L’arrêt de la production de la Samir n’est que le reflet d’un échec collectif mais révèle aussi un scandale d’Etat, ont souligné, mardi 12 mars à Mohammedia, les participants au colloque organisé par le Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole. Une question est sur toutes les lèvres : pourquoi voulons-t-on sacrifier un joyau national qui constitue une valeur sûre pour l’économie du Royaume?
Il faut dire, selon les intervenants, que la Samir est la seule et unique société de raffinage du Royaume, dotée de techniques les plus ultras, et dispose de tous les atouts pour contribuer au développement du pays.
En fait, cette unité industrielle possède deux unités, les 34 et 36, capables de produire du gasoil à 0 ppm, une technique qui n’existe guère à l’échelle africaine, hormis en Afrique du Sud et en Egypte. De plus, la Samir exportait aussi plus de 50% de sa production du bitume à l’échelle internationale, notamment à nos voisions du Maghreb, dont l’Algérie, et qui était d’une qualité irréprochable. En plus de cela, elle couvrait la totalité du marché national en matière d’huiles de base et même exportait le kérosène JET A-1.
Cela étant, la cessation des activités de l’entreprise illustre abondamment la défaillance de la régulation aussi bien au niveau privé que public, comme l’a souligné Mohammed Bemoussa, économiste et militant associatif, tout en mettant en garde contre certains messages trompeurs voulant assimiler la liquidation de l’entreprise à une faillite imminente, alors que c’est archi-faux, a-t-il asséné.
En termes plus clairs, selon lui, la liquidation judiciaire, conformément au Code du commerce, a pour objectif la sauvegarde de l’entreprise afin de remplir son rôle économique et social, point barre !
Il faut dire, poursuit l’intervenant, que la difficulté de cession des actifs de la Samir, malgré le fait que plusieurs entreprises aient manifesté leurs intentions d’achat, suscite des interrogations sur les véritables raisons qui sont derrière l’arrêt de la raffinerie depuis 2015.
Bref, l’abandon de la Samir serait une erreur fatale qui aura un impact grave sur l’écosystème économique non seulement au niveau local mais également à l’échelle nationale, a martelé Mohammed Benmoussa, en appelant les policiy-makers à repenser la chaine de valeur de ce secteur et en se focalisant sur quatre pôles d’emplois : transport, raffinage, stockage et distribution.
Abondant dans le même ordre d’idées, l’intervenant a indiqué que la focalisation sur les nouvelles énergies et l’abandon de l’industrie pétrolière serait une erreur stratégique synonyme d’une démarche unijambiste.
Facture énergétique salée
De son côté, Houcine El Yamani, coordinateur du Front national, a déclaré que l’arrêt de la production a diminué de manière gravissime le stock stratégique des produits pétroliers et qu’une éventuelle fermeture va affaiblir la capacité de négociation de l’Etat en cas de fléchissement du cours du brut.
Le militant syndicaliste a, par l’occasion, appelé l’Etat à clarifier sa vision à l’égard de l’industrie pétrolière, taxée d’ambigüité jusqu’à présent, a-t-il poursuivi.
«L’Etat doit se défaire de sa neutralité et faire preuve d’audace à l’égard de ce secteur au lieu de sombrer dans une attitude expectative», a-t-il noté en substance.
Houcine El Yamani a aussi mis en garde contre certains discours non-fondés, qui présagent la faillite de ce secteur dans tous les Etats du monde. Loin s’en faut!
«Toutes les importations du Maroc se font des pays qui ne disposent point de richesse pétrolière, d’où l’interrogation sur les visées de la fermeture de la raffinerie marocaine, sans omettre également la facture très salée plombant la balance commerciale, a-t-il expliqué. Pour El Houcine El Yamani, il n’y a pas trente-six solutions pour sauver l’entreprise, il faut juste avoir de la volonté politique et faire preuve de discernement.
Grosso modo, les scenarii de reprise de la production se résument en cinq, à commencer par la gestion libre, passant par la cession aux tiers, ou encore la transformation des dettes en participations au capital.
A cela s’ajoute encore la cession à une société mixte ou l’option de la récupération et la nationalisation, comme ce fut le cas en Ethiopie, a-t-il insisté.
Notons enfin que cette conférence a vu la participation de Hanane Rihabe, députée de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) et a été marquée par la présence de plusieurs personnalités politiques nationales et représentants de la société civile.
Khalid Darfaf