Brexit: pour un autre projet humaniste

Camouflet pour l’Europe des technocrates et de l’ultralibéralisme

«Un autre monde est possible et nécessaire»

Ken Loach (cinéaste britannique).

L’anecdote est datée mais elle est révélatrice : par un jour de grande tempête, un britannique ouvre sa fenêtre et regarde la mer déchaînée : «le continent est isolé» dit-t-il, avant de retrouver sa tasse de thé. Aujourd’hui avec le Brexit, non seulement le continent apparaît comme une île «isolée», mais il est entré dans une vaste tourmente.  La Grande Bretagne reste une île et continue à rouler à gauche, le tunnel sous la manche et l’Eurostar ont peut-être vaincu la géographie mais non la réalité socio-économique.

Le vote souverain du peuple britannique a ainsi tranché dans le sens d’une décision qui n’a finalement surpris que ceux qui ont bien voulu l’être. L’Europe va mal et ce depuis quelques années déjà. Des facteurs aggravants nés d’une conjoncture internationale très spécifique se sont ajoutés à des dysfonctionnements structurels inhérents à la nature bureaucratique et technocratique des institutions européennes et qui font que l’Europe échappe à ses citoyens. Une superstructure  au service de l’ultralibéralisme. Pour ma part, je vois dans ce vote sanction, la meilleure réplique à l’humiliation infligée au peuple grec à qui on a imposé un diktat qui rappelle les pires traditions de l’impérialisme des années noires du capitalisme.

 Une fois que le peuple a eu droit à la parole, il n’a pas manqué de dénoncer cette mécanique infernale et de le traduire en un vote qui a dérangé l’équilibre factice alimenté par médias complaisants et des élites qui refusent de voir et d’écouter.  Des élites incapable de trouver des solutions à la croissance introuvable et qui frôle désormais le zéro ; incapables de trouver des solutions au chômage à plus de 10%. Et face à des sociétés vieillissantes  qui ont besoin de migrants, elles ont développé des discours de repli et de fermeture. Devant tant de défis, quel spectacle nous a servi l’Europe ? Celui du long feuilleton sur l’islamisme et le terrorisme. N’a-t-on pas utilisé l’islam pour ne pas admettre de ne pas pouvoir répondre aux attentes des peuples ; de ne pas tenir parole, d’oublier les promesses électorales ; le terrorisme était du pain béni pour occuper l’opinion publique ; un bouc émissaire pour éviter d’aborder les problèmes réels. « La seule chance pour l’Europe est de se désintégrer.

La crainte commune de l’islam ne nous sauvera pas » avait noté l’excellent Emmanuel Todd, l’anthropologue qui avait prédit l’effondrement de l’URSS, et avait décrypté la nature réelle de la manif «je suis Charlie».

Le premier avantage de ces lendemains du Brexit et de faire tomber les masques ; et de secouer les consciences avec un retour, espéré, vers l’étude des vraies problématiques. Les professionnels de la politique tentent déjà de se positionner dans ce sens en appelant à une nouvelle Europe, plus ouverte sur les citoyens et appelant à une redéfinition du périmètre d’intervention de l’Europe ; bref un retour à une certaine souveraineté nationale en matière de décision économique. Hubert Vedrine, grand homme d’Etat résume bien les nouveaux enjeux: «Aujourd’hui, ce que je préconise, pour sauver l’HYPERLINK http://tempsreel.nouvelobs.com/tag/union-europeenne Union européenne, c’est de dégonfler sa partie chimérique pour la reconcentrer sur l’essentiel, deux ou trois domaines clés. Nous devons renoncer à cette idéologie qui veut créer un peuple européen de gré ou de force et avoir le courage de dire « stop ». C’est ce que j’appelle la « pause » : on regarde, on réfléchit».

Le hasard a voulu que ce fût un cinéaste britannique, Ken Loach, qui avait décroché la palme d’or à Cannes en mai dernier. Le grand maître du cinéma social qui donne la parole aux dominés et aux exploités. Il avait prononcé un discours très engagé et qui apparaît aujourd’hui prémonitoire : «Nous approchons de périodes de désespoir, dont l’extrême-droite peut profiter. Certains d’entre nous sont assez âgés pour se rappeler de ce que ça a pu donner. Donc nous devons dire qu’autre chose est possible. Un autre monde est possible et nécessaire».

Mohammed Bakrim

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