Il a indiqué sa position devant un juge fédéral de Seattle (Etat du Washington) lors d’une audience, mardi.
Agé de 46 ans, Changpeng Zhao encourt plusieurs années de prison. Sa peine sera prononcée ultérieurement.
« J’ai fait des erreurs et je dois en assumer la responsabilité », a-t-il écrit sur son compte X (ex-Twitter).
Il va être remplacé à la tête de Binance par Richard Teng, qui était jusqu’ici responsable des marchés régionaux.
Dans le cadre d’un accord global, Binance va également plaider coupable de violations de la loi américaine.
L’entreprise a consenti à verser des amendes de 3,4 milliards et 968 millions de dollars à deux agences dépendant du Trésor américain, a indiqué le ministère des Finances.
Les autorités américaines enquêtent sur la plateforme depuis au moins 2018, selon plusieurs médias américains, mais n’avaient pas officiellement saisi la justice jusqu’ici.
Cofondateur, patron et actionnaire majoritaire de la société, Changpeng Zhao est la personnalité la plus célèbre du monde des monnaies numériques.
Binance est, de très loin, la plus importante Bourse d’échanges de cryptomonnaies, avec environ 12 milliards de dollars de transactions réalisées lors des dernières 24 heures, selon le site spécialisé CoinMarketCap.
L’enquête américaine, largement évoquée dans la presse, fait peser, depuis plusieurs années, une menace sur Binance, dont plusieurs cadres ont démissionné ces derniers mois.
En outre, la plateforme a été assignée devant la justice civile cette année par les deux principales agences de régulation des marchés financiers, la SEC et la CFTC.
Cette dernière reproche notamment à Binance de ne pas avoir pris des mesures suffisantes pour empêcher le blanchiment. Les clients pouvaient accéder à la plateforme sans que leur identité n’ait été préalablement vérifiée.
Selon les enquêtes de deux agences du Trésor, Binance n’aurait pas pris de mesures pour prévenir des transactions effectuées par des mouvements comme le groupe Etat islamique, al-Qaïda ou les brigades Ezzedine al-Qassam branche armée du Hamas.
« Faute d’avoir appliqué des mesures anti-blanchiment, Binance a permis à un large éventail d’acteurs criminels de réaliser des échanges sur la plateforme », a fait valoir le Trésor américain.
Les monnaies numériques sont régulièrement utilisées par des organisations criminelles pour faire transiter leurs avoirs.
Le secteur offre, globalement, un certain anonymat et moins de garanties contre le blanchiment que le système financier traditionnel, soumis à de très lourdes obligations en matière de conformité.
« Depuis ses origines, Binance, et son fondateur Changpeng Zhao, ont préféré (respectivement) la croissance et la fortune personnelle au mépris de la réglementation financière destinée à empêcher le blanchiment d’avoirs criminels », a commenté la procureure fédérale de Seattle, Tessa Gorman, citée dans un communiqué.
L’enquête a aussi révélé qu’après s’être engagé, dès 2019, à ne plus accepter de clients américains, Binance en a conservé, en particulier ceux qui étaient les plus actifs et généraient un chiffre d’affaires considérable pour le site.
« Quand Binance s’est lancé, il ne possédait pas les instruments de contrôle de conformité adéquats pour la société qu’il était en train de devenir », a réagi le groupe, dans un message posté sur son site.
La société a reconnu « des décisions malheureuses » et affirmé « assumer ses responsabilités concernant ce chapitre » de son histoire.
Selon le Wall Street Journal, l’accord passé avec les autorités permettrait à Changpeng Zhao, citoyen canadien né en Chine, de conserver sa participation au capital de Binance.
Binance s’est engagé auprès des autorités américaines à recourir, pour une période de trois ans, aux services d’un observateur extérieur chargé de la conformité, et à se plier aux textes en vigueur en la matière.
Changpeng Zhao a indiqué qu’il ne se voyait pas prendre la tête d’une nouvelle start-up. « Je me satisfait d’avoir été l’entrepreneur (chanceux) d’une seule aventure », a-t-il écrit.
Il a aussi évoqué la possibilité de conseiller de jeunes entrepreneurs. « Au pire, je pourrais au moins leur dire ce qu’il ne faut pas faire. »