«Je suis frustrée, j’abandonne» C’est en ces termes que Carla del Ponte, l’ancienne procureure spécialiste des crimes de guerre a annoncé, dimanche dernier, son intention de quitter la Commission d’enquête de l’Organisation des Nations-Unies sur la Syrie. Cette commission, qui, malgré ce départ, entend continuer à poursuivre ses travaux «au nom des innombrables Syriens qui sont victimes des pires violations des droits de l’Homme» a salué, dans un communiqué, la «contribution (et) les efforts» louables déployés par la procureure démissionnaire qui l’avait déjà prévenue de son intention à la mi-juin.
Mue par une incommensurable soif de justice, Carla del Ponte avait, en sa qualité de responsable du parquet fédéral suisse durant les années quatre-vingt dix du siècle dernier, assisté le célèbre juge italien Giovanni Falcone lorsqu’il avait diligenté des enquêtes dans les milieux financiers suisses ; ce qui lui avait valut d’être nommée, en 1999, procureure du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie et d’obtenir que l’ancien chef d’Etat, le serbe Slobodan Milosevic, comparaisse devant la justice internationale pour répondre de crimes de guerre et de crimes contre l’Humanité.
La Commission d’enquête précitée avait été créée en Août 2011, par le Conseil onusien des droits de l’Homme, soit au tout début du conflit né à la suite de la répression en mars 2011 par le régime de Bachar Al Assad de manifestants avides de démocratie. Mais ce conflit qui semblait être très simple au début lorsqu’il y avait «les bons (l’opposition) d’un coté et les méchants (le gouvernement) de l’autre» a fini par se complexifier au fil du temps; ce qui a fait dire à Carla del Ponte, qu’aujourd’hui «tous en Syrie sont du côté du mal. Le gouvernement Assad a perpétré de terribles crimes contre l’humanité et utilisé des armes chimiques. Et l’opposition n’est, désormais, composée que d’extrémistes et de terroristes».
Présidée par le brésilien Paulo Pinheiro cette Commission n’a, toutefois, jamais été autorisée par Damas à se rendre en Syrie. Et si Carla del Ponte a décidé de la quitter c’est justement parce qu’elle considère qu’il ne lui appartient plus, dès lors, de siéger au sein d’une «commission qui ne fait absolument rien». Elle va même jusqu’à reprocher aux membres du Conseil de sécurité «de ne pas vouloir établir la justice» puisque chaque fois que cette Commission a demandé au Conseil de Sécurité de saisir la Cour Pénale Internationale du dossier syrien, la Russie, allié indéfectible de Damas, s’y est opposé et la situation est restée la même sur le terrain avec son lot quotidien de morts – près de 350.000 à ce jour – et ses millions de déplacés.
Nabil El Bousaadi