Ancrage social et diversité thématique

La première journée du festival du court métrage méditerranéen (Tanger du 10 au 15 courant a donné le ton d’emblée : le court métrage se porte bien et il est bel et bien un vecteur formidable de l’imaginaire collectif méditerranéen. La mer blanche du milieu qui a vu naître les règles de la dramaturgie (Aristote) et a instauré la tragédie comme genre noble vit et se nourrit du tragique. Et le cinéma dont le court métrage est une formule consacrée est au rendez-vous pour capter les signes et les expressions de grandes interrogations d’un mode en mutation.

C’est ainsi que nous avons eu des films directement ancrés dans le social, dans la grande tradition du cinéma social avec le film tunisien «Papa est en voyage» et le film français «Le grand bain». Les deux films sont d’ailleurs l’émanation de travail associatif. Le film tunisien qui  raconte «le drame»  d’un écolier dont le père est éboueur et qui ment à ses camarades de classe pour garder l’image va jusqu’à impliquer ses enfants dans le travail d’écriture du scénario. Il rejoint le film français dans l’éloge d’un vivre ensemble autour de valeurs. Le grand bain brasse une nouvelle communauté autour d’un idéal : apprendre à nager même en l’absence d’une piscine. Une merveilleuse défense de l’utopie comme vecteur d’intégration et de brassage d’autant plus que «le coach» est une chômeuse.

omme quoi les gens d’en bas peuvent bien s’en sortir s’ils sont réunis par un idéal.

Les questions de l’identité individuelle et collective sont également convoquées à l’image de «la femme d’Alia», le film libanais dont l’héroïne décide de rompre le cercle infernal que lui impose une certaine tradition et prend la route vers l’inconnu mais certainement vers une liberté assumée.

Veronica, la protagoniste du film italien Bellissima, très grosse, pose la question du corps et face aux canons dominants de la beauté.

L’altérité et l’hospitalité sont illustrées par le film espagnol «Un lieu» et le film bosniaque «D’accord». Là, un musulman dont la voiture est tombée en panne cherchant de l’aide finit par semer la terreur chez une famille de petits bourgeois qui aiment les schémas réducteurs (musulman = terroriste) ; ici c’est l’irruption d’une immigrée roumaine qui bouscule le train-train d’une vieille égoïste, refusant l’autre et qui se rend compte finalement de l’inanité de ses gestes d’exclusion.

Au bruit des clochettes, le film français est une œuvre  originale et dit à sa manière l’âge du cinéma globalisée que nous vivons, une histoire afghane sur l’exploitation sexuelle de jeunes adolescents, tournée en Tunisie grâce à une production française par une jeune cinéaste française d’origine afghane.

Le film marocain «Wafa» aborde à travers l’histoire d’un vieux couple dont le mari est amnésique la possibilité de reconstruire une vie, de repartir de nouveau à partir de bribes du passé (le rôle de la photo). Le film plaide en faveur de l’amour porté par une disponibilité permanente comme voie royale pour parvenir à une nouvelle symbiose.

Bref, une première journée qui est une très bonne entrée en matière. Et qui augure un avenir prometteur pour le cinéma méditerranéen. Et ce n’est pas le moindre mérite de Tanger que de le rappeler avec les premières pluies bienfaitrices.

Mohammed Bakrim

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