«Les chiffres prospèrent, les gens désespèrent»

La citation complète est : En Europe, les chiffres prospèrent et les gens désespèrent. Elle est inspirée du livre «Conversations entre adultes» qui vient de paraître en français.  L’auteur du livre n’est autre que Yanis Varoufakis, l’ancien ministre des finances du premier gouvernement Tsipras; le gouvernement grec issu d’un scrutin démocratique qui a porté au pouvoir le mouvement Syriza sur un programme anti-austérité.

Varoufakis fut l’emblème de cette tentative de monter à l’assaut du ciel (pour paraphraser Marx à propos de la Commune de Paris). Il fut non seulement atypique en introduisant dans le rituel figé de la politique un comportement inédit dans sa tenue, dans sa manière de venir aux réunions (il pratiquait beaucoup la moto). Cet  économiste formé à l’école anglo-saxonne  fut surtout l’initiateur de l’expérience originale, insolite mais hélas avortée d’un ministre des finances de gauche. Il porta en quelque sorte la lutte des classes au cœur du dispositif implacable de la Commission européenne, là où se décide le destin des peuples, loin de tout contrôle par la souveraineté populaire. Confronté au diktat de la troïka, il fut acculé à la démission, laissant son ami Tsipras livré aux manœuvres des experts apatrides, portant atteinte à la souveraineté d’un pays et l’obligeant à abdiquer. Varoufakis, lui, ne s’avoua pas vaincu. Il a continué à faire de la politique autrement et à sa manière.

L’une de ses prises de position, qui avait attiré mon attention, fut son appel à soutenir la candidature Macron lors des présidentielles françaises du printemps dernier. En toute logique (schématique en fait), on aurait pu le voir dans les sympathisants du «Programme de gauche» de Jean-Luc Mélenchon. Mais il avait lui son propre raisonnement qui révèle une autre facette de sa personnalité ; d’un point de vue humain cette fois. Le texte qu’il publia en effet pour appeler à voter Macron ne manquait pas de dimension humaine loin des calculs politiciens ; une position somme toute qui ne manquait pas d’émotion. Il rappela en effet : «Il y a quelque chose de plus dans mon soutien à Emmanuel Macron: au cours de mon mandat en tant que ministre des Finances de la Grèce au début de 2015, Emmanuel m’a révélé un côté de lui que peu de progressistes connaissent», rapporte Yanis Varoufakis.

«Alors que la ‘troïka’ des créanciers de la Grèce et le gouvernement de Berlin étranglaient les tentatives de notre gouvernement de gauche nouvellement élu pour libérer la Grèce du carcan de sa dette, Macron a été le seul ministre d’Etat en Europe à faire tout son possible pour nous aider», affirme-t-il.

Yanis Varoufakis raconte ainsi que, fin juin 2015, «lorsque l’Eurogroupe avait décidé de fermer nos banques pour punir notre gouvernement», Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, aurait convaincu François Hollande de rouvrir une négociation et «proposé de venir incognito à Athènes» pour une médiation. Mais l’Elysée mettra un veto à cette mission sous l’influence d’Angela Merkel qui n’aurait pas apprécié qu’Emmanuel Macron relaie la position grecque, affirme Varoufakis.

Aujourd’hui, il a une position très critique vis-à-vis du programme appliqué par le président Macron. Dans son nouveau livre, il ne manque pas de le rappeler comme il n’a pas hésité à mettre en exécution sa promesse  de 2015; celle de publier les enregistrements secrets qu’il avait effectués de certaines réunion de l’Eurogroupe. Un récit édifiant des combats titanesques menés dans un rapport de forces défavorables.

(MAP)

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