Conférence intergouvernementale sur la migration à Marrakech

«La question de la sécurité ne peut pas faire l’impasse sur les droits inaliénables des migrants»

La Conférence intergouvernementale pour l’adoption du Pacte mondial sur les migrations, convoquée par l’Organisation des Nations unies, a ouvert ses travaux, lundi à Marrakech, en présence du Secrétaire Général des Nations-Unies, Antonio Guterres, et de plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement. La séance d’ouverture a été marquée par le discours que Sa Majesté le Roi Mohammed VI a adressé à la Conférence intergouvernementale pour l’adoption du Pacte mondial sur des migrations sûres, ordonnées et régulières et dont lecture a été donnée par le Chef du gouvernement, M. Saâd Dine El Otmani.

La séance d’ouverture a connu l’élection du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, M. Nasser Bourita, président de cette Conférence. Elle a été aussi marquée par l’adoption formelle du Pacte mondial sur la migration.

S’exprimant à cette occasion, M. Bourita a salué la confiance placée en lui par la communauté internationale, mettant en avant les efforts colossaux déployés par le Royaume afin de parvenir à un consensus mondial autour de la question de la migration.

Cette conférence historique est le couronnement d’un long processus qui a commencé en 2016 avec l’adoption par les Nations Unies de la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants. Il s’agit d’une conférence d’engagement face aux défis de la migration et de l’action ferme au service des Etats et des droits des migrants, a-t-il souligné.

De son côté, le secrétaire général de l’ONU a relevé que le Pacte procède d’une démarche qui doit permettre d’aider non seulement les migrantes et les migrants, mais aussi les communautés d’origine et d’accueil, relevant que le document propose également un cadre de réflexion sur les stratégies d’appui au développement dans les pays d’origine. La migration devrait être un acte de choix et jamais de désespoir.

Le Pacte insiste aussi sur la nécessité de proposer davantage de filières légales permettant d’avoir accès aux pays, aux entreprises et aux marchés du travail qui ont besoin de ressources humaines. Grâce à ces filières légales il sera possible de lutter plus efficacement contre le trafic et l’exploitation, a-t-il ajouté.

Le texte intégral du message royal

« Louange à Dieu, Prière et salut sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons.

Excellences Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,

Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies,

Madame la Représentante Spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies pour les Migrations,

Mesdames et Messieurs les Directeurs Généraux des Organisations internationales,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Pour un rendez-vous historique, comme celui qui nous rassemble en ce jour, est-il un lieu plus symbolique que l’Afrique – origine même des premiers déplacements humains ; que le Maroc – terre d’immigration, de transit et d’émigration ; que Marrakech – son creuset intemporel ?

Nous vous accueillons à Marrakech, en terre d’Afrique, avec fierté et humilité.

Fierté, que la Communauté internationale ait choisi le Royaume du Maroc pour cet évènement planétaire; et humilité, devant l’ampleur de la cause, du chemin parcouru et de l’œuvre qui reste à accomplir.

La coïncidence avec la commémoration du 70ème anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme n’est pas fortuite.

Et elle est heureuse : de même qu’en 1948, l’humanité s’éveillait définitivement à l’universalité des droits humains, par-delà les nations, les cultures et les civilisations.

De même, en 2018, elle s’éveille résolument à la globalité des migrations, par-delà les frontières, les clivages et les continents.

L’Histoire retiendra que c’est sous le mandat et l’égide de Son Excellence Monsieur António Guterres, que se tint cet évènement fondateur.

Je salue, également, à travers vous, la Représentante Spéciale pour les Migrations, Madame Louise Arbour, et, avec elle, toutes les âmes qui ont porté la cause qui nous rassemble aujourd’hui.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

L’intérêt du Royaume du Maroc pour la question migratoire n’est ni récent, ni circonstanciel.

Il constitue, au contraire, un engagement ancien et volontaire qui s’exprime à travers une politique, humaniste dans sa philosophie, globale dans son contenu, pragmatique dans sa méthode et responsable dans sa démarche.

Notre Vision, c’est d’anticiper l’avenir, pour construire une mobilité ordonnée.

Notre approche, c’est de tendre avec constance vers un équilibre salutaire entre réalisme et volontarisme ; entre intérêts légitimes des Etats et respect des droits humains des migrants.

La réussite nationale de cette approche – qui a toujours été la Nôtre – a conduit Nos frères africains à Nous confier le mandat de Leader de l’Union Africaine sur la question migratoire.

Elle a abouti à l’Agenda Africain pour la Migration, adopté à l’unanimité par la Conférence de l’Union Africaine en janvier 2018.

Une vision nationale et continentale qui converge avec notre engagement international

C’est, donc, tout naturellement que Notre vision, à l’échelle nationale et continentale, converge avec Notre engagement international, à travers le Pacte Mondial.

L’une et l’autre s’inscrivent dans la recherche constante de compromis novateurs, entre gestion des frontières et protection des droits humains des migrants, entre migration et développement.

L’une et l’autre tendent vers la responsabilité collective, la souveraineté responsable et le pragmatisme humaniste.

Car, la question migratoire n’est pas – et ne devrait pas – devenir une question sécuritaire.

Répressive, elle n’est nullement dissuasive. Par un effet pervers, elle détourne les dynamiques migratoires, mais ne les arrête pas.

La question de la sécurité ne peut pas faire l’impasse sur les droits des migrants : ils sont inaliénables.

Un migrant n’est pas plus ou moins humain, d’un côté ou de l’autre d’une frontière.

La question de la sécurité ne peut pas davantage faire l’économie de politiques de développement socio-économique, tournées vers la résorption des causes profondes des migrations précaires.

Enfin la question de la sécurité ne peut pas nier la mobilité. Mais elle peut la transformer en un levier de développement durable, au moment où la Communauté internationale s’emploie à mettre en œuvre l’Agenda 2030.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Pour l’heure, le Pacte Mondial demeure une promesse que l’Histoire jugera. Il n’est point temps encore d’en célébrer la réussite.

Le défi de cette Conférence est de montrer que la Communauté internationale fait le choix d’une solidarité responsable au sujet de la question de la migration.

Pour ce faire, il lui appartient de respecter pleinement le droit souverain de chacun de ses membres à déterminer et à mener sa propre politique migratoire.

Il lui incombe de prouver que le multilatéralisme n’est pas le parti de la chaise vide, de la désertion et de l’indifférence. Il est celui des synergies et de l’engagement dans la différence.

Le défi de cette Conférence est donc d’unir, face aux populismes, de rassembler, face à l’isolationnisme et d’apporter, par le dialogue et la coopération internationale, des réponses structurantes à un enjeu majeur de notre temps.

Car aucun pays ne peut, à lui seul, faire face à ces enjeux ! Or, s’il n’y a pas d’alternative à la coopération, il n’y a pas, non plus, d’alternative à l’action.

Le Pacte Mondial n’est pas une fin en soi. Il ne fait sens que par sa mise en œuvre effective. C’est pourquoi, la Conférence de Marrakech est, avant tout, un appel à l’action.

A cet appel, l’Afrique répond d’ores et déjà présent ! Elle n’entend pas être en marge.

L’Afrique ne sera pas l’objet du Pacte Mondial. Elle en sera un acteur. Un acteur central.

L’Agenda Africain pour la Migration définit sa feuille de route. Pionnier, il a anticipé l’importance, consacrée par le Pacte Mondial, de la connaissance des dynamiques migratoires.

Il a dédié à cet objectif une institution à part entière : l’Observatoire Africain des Migrations, qui aura son siège au Royaume du Maroc, et qui a été appuyé nommément par le Pacte.

Notre souhait est de voir le travail de cet Observatoire, démultiplié par une mise en réseau avec les institutions similaires dans les autres régions.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

A chaque étape des routes migratoires, à chaque degré d’intégration, à chaque niveau de complémentarité entre développement et migration, c’est la voix de la jeunesse que nous entendons, et c’est à ses besoins que nous répondons.

Entre le laxisme inacceptable et le tout sécuritaire insupportable, il y a une voie que nous ouvrons aujourd’hui.

Une voie qui oppose la souveraineté solidaire au nationalisme excluant, le multilatéralisme à l’ostracisme, et la responsabilité partagée à l’indifférence institutionnalisée.

Car, en définitive, c’est de cela dont il s’agit : mettre fin au désordre, tout en mettant de l’humanité dans l’ordre.

La page de l’Histoire qui s’écrit aujourd’hui, à Marrakech, honore la Communauté internationale, et la porte, un pas de plus, vers un nouvel ordre migratoire, plus juste et plus humain.

Je Vous remercie.

Wassalamou alaikoum warahmatoullahi wabarakatouh ».

(MAP)

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