Cameroun: Manu Dibango, le divo du «makossa»

Rythmique, à la base d’inspiration traditionnelle, le «makossa» apparu au Cameroun dans les années 50 est l’une des vitrines culturelles du pays. Dans les années 60, la nouvelle découverte musicale se répand, se popularise voire s’internationalise…Des années plus tard, le «makossa» traverse le continent africain pour séduire les légendes du monde de la musique à l’instar de Michael Jackson et Rihanna grâce à un passionné de la musique : le célèbre saxophoniste, pianiste et compositeur camerounais Manu Dibango.

Ayant atterri comme par hasard dans l’univers du «makossa» deux décennies après sa création, le nom du saxophoniste, pour tout dire instrumentiste polyvalent camerounais, est resté inextricablement attaché à ce genre musical marqué par sa cadence et son rythme hors pair. En enregistrant en 1972 le tube «Soul Makossa» grâce à un financement de l’Etat camerounais, alors que s’apprêtait à se tenir dans la capitale Yaoundé, la 8e édition de la coupe d’Afrique des nations, le musicien n’augurait certainement pas qu’il deviendrait l’un des pionniers de cette musique synonyme du pays au triangle. Ayant passé la majeure partie de son temps en France où il s’est installé dès 1969, le chanteur ne séduit pas ses compatriotes. Du moins, sa nouvelle chanson n’appâte pas. Les supporters de l’équipe camerounaise à qui le single est distribué après la défaite des «lions indomptables» contre le Congo, ont une réaction inopportune. Ils cassent le vinyle. C’est la déception pour le chanteur mais pas le décrochage. La même année, il s’enferme dans un studio à Paris, les Studio Decca, et enregistre un album dans lequel trône le single «soul makossa». Les accents africains du single passionnent les Afro-américains vivant en France. Ils s’en procurent comme des petits pains et exportent l’album aux Etats-Unis.

Quelques mois plus tard, un certain DJ du nom de David Mancusco trouve une copie de l’enregistrement de «Soul Makossa» dans un magasin West Indian Records, situé à Brooklyn. Il en tombe amoureux et passe le tube constamment dans des fêtes qu’il organise dans sa discothèque. Aussitôt, le succès ne se fait pas attendre. Le stock des quelques exemplaires de «soul Makossa» disponibles à New York à cette époque est épuisé. La chanson est diffusée en prime time sur la célèbre station radio noire new-yorkaise WBLS…Elle va de succès en succès. En 1973, le tube occupe la 35e place au classement Billboard Hot 100. Ce qui ne laisse pas indifférent le fondateur de la compagnie phonographique américaine Atlantic Records, Ahmet Ertegün. Celui-ci signe Manu Dibango et l’invite à faire une tournée aux Etats-Unis. Le succès est total.

Le temps renforce l’attrait du single «soul makossa» et séduit l’une des légendes et icônes de la musique mondiale : Michael Jackson. Dans les années 1980, le «king of Pop» s’entiche de la chanson. Le phrasé «masa mama makosa» du tube a raison de lui. A travers un arrangement financier avec le saxophoniste, celui-ci lui permet d’utiliser la chanson dans son album «Thriller» sous le titre «wanna be starting something new». Au début des années 2000, Rihanna est elle aussi alléchée par «Soul Makossa». Michael Jackson se donne alors le droit de lui permettre d’utiliser la chanson de Manu dans son titre «Don’t stop the music ». La réponse du musicien camerounais ne se fera pas attendre. En 2009, il décide d’ester en justice et attaque les maisons de disque des deux célèbres artistes pour avoir utilisé sans autorisation le thème de «Soul Makossa».  La procédure se solde finalement par un arrangement financier à l’amiable.

Fort du succès de «Soul Makossa», Manu Dibango enregistre en 2011 en France avec l’artiste Wayne Beckord, une deuxième version du tube sous le titre «Soul Makossa 2.0». C’est le premier tube de son album «Past present future».

Manu Dibango est un musicien, saxophoniste prolifique. Il a enregistré 30 albums et a joué dans des concerts dans les salles les plus prestigieuses au monde. Il s’est également produit au festival Mawazine-musiques du monde en 2012 et 2014. Du haut de ses 83 ans, le musicien camerounais continue de développer sa passion. En 2015, il a lancé l’initiative «Afrique 2015» pour réduire le Sida en Afrique.

Il est considéré autant que les musiciens camerounais Eboa Lotin ou encore Misse Ngoh François, comme l’un des piliers du «Makossa».

Makossa, vitrine de la culture camerounaise

Le Makossa est un type de musique urbaine camerounaise qui fait partie des quatre rythmes principaux au Cameroun avec le bikutsi, le mangambeu et l’assiko. Le mot Makossa aurait été prononcé pour la première fois par l’artiste Nelle Eyoum dans les années 1950. Né entre 1952 et 1962, c’est une musique à la croisée des chemins de plusieurs autres rythmes camerounais dont l’ambassbey, l’assiko bassa, l’essewe, le bolobo. Il a enrichi d’autres genres musicaux camerounais tels que le Bikutsi. Il emprunte des cadences syncopés et rapides modulés par un ralentissement du tempo.

Danielle Engolo

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