Le nouvel Espace du Parti du progrès et du socialisme pour le développement humain (EPDH) a organisé, vendredi soir son colloque inaugural au siège national du parti sous le thème: «l’éducation, la formation et la recherche scientifique, fondements du modèle de développement, un vœu à la portée du Maroc», formulation qui passe toutefois sous silence la crise sempiternelle qui ronge ce secteur vital pour le développement humain. La rencontre, dont la modération a été assurée par l’ex-ministre du parti Abdelouahed Souhail, membre du BP du PPS, a été marquée par un intense débat autour de deux exposés présentés par Pr El Houssein Louardi, ex-ministre de la santé et ancien doyen de la faculté de médecine de Casablanca, membre du Comité central, et Pr. Mehdi Khalid, chercheur en matière d’éducation et de formation, également membre du CC.
Souhail: l’homme doit être au cœur de toute œuvre de développement
Revenant sur l’objectif de l’EPDH, Abdelouahed Souhail a fait savoir que l’espace va axer son action sur le développement humain, qui n’a rien à voir avec la croissance économique. Le développement humain se définit selon les Nations unies comme étant une œuvre ayant trait à la dignité humaine, à la liberté, à l’éducation, à la formation et à tout ce qui peut aider l’individu à devenir autonome et capable de participer activement au développement de la société.
C’est pourquoi, le PPS fait du développement humain un objectif majeur en œuvrant constamment pour la justice sociale, l’égalité homme-femme et le respect des libertés individuelles et collectives, du droit à l’éducation, à l’habitat, à la santé et de la dignité humaine, selon lui.
La création de l’actuel espace s’inscrit donc en droite ligne de l’action du PPS, qui œuvre pour l’avènement d’une société de justice sociale et spatiale, un Etat de Droit et des institutions et un modèle de développement dont les fruits sont répartis de manière équitable, a-t-il expliqué.
C’est pourquoi, il ne peut y avoir au Maroc de modèle de développement plus performant que celui en place sans que l’homme ne soit placé au cœur de toute œuvre de développement, a-t-il dit, appelant à intensifier l’investissement dans le capital humain, qui constitue le meilleur atout de toutes les sociétés développées.
Louardi: rompre le lien et le cordon entre disparités sociales et disparités scolaires
Le système d’éducation et de formation a connu, depuis l’indépendance du pays plusieurs réformes, qui se sont soldées par des échecs cuisants et une perte de temps et d’argent pour le pays et le peuple, qui en supportent les conséquences.
La dernière tentative en date est la vision 2015-2030, qui vient d’être couronnée par l’adoption, il y a un mois, de la loi-cadre N°51.17 relative au système d’éducation, de formation et de recherche scientifique.
Une crise structurelle et profonde
La première conclusion de ce processus des réformes et de leurs échecs à répétition tient au fait que la crise du secteur est de nature structurelle et profonde qui affecte également le moral de tous : enseignants, parents, élèves, études, responsables, en un mot la société.
Tout le monde en veut à tout le monde, alors que les disparités sociales et les écarts entre les couches et les classes sociales s’approfondissent de plus en plus. C’est pourquoi, les voix fusent de partout pour réclamer un peu de justice sociale à travers une répartition équitable des fruits de la croissance que connait le pays. Un vœu dont il faut tenir dans le nouveau modèle de développement alternatif en cours de confection, a-t-il dit, faisant remarquer que l’école publique, refuge des enfants des classes déshéritées reflète et subit de plein fouet l’influence des écarts et disparités sociales.
Tout enfant qui s’inscrit pour la première fois à l’école y vient porteur des conséquences de la disparité sociale subie par sa famille. Sans éducation, ses parents analphabètes se trouvent dans l’incapacité de suivre et d’accompagner l’éducation de leur enfant scolarisé.
Privé d’assistance et de soutien de sa famille, l’enfant issu d’un milieu défavorisé rate souvent son émancipation et abandonne tôt ou tard l’école avec un sentiment de déception, de frustration et de révolte, qui finit par le jeter dans le cercle infernal de la drogue, de la criminalité et de l’exclusion sociale.
Le coût est énorme, selon des rapports de Bank Al Maghrib et du Conseil économique, social et environnemental, qui estiment à plus de 2 milliards de dirhams de perte de la déperdition scolaire, a-t-il dit.
C’est pourquoi, la première chose à faire pour réussir toute tentative de réforme de ce secteur vital de l’éducation c’est de rompre le cordon et le lien entre disparités sociales et disparités scolaires, sachant que les disparités scolaires alimentent et amplifient les disparités sociales et vice-versa.
Rompre ce lien à travers la création d’une école équitable, juste et redevable pour permettre au directeur et à l’enseignant, les responsables les plus proches de l’élève, de prendre à temps des mesures visant à dépasser ou réduire les disparités qui apparaissent entre les élèves, tout en œuvrant pour promouvoir une meilleure croissance de l’économie et produire de la richesse qu’il faudra répartir de manière équitable.
Il est également nécessaire de lutter contre l’analphabétisme des parents et mettre en pratique le principe de l’enseignement obligatoire (5 ans-16 ans) et d’œuvrer pour améliorer le rendement des programmes de soutien à la scolarisation des enfants issus de familles pauvres (Tayssir, distribution des cartables avec fournitures, transport scolaire, etc.), a-t-il expliqué, appelant à une évaluation périodique de toutes les actions entreprises dans ce domaine pour en saisir l’impact et en améliorer la gouvernance de manière responsable et redevable.
Une école équitable et juste
C’est donc dans une école équitable et juste que réside la solution et non pas dans l’augmentation du nombre de salles de classes ou des budgets, a-t-il martelé soulignant que tout nouveau modèle de développement doit se fonder en premier lieu sur l’investissement dans le capital humain pour développer les capacités humaines tout en consolidant les bases de la justice sociale, linguistique, spatiale et numérique.
Revenant sur le processus des réformes, il cité notamment les premières entreprises au lendemain de l’indépendance qui s’étaient fixées notamment pour objectifs la marocanisation du système, sa généralisation, son unification, son obligation. Les résultats ont été peu probants et très critiqués de la part de plusieurs intervenants dont le Conseil supérieur de l’éducation et de la formation et la Cour des comptes.
La deuxième étape de ce processus des réformes a été le plan d’urgence de 2008, dont l’étude confiée à un bureau d’études étranger a coûté quelque 18 millions de Dirhams.
Après son lancement, on s’est vite aperçu qu’il s’agit d’un plan inapplicable pour le Maroc et qu’il fallait procéder à des correctifs pour l’adapter. Ce qui s’est traduit par une perte de temps et d’argent (46 milliards de dirhams).
Malgré donc tous ces sacrifices, le plan a subi un échec retentissant, comme l’a souligné la Cour des comptes en 2018.
C’est pourquoi, il a été convenu de mettre en place la vision 2015-2030 dans l’espoir de redresser la situation, à travers la promotion d’un enseignement équitable, fondé sur l’égalité des chances et la formation professionnelle. Ce qui s’est traduit aussi par l’adoption, non sans polémique, de la loi-cadre 51-17 dont la mise en application requiert un engagement global de la société, une volonté politique et une bonne gouvernance.
Un chantier national d’envergure
C’est un chantier national d’envergure, peut-être le plus important à réaliser en l’étape actuelle pour la qualification et la mise à niveau du pays, à travers une meilleure éducation de ses générations montantes pour les outiller à relever les défis de la globalisation, de la mondialisation, de la digitalisation, de l’école virtuelle et pleins d’autres défis.
Pr Mehdi Khalid: cap sur la recherche scientifique
Dans le même ordre d’idées, et pour compléter le tableau, Pr Mehdi Khalid a consacré son exposé à la recherche scientifique, qui ne bénéficie que de peu d’intérêt de la part de l’Etat.
Au cours du débat ayant couronné la rencontre, le chercheur Boujemâ Mahtat, membre du CC du parti a souligné le caractère avancé de la vision 2015-2030, tout en exprimant ses craintes, en lanceur d’alerte, de la voir subir le même sort que les précédentes tentatives de réformes.
Après l’adoption dans la douleur de la loi-cadre qui a réveillé les démons et les désaccords au sein de la majorité parlementaire, il est fort à craindre qu’elle ne soit pas appliquée comme il se doit pour sortir le secteur de sa situation critique, a-t-il averti.
Son adoption 4 ans après la vision 2015-2030 signifie qu’on a déjà perdu beaucoup de temps et que l’on accuse un retard mortel, qui risque de se répercuter sur le processus lancé il y a 4 ans, a-t-il expliqué.
Pour Krimi Jamal Benchekroun, député du PPS et membre du CC du parti, l’application par le Maroc au début des années 80 du siècle dernier des directives des programmes d’ajustement structurel de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international ont sonné le glas de l’enseignement au Maroc et privé les jeunes du pays de l’un des droits les plus élémentaires d’accès à un enseignement valable.
Depuis lors, le pays s’est doté d’un système d’éducation et de formation qui ne vise en dernier ressort que la «hyénisation» (TADBIAâ : parler populaire marocain) (pardon la hyène est un animal intelligent) des jeunes générations marocaines, comme on le constate à présent.
Pour d’autres intervenants, le redressement de la situation du secteur est peut être aussi importante, sinon plus importante que la consolidation de l’intégrité territoriale du pays.
M’Barek Tafsi
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Benabdallah : Une nouvelle illustration de l’engagement social du parti
L’Espace du parti du progrès et du socialisme pour le développement humain (EPDH) est le nouveau né du parti, à l’initiative des militants du PPS, qui illustre encore une fois l’engagement social sans faille et illimité du PPS, a indiqué le Secrétaire général du parti, Mohamed Nabil Benabdallah.
Intervenant vendredi soir, à l’occasion d’un colloque inaugural de cet espace au siège national du parti sur «l’éducation, la formation et la recherche scientifique, fondements du modèle de développement, une ambition à la portée du Maroc», un thème d’actualité dont le débat se poursuit, le SG du PPS a d’emblée rendu hommage aux initiateurs de ce projet ambitieux, qui cadre parfaitement avec le projet social, progressiste et démocratique du parti.
C’est pourquoi, il leur a rendu hommage au nom du Bureau politique du PPS, qui va assurer le portage de ce projet, a-t-il affirmé.
Au lieu de se contenter de faire connaitre les points de vue du parti sur telle ou telle question, l’espace en question se propose de promouvoir des actions de proximité avec les communes et les collectivités locales répondant aux attentes quotidiennes des citoyens, sans tomber toutefois dans l’œuvre de bienfaisance.
C’est d’ailleurs dans cet esprit, a-t-il rappelé, que les ministres du parti (santé, emploi, habitat, eau, culture) avaient développé des partenariats avec nombre de communes, dont les responsables avaient demandé le soutien de l’Etat pour développer leurs collectivités et satisfaire les besoins des citoyens.
Selon lui, la création d’un tel espace se justifie aussi par le fait que les fruits de la croissance économique ne sont pas répartis de manière équitable. Les citoyens n’en ressentent pas l’impact, a-t-il ajouté, estimant qu’une telle initiative est appelée à se développer à travers notamment le soutien d’autres acteurs de la société civile opérant dans le domaine.
L’EPDH est un espace supplémentaire de travail et de réflexion au service du projet social, démocratique et progressiste du PPS, a-t-il noté. Son action sera axée surtout sur le social.
M’Barek Tafsi