Cameroun : les chefferies, entre coutumes et administration

Au Cameroun, l’Etat n’est pas la seule structure organisationnelle. Existent parallèlement des chefferies traditionnelles considérées par la population et l’administration à leur juste valeur. A l’Ouest du Cameroun, berceau du peuple «bamiléké», sont érigées plusieurs chefferies, à l’instar de la chefferie «Bandjoun», l’une des plus grandes du pays. Détails sur sa structure, son organisation…

Dans le pays du triangle, l’Etat moderne n’a pas supplanté l’organisation traditionnelle. Si avant la colonisation, les chefferies étaient des micro-états souverains, l’Etat les reconnait depuis 1960 comme «des structures chargées d’assister les organismes administratifs dans l’exercice de leurs fonctions».

Elles sont régies par un décret de loi et représentées dans les conseils régionaux. En vertu d’un nouveau décret de 2013, les chefs traditionnels perçoivent mensuellement des allocations de l’Etat, affranchies de l’impôt.

Les chefferies sont un échelon de l’organisation administrative au Cameroun. Parmi elles fait partie la chefferie «Bandjoun» localisée dans la commune de Pète-Bandjoun, à l’ouest du pays, à 20 km de la ville de Bafoussam.  Elle est constituée d’une succession de cases traditionnelles aux toits de chaumes, alignées et soutenues par des piliers de bois. Le tout bordé de clôtures enfermant des bananiers.

En effet, la chefferie Bandjoun fut fondée autour du 17e siècle par le prince Notchwegom, qui quitta sa terre natale, Baleng, suite à une dispute familiale relative à la succession de son père. Après avoir initié les bases de son royaume, il favorisa l’implantation des réfugiés ; il libéra des esclaves des royaumes voisins qui vinrent s’installer en hommes libres chez lui. Ce sont ces gens qui constituèrent la majorité de sa population aux tous débuts. La chefferie est érigée sur un plan incliné, du haut vers le bas. En bas réside, le chef ou «fo», entouré de ses nombreuses épouses et serviteurs et des cases initiatiques dirigées par des notables influents. Plus bas, se situe la forêt sacrée qui est un lieu de rites, de réunions, d’initiations… Le peuple quant à lui, habite plus haut et peut descendre plus facilement vers la résidence du chef traditionnel en cas de problème.

L’actuel chef des Bandjoun, Djomo Kamga Honoré, fut désigné en 2004 après le décès de son prédécesseur, son frère Joseph Ngnié Kamga.

Au sein de la chefferie, la succession se fait de père en fils, mais le chef traditionnel est généralement désigné par un conseil, les vœux du défunt ne constituant pas toujours le choix définitif.

Avant d’être intronisé, le futur chef passe neuf semaines d’initiation au La’akam (lieu d’initiation des chefs) avec ses femmes. Entre autres objectif, il y apprend les secrets de la chefferie et est doté de la puissance surnaturelle du «Ké» lui permettant entre autres d’être invisible.

Une fois sur le trône, il est détenteur de pouvoirs magico-religieux, économique et politique. La population le vénère. Elle lui paie sous forme de travail ou en nature un impôt dont la périodicité et le montant ne sont pas fixés, mais sont tributaires des besoins du chef et de l’esprit de compétition des contribuables.

Il joue également le rôle de juge et d’arbitre.

Le chef traditionnel est secondé par un premier ministre ou «kwi-pou» désigné parmi ses frères consanguins, puisque le chef traditionnel est généralement polygame. Le «fo» est assisté par un conseil de neuf notables appelés «nkam» qui le conseille en matière de décisions législatives. Un autre conseil de sept notables sert d’agents d’administration du village et sont chargés de maintenir la paix, l’ordre et la sécurité interne. Viennent ensuite les sociétés secrètes chargées de la protection, de la répression, du respect des pratiques ancestrales…

Au sein de la chefferie se trouve également un musée où sont exposés des objets ayant appartenu aux ancêtres du chef sur le trône, entre autres : calebasses, statues ornées de perles, bijoux, masques, chapeaux de danse, tableaux, meubles, trophées de chasse…

Les femmes y occupent un rôle prépondérant, notamment la «mafo» ou la mère du chef. Elle joue un rôle incontournable dans la gestion de la chefferie. A préciser que la famille du chef est généralement nombreuse. Le chef polygame hérite généralement des veuves de son prédécesseur.

Le chef Bandjoun est l’auxiliaire de l’administration. Son rôle étant de la seconder dans l’encadrement des populations, le maintien de l’ordre public, le recouvrement des taxes de l’Etat…

Danielle Engolo

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