Alliances sur les pas d’Addoha?

De sa croissance fulgurante à une quasi-faillite, puis à son redressement spectaculaire en cours, Alliances Développement Immobilier aura, presque sur tous les points, marché dans les pas d’Addoha. Aujourd’hui, le groupe d’Alami Lazraq semble sortir la tête de l’eau et envisage l’avenir plus sereinement. Loin de la folie des grandeurs d’autrefois?!

Affublé, il y a encore quelques années, du titre de “promoteur immobilier puissant“ sur le marché marocain, Alliances n’en finit pas de remonter le temps pour essayer de rattraper son lustre d’antan, d’il y a à peine 5 ans. De sa croissance explosive du début des années 2010 à la faillite de quelques-unes de ses filiales, et une crainte pour une disparition pure et simple de l’acteur immobilier, le groupe d’Alami Lazraq est passé tout près de l’épilogue Lehman Brothers. Et, sauf une exposition haute en couleurs lors des déplacements royaux en Afrique subsaharienne telle qu’en avait bénéficié son concurrent et confrère Addoha, Alliances a presque tout fait comme ce dernier : forte ambition de conglomérat, endettement important et plans de désendettement. Et si le groupe de Sefrioui n’a pas, pour autant, frôlé la faillite, Alliances a vu ses fondamentaux lourdement remis en question au point de craindre une faillite de l’ensemble du groupe.

Désendettement express

Mais, quoi que menacé il y a encore trois années d’un dépècement en douceur de tout le groupe, Alliances réussit le tour de force de rester dans la course et de revenir peu à peu dans les bonnes grâces du secteur. Avec un endettement passé de 8,5 à 2,9 milliards de dirhams durant ces trois années, Alliances revit. La Bourse le confirme. Son cours reprend vigueur. Depuis le début de cette année, elle a pris 2,45% et quelque 126,19% depuis 2017. Et après les pertes sèches de près de 2 milliards de dirhams en 2015, le groupe a repris le chemin des bénéfices dès 2016, en se délestant de trois filiales qui plombaient ses résultats, pour des bénéfices de 144 millions de dirhams. Ce retournement spectaculaire qui en a surpris plus d’un s’est confirmé depuis lors avec un désendettement qui progresse bien. Aujourd’hui, Alliances est bien placée pour effacer ses dettes. À un confrère, le Directeur Général du groupe, Ahmed Ammor, déclarait : «La dette globale restante se compose d’une dette bancaire de l’ordre de 1,1 milliard de DH et d’une dette privée de près de 1,8 milliard de DH. La dette bancaire est aujourd’hui totalement adossée à des projets immobiliers et sera remboursée presque totalement en 2018. La dette privée quant à elle fera l’objet d’un reprofilage».

Le groupe souhaite en outre souffler un peu ; à cet égard, il a signé, toujours selon son Directeur Général, des protocoles d’accord avec les détenteurs d’obligations et de billets de trésorerie pour revoir les modalités de paiement, en y incluant un différé de 4 ans. Le reprofilage du reliquat des deux phases de désengagement consiste donc à un rééchelonnement du reste de la dette sur 10 ans, à des taux très bas. Ce qui aura pour mérite de laisser le groupe se concentrer sur ses projets. Ce qui signifiera également la fin “officieuse“ de la problématique de la dette. Ce désendettement express s’est essentiellement réalisé par la cession d’actifs et de projets non comptabilisés dans le chiffre d’affaires du groupe. Selon un analyste financier, «le groupe afficherait un chiffre d’affaires beaucoup plus conséquent s’il comptabilisait ces cessions dans son chiffre d’affaires. Mais, du fait que ces dernières servent à rembourser directement des créanciers, elles ne figurent pas dans le chiffre d’affaires du groupe. Néanmoins, le marché reste en attente des indicateurs du groupe pour l’exercice 2017 ». Pour rassurer, Ahmed Ammor précise chez notre confrère que «la quasi-totalité des actifs cédés sont des produits finis. Seuls deux fonciers ont été cédés.

Par conséquent, notre réserve foncière n’a pas été altérée étant donné que nous continuons à détenir, dans différentes régions du Royaume, des fonciers stratégiques à développer avec une forte valeur ajoutée». Le groupe procède également à une politique de réduction des coûts. Les charges financières subissent de vraies cures d’amaigrissement et allègent par l’occasion l’endettement du groupe. Dans un marché difficile, en crise latente depuis le début des années 2010, Alliances réalise des performances louables : 4 milliards de chiffre d’affaires prévisionnels pour 2017 et 4,2 milliards prévu pour 2018.

En outre, l’actionnaire de référence et “patron“ du groupe a apporté les 300 millions de dirhams promis dans le cadre de l’opération d’augmentation du capital de 1 milliard de dirhams prévue depuis le début de la restructuration d’Alliances. Preuve de l’embellie que connaît son groupe depuis 2016, Alami Lazraq est réapparu lors d’une mission économique au Ghana, en début 2017. Le patron qui, très affecté par la situation de son groupe qu’il avait mis tant d’énergie à construire, avait tout bonnement décidé de libérer le plancher et se mettre en retrait, semble renaître autant que son groupe semble voir le bout du tunnel. Il avait dû céder son emprise sur le groupe à un nouveau Directeur Général, sous la pression des autres actionnaires.

Des ambitions trop grandes

Ce regain de forme contraste avec la situation de l’entreprise il y a encore quelques petites années. Souvenez-vous. En 2012, le groupe affichait les ambitions les plus folles. Dans une immersion inédite dans ce groupe par un ancien mensuel de la place, le groupe d’Alami Lazraq y annonçait un chiffre d’affaires consolidé avoisinant les 4,3 milliards de dirhams en 2011, en progression de 93% par rapport à l’année 2010. Mieux, le groupe y révélait son chiffre d’affaires sécurisé pour 2012, estimé à 12 milliards de dirhams. Gourmande, Alliances joue sur tous les tableaux et vise le conglomérat. L’appel de l’Afrique ne lui échappe pas : il fait partie des chefs d’entreprises qui font partie des délégations royales qui visitent les pays subsahariens et y glanent des projets, notamment en Côte d’Ivoire. En 2013, elle réalise un bénéfice de 580 millions de dirhams. Puis le crash. Là où Alliances montrait des pattes de géant conquérant, se sont glissés le doute et la crainte d’une faillite. La contreperformance y installe une psychose. Alliances est annoncée en quasi-faillite.

Et pour se sauver d’un tel effondrement, le groupe se sépare rapidement de quelques filiales dans la construction, en requérant du tribunal de commerce de Casablanca une mise en faillite selon la formule consacrée. Cette demande ouvre un autre front aux dirigeants de l’entreprise qui, en plus de gérer les faillites annoncées et leurs lots d’implication juridique et relationnelle avec leurs partenaires, doivent composer avec des salariés qui veulent que leurs droits soient respectés. Et pour boucler la boucle, le PDG Alami Lazraq est gentiment prié de reculer un peu pour faire place à un nouveau Directeur Général à qui les clés de la maison Alliances sont désormais confiées. Lazraq disparaît des radars, lui qui ne manquait jamais les lancements de grands projets, les rencontres et les présentations de résultats. Aujourd’hui, avec la lumière qui se profile au bout du tunnel, Alliances semble avoir marché dans les pas d’un autre mastodonte du domaine, Addoha.

Comme Addoha

En effet, le groupe d’Anas Sefrioui se bat toujours contre un endettement élevé avec une politique qui, jusque-là, semble donner de bons résultats. Engluée dans des dettes et fragilisée dans sa structure financière, Addoha avait décidé de prendre le taureau par les cornes et de lancer un plan ambitieux. Baptisé Plan Génération Cash (PGC), ce plan mis en branle dès 2015 a permis au groupe de soulager le poids de ses charges. Le Plan Génération Cash a ainsi permis à l’entreprise d’Anas Sefrioui de réduire sa dette de 3,6 milliards sur la période 2015-2017. Le groupe a, durant cette période, levé le pied sur la production et la mise en chantier pour consacrer l’essentiel de son effort à la commercialisation des stocks d’invendus. Son gearing (ration d’endettement) est ainsi passé de 45% en 2014 à un peu moins de 30% en 2017.

Pour continuer sur cette lancée, Addoha a lancé, au début de cette année 2018, le plan successeur du PGC, le PCA2020, Priorité Au Cash 2020. Ce nouveau plan s’inscrit dans la droite lignée du précédent et devrait poursuivre les actions du PGC en générant 1,9 milliard de dirhams de cash-flowannuel sur la période 2018-2020, soit un total de 5,6 milliards de dirhams. Les cash-flow générés devront permettre au groupe de poursuivre son programme de désendettement global du groupe et d’acquérir de nouveaux fonciers pour les projets du groupe.

Ce plan tombe à pic, dans un secteur où la demande hésite à reprendre. Malgré le déficit en logement, les acquéreurs et les promoteurs semblent se jauger et se regarder en chiens de faïence. Mais le secteur continue de trainer la gueule de bois de la crise du début des années 2010. D’ailleurs, et pour relancer l’activité, la Fédération Nationale des Promoteurs Immobiliers (FNPI) vient de présenter au ministre de l’urbanisme, de l’habitat et de la politique de la ville, un mémorandum contenant des mesures fortes pour relancer l’immobilier. Des mesures à court et à moyen termes et un dispositif d’accompagnement administratif et légal.Ces mesures réussiront-elles à réveiller un secteur en léthargie, plongé dans un coma qui semble sans fin? Seul l’avenir nous le dira.

 

Ammor : Nous détenons un foncier stratégique

«La quasi-totalité des actifs cédés sont des produits finis. Seuls deux fonciers ont été cédés. Par conséquent, notre réserve foncière n’a pas été altérée étant donné que nous continuons à détenir, dans différentes régions du Royaume, des fonciers stratégiques à développer avec une forte valeur ajoutée», Ahmed Ammor, DG d’Alliances.

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