Croissance: ces inégalités qui entachent la régionalisation

Le découpage régional actuel n’a visiblement pas eu d’impact positif sur la contribution des régions à la création de richesses. Sur les 12 régions, 4 totalisent 62% du PIB. De toute évidence, le classement est toujours dominé par Casablanca-Settat qui a créé près de 24,7% du PIB. Viennent ensuite les régions de Rabat-Salé- Kénitra (14,6%), Marrakech-Safi (12,7%) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (9%).

Sous l’ancienne configuration régionale, 4 régions sur 16 étaient aussi à l’origine du plus gros des richesses créées,  à savoir le  Grand Casablanca, Souss-Massa-Draâ, Rabat-Salé-Zemmour Zaër et Marrakech-Tansift-Al Haouz. Ce qui montre qu’aujourd’hui, les 12 nouvelles régions peinent encore à relever le défi purement économique qui leur a été assigné. Il faut dire que les régions n’exercent toujours pas leurs prérogatives. La lenteur enregistrée en matière de transfert réel des prérogatives aux régions est l’une des principales causes. Sans oublier que la majorité des régions n’ont même pas encore livré leur programme de développement (PDR).

A la Direction des études et des prévisions financières, on explique ce gap par les spécialisations sectorielles des régions qui, si elles sont liées directement ou indirectement à la demande étrangère, influencent la croissance économique de celles-ci. Cependant, l’analyse de la décomposition de la croissance économique des régions révèle que cette dernière est plutôt influencée par l’effet régional propre que l’effet de la structure sectorielle. Par conséquent, les plans d’aménagement établis, les infrastructures socioéconomiques développés et le potentiel démographique et naturel différencient nettement la croissance des régions.

Ainsi, l’activité économique semble se développer davantage dans les régions à forte croissance démographique dans la mesure où les régions doivent répondre aux besoins spécifiques (construction, services, agroalimentaire, énergie, …) d’une population en hausse. D’autant plus que toutes les régions ne présentent pas les mêmes ressources et spécificités, notamment le cadre de vie l’environnement et le climat qui peuvent fortement déterminer leur attractivité en termes d’investissements. Nul doute que les investissements réalisés à Tanger, en l’occurrence l’ouverture du port Tanger-Med, ont impacté toute l’économie de la région qui a réussi à se hisser au niveau de la moyenne nationale. D’où d’ailleurs, l’appel de la Direction des études à promouvoir l’industrialisation régionale.

Car mis à part Laâyoune Saguia al Hamra dont la valeur ajoutée industrielle représente 14% du PIB de la région, Tanger Tétouan Al Hoceima (16%) et Casablanca Settat (37%), les autres régions affichent une structure productive faible sur le plan industriel largement inférieur à la moyenne nationale (16%). Pis encore, certaines régions affichent des niveaux d’industrialisation aussi faibles que ceux des pays les moins avancés et pour lesquels l’Agenda 2030 des Objectifs de développement durable (ODD)  a fixé comme objectif de doubler la part de la valeur ajoutée industrielle dans le PIB de ces pays.

Pour les experts de la Direction des études et des prévisions  financières, « le soutien approprié aux régions serait de nature à amenuiser les disparités inhérentes aux différences de cadence de la croissance économique ». Selon les statistiques, l’écart entre les extrêmes en termes de PIB réel par habitant s’est alourdi, allant de 2,2 fois en 2001 (entre Laâyoune Saguia al Hamra et Tanger Tétouan Al Hoceima) à 3,1 fois en 2014 (entre Laâyoune Saguia al Hamra et Fès Meknès) et ce, malgré une amélioration notable pour toutes les régions.

En effet, mis à part les grandes régions contributrices au PIB (Casablanca Settat, Tanger Tétouan Al Hoceima et Souss Massa), toutes les régions ont réduit l’écart de leur PIB réel par habitant par rapport à la moyenne nationale dans un élan de rattrapage. Toujours est-il que la compétitivité des régions doit être améliorée. Il s’agit, dans ce sens de développer les pôles de compétitivité autour des secteurs de prédilection de chaque région. La formation continue du capital humain de chaque région est incontournable pour dresser une trame de fond à toutes les initiatives d’innovation et de R&D à même de consolider la compétitivité et l’attractivité des région dans un cercle vertueux de capacité d’absorption des investissements et des flux du savoir qui en découlent.

Hajar Benezha

 

Les principaux champions en perte de vitesse

A peine trois régions ont pu maintenir leurs croissances au-dessus de la moyenne nationale entre2007 et 2014, selon le ministère des Finances. Il s’agit de Dakhla-Oued Eddahab, Laâyoune – Sakia El Hamra et Souss-Massa. Ce constat est dû aux investissements publics consentis dans les régions du sud pour en faire des régions compétitives sur le plan national. En face, des champions de croissance comme Casablanca et Fès sont en perte de vitesse. Ainsi, Fès- Meknès a réalisé l’écart le plus important en termes de croissance économique par rapport à la moyenne nationale (-3,9 points en 2011-2014). Casablanca-Settat s’est retrouvée dans la même situation en  mais à un degré moins intense (-1,2 points liés à l’effet régional propre (-0,9)). Par contre, la région de Rabat a réussi à s’en sortir en réalisant le rattrapage le plus important entre les deux périodes (+3,2 en 2011- 2014 contre -1,6 en 2007-2010).

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