Crâne rasé ou pas crâne rasé, telle est la question du confinement

À mesure que le confinement pèse sur le quotidien des Marocains, squattant confortablement leur existence, nos priorités se remodèlent, se chamboulent et se bousculent. Alors que les premières journées de l’état d’urgence sanitaire, décrété le 20 mars, étaient ponctuées de va-et-vient frénétiques entre le boucher et l’épicier, et entre les grandes surfaces et les souks plus ou moins fréquentés, aujourd’hui ce sont d’autres besoins qui s’imposent.

En se regardant dans la glace, l’on constate, bon gré mal gré, l’importance du coiffeur du coin, dont l’expertise reconnue dans la mise au pas des plus violentes jacqueries, est plus que jamais valorisée.

Et avec les jours qui se succèdent sans pouvoir retrouver son look anté-confinement -la tignasse gagnant en désobéissance de façon effrénée, ses “branches” de résistance s’hypertrophiant dans des directions improbables- ni gel, ni peigne, ni même huile d’olive de quelque qualité qu’elle soit, ne semblent capables de dompter cet ébouriffement qui vous toise et vous défie. Surtout que chez nous, les cheveux lisses ne sont pas la caractéristique distinctive dont la nature nous a choyés.

Face à cette situation d’impuissance inexorable, les plus radicaux, rompus à la politique de la terre brûlée, optent pour des solutions peu conciliantes.

Un ami, essayant de se faire une coupe “ordinaire” à l’aide d’une tondeuse, se trouve obligé, à force d’essayer et d’échouer d’ajuster la coiffure, à couper court à ses approximations et décide donc de faire table rase. “C’est comme au bon vieux temps, quand on se rasait le crâne, gaillards et insouciants”, dit-il, le ton triomphal.

D’autres n’y vont pas par quatre chemins. C’est le cas de ce cadre d’une institution respectable qui, raconte-t-il, s’est enfermé dans la salle de bain et, prenant son mal en patience et sa tondeuse toute neuve entre les mains, telle une bouffée de courage, met à exécution l’inévitable.

Force est de constater, au passage, que les chauves sont à l’abri de ce débat esthétique superflu, histoire de voir toujours le bon côté des choses.. Pour ceux dotés d’une chevelure touffue, objet de convoitise dans les circonstances ordinaires, c’est une toute autre histoire.

Certains font appel à l’aide extérieure, à l’instar de ce quadragénaire enhardi qui s’est confié à son épouse aux connaissances imprécises sur la coiffure. “Le nouveau look n’était pas très loin de mes attentes”, confie-t-il à la MAP. “Effarant!”, a-t-il dit, avant de se rattraper, le regard presque convaincant: “mais c’est génial pour un renouveau capillaire”.

Dans tous ces cas, le résultat, il faut l’admettre, force l’admiration, ne serait-ce que pour le côté purement téméraire de l’entreprise.

Sur la Toile, de l’Europe aux Amériques, et de l’Asie aux fins fonds de l’Afrique, artistes, sportifs et influenceurs se filment en train de se débarrasser de leur toison, alors que d’autres se lancent le challenge de faire la boule à zéro, avec des bilans plus ou moins satisfaisants.

Riches ou pauvres, jeunes ou moins jeunes, le confinement a contraint des milliers de s’improviser coiffeur, s’essayant, tant bien que mal, à un do it yourself risqué mais qui vaut quand même la tentative. Les moins audacieux risquent de devoir revivre le hippisme, avec ou sans le col pelle à tarte.

Aziz Rami (MAP)

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